Les contraintes financières retardent la progression des plantations forestières en Afrique centrale

En dépit de perspectives intéressantes et d’un fort potentiel, les plantations forestières occupent une superficie très limitée dans la sous-région et comptent peu en volume de production.
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Plantation d’acacias à Yangambi en RD Congo. Photo Axel Fassio/CIFOR

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La demande en bois va inévitablement exploser, en particulier en Afrique où 80 % des ménages l’utilisent comme combustible. Elle devrait quadrupler pour atteindre 6 milliards de m³ par an d’ici 2050. Pour faire face à ce spectaculaire essor escompté de la demande pour les ressources en bois, les plantations forestières commerciales peuvent remplir le même rôle que les forêts naturelles. Pourtant, d’après un rapport récemment publié, en dépit de perspectives intéressantes et d’un fort potentiel, ces plantations forestières occupent une superficie très limitée en Afrique centrale et comptent peu en volume de production.

Selon le rapport intitulé Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021 qui est publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), les investissements dans les plantations forestières commerciales de la région sont au point mort en raison d’une croissance économique au ralenti depuis 20 ans. La difficulté de trouver un financement pour des opérations telles que les plantations forestières qui ne génèrent pas de bénéfices rapidement complique d’autant la situation. Il faut en effet 5 à 8 ans avant d’enregistrer un flux de trésorerie positif après avoir investi dans des plantations forestières.

Dans un chapitre du rapport, les chercheurs pensent que les banques ne sont peut-être pas intéressées de financer le volet production des plantations forestières, mais plutôt les segments en aval comme la transformation ou la valeur ajoutée. De plus, des infrastructures industrielles inadaptées, une faible productivité, des technologies inadéquates et le flou du régime foncier et de l’utilisation des terres n’incitent guère à investir. Paul Bertaux et ses co-auteurs indiquent cependant que, grâce à l’aide publique au développement, il est possible d’investir dans la filière bois-forêt pour créer des plantations, des unités de transformation ou démarrer une exploitation forestière.

S’il y a eu peu d’investissements jusqu’ici, la production a été peu importante également puisque la superficie couverte par des plantations forestières dans les pays du bassin du Congo reste modeste : Rwanda, 301 500 ha, Burundi, 146 000 ha, Congo, 74 500 ha, Gabon, 46 800 ha, Cameroun, 30 000 ha, RD Congo, 30 000 ha, et Guinée équatoriale,13 ha. Les données n’étaient pas disponibles pour le Tchad et Sao Tomé-et-Principe.

Si l’on observe l’évolution des plantations forestières en Afrique centrale, on remarque la création de plantations d’eucalyptus au Congo, qui a démarré dans les années 1950 pour répondre à un besoin croissant de bois-énergie à Pointe-Noire. Après une succession d’actionnaires, un bail emphytéotique a été signé entre la République du Congo et la société COFOR (Congo Forest Plantations), filiale congolaise du groupe français Forest Resources Management, sur une superficie de près de 38 000 ha, constituant le « Périmètre de Reboisement de Madingo-Kayes » (PRMK), comprenant 8 000 ha de plantations d’eucalyptus, 6 000 ha de zones d’extension, des forêts naturelles et des zones de protection.

Cependant, les scientifiques ont constaté que, malgré les importantes surfaces plantées, les rendements élevés (plus de 20 m³ par ha chaque année) et la proximité du port de Pointe-Noire entre autres, les plantations forestières du Congo n’ont pas connu un essor comparable aux succès industriels observés en Afrique du Sud et en Amérique du Sud avec des technologies équivalentes. D’après eux, plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation, notamment le manque de diversification et l’urbanisation croissante qui entraîne une exploitation illégale chronique sur près de 10 000 hectares.

Carte du corridor écologique des Batéké où se trouve le système agroforestier de Mampu Crédit : ERAIFT

Les chercheurs ont aussi mentionné le système agroforestier de Mampu qui associe des acacias australiens (mangium et auriculiformis) et le manioc : ce système agraire a été déployé sur une superficie de 8 000 hectares en République démocratique du Congo entre 1987 et 1993 sous l’encadrement de la Fondation Hanns Seidel. Implanté sur le plateau batéké, ce projet était destiné à répondre à l’importante demande de charbon de bois de Kinshasa et à exploiter le bois de qualité des acacias et leur capacité naturelle à enrichir le sol. En 2009, on estimait la production annuelle du périmètre du projet Mampu à environ 10 000 tonnes de charbon de bois issu des plantations durables, 1 200 tonnes de maïs, 2 tonnes de miel, une grande quantité de manioc et divers PFNL.

« Le système agroforestier de Mampu a fait ses preuves : depuis 20 ans maintenant, 300 familles d’agriculteurs vivent chacune sur 25 hectares plantés en acacias, le périmètre des plantations accueillant plusieurs milliers de personnes autour d’un centre résidentiel et commercial », a précisé l’un des auteurs du rapport, Julius Chupezi Tieguhong, Responsable des forêts au Centre africain des ressources naturelles de la Banque africaine de développement.

J. Tieguhong a expliqué que la gestion du système agroforestier par la pratique traditionnelle de l’abattis-brûlis, permettant la régénération naturelle de l’acacia, est un des facteurs de réussite du modèle : « Cette technique, connue des agriculteurs, a facilité l’appropriation et donc la pérennité du système agroforestier ».

En ce qui concerne les possibilités de financement et d’investissement pour la création de plantations forestières, les chercheurs se sont intéressés à trois modèles de partenariat : le partenariat public-privé, les partenariats entre le secteur privé et les communautés, et ceux conclus entre les institutions financières et les pays. Les scientifiques ont cité le Gabon comme pays où le modèle du partenariat public-privé a fait ses preuves. Depuis 2011, la société des Plantations Forestières de la Mvoum (PFM) s’emploie à mettre en valeur une superficie de 40 000 hectares concédés par le Gouvernement à environ 100 km de Libreville, la capitale gabonaise.

Conscients de l’augmentation de la demande alimentaire à l’avenir, les scientifiques considèrent que les plantations d’essences à croissance rapide pourraient largement contribuer à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers et des moyens de subsistance des populations en Afrique centrale. Compte tenu de l’intérêt des entreprises du secteur privé pour les plantations commerciales (manifesté en déclarations ou en actes), ils insistent sur le fait qu’il est essentiel de prendre en considération les besoins de toutes les parties prenantes et de peser avec soin les risques environnementaux et sociaux, car ces investissements visent des milieux complexes et fragiles.

Enfin, ils préconisent de tenir compte de ces paramètres importants : le choix des directeurs et du personnel, des techniques sylvicoles ou de gestion forestière, du matériel végétal, les opportunités concernant le foncier et la commercialisation, la mobilisation des parties prenantes, l’impact carbone et les normes de certification.

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