Avec plus de 155 millions d’hectares de forêt, la République démocratique du Congo (RDC) détient le deuxième plus grand massif forestier tropical au monde. Cependant, le pays a enregistré un taux annuel de déforestation d’environ 0,2 à 0,3 pour cent de 2000 à 2015 – l’un des taux les plus élevés parmi les pays du bassin du Congo.
Par conséquent, dès 2009 le pays s’est engagé dans le processus de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), une mesure importante qui devrait également contribuer à la réduction de 17 pour cent ses émissions d’ici 2030, qui est l’objectif de la RDC dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat.
Où en sommes-nous alors dans la mise en œuvre de REDD + après une décennie ? Selon le Coordonnateur national REDD+ de la RDC, Hassan Assani Ongala, bien que la phase conception des outils nécessaires au programme REDD+ soit presque achevée, la coordination des actions reste un défi.
Dans cette interview avec Forests News, menée lors de l’atelier en ligne « Analyser et transformer la REDD+ en RDC » organisé par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) le 12 novembre 2020, H. Assani présente le bilan de la mise en œuvre de la REDD+ en RDC et identifie quelques perspectives.
Q : Quels sont les acquis des dix premières années de mise en œuvre du programme REDD+ en RDC ?
H.A. : Pour la première étape franchie, nous avons produit les différents outils nécessaires à la mise en œuvre durable de la REDD+. Par exemple, nous avons élaboré notre stratégie nationale puis l’avons converti en plan d’investissement estimé à un milliard de dollars. Cependant, avec le financement de l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), nous mobilisé seulement 20 pour cent du budget prévu ; 80 pour cent n’ont pas été mobilisés.
Au début du processus, les politiciens n’étaient pas très impliqués et il fallait leur faire comprendre les bénéfices de la REDD+. Nous avons également réussi regrouper toutes les organisations environnementales intéressées par la REDD+ dans un réseau appelé Groupe de Travail Climat REDD+ (GTCR).
Grâce au projet pilote REDD géographiquement intégré du Nord Kivu, nous avons contribué à la réduction des émissions. Les communautés environnantes du Parc national des Virunga faisaient des intrusions pour couper le bois, faire des champs et autres activités. Le projet a permis de mettre en place un système de reboisement d’eucalyptus avec l’idée de pouvoir produire le charbon de bois. Résultat, les communautés ciblées n’entraient plus dans le parc pour couper le bois puisqu’elles avaient un revenu assuré et à terme, du bois disponible.
Q : Quels sont les principaux défis dans la mise en œuvre de la REDD+ en RDC ?
H.A. : La REDD+ est un mécanisme transversal qui requiert la participation des différents ministères. Un des plus grands défis, c’est la coordination technique qui donne la possibilité à chaque partie de jouer son rôle.
L’autre défi c’est le financement des activités visant la consultation et la participation des communautés aux différents projets. Il faut nécessairement s’appuyer sur les communautés et les gouvernements provinciaux.
Avec le financement CAFI, nous avons huit programmes intégrés REDD+ et chacun d’eux nécessite la participation des communautés environnantes. Mais, nous n’avons pas toujours les moyens nécessaires pour pouvoir soutenir la communication et l’information au niveau des communautés.
Q : Quels sont les résultats du travail réalisé avec le CIFOR ?
H.A. : Le CIFOR a aidé la RDC dans certains projets REDD notamment à l’Équateur et à la province Orientale. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’équipe du CIFOR au sujet de la mise en œuvre de la REDD au niveau local. Nous avons entamé des réflexions sur cette question et nous espérons pouvoir réaliser des actions concrètes dans l’avenir.
En partenariat avec le CIFOR, nous avons organisé en 2019 un atelier regroupant toutes les parties prenantes. A l’occasion, nous avons évalué les 10 premières années de mise en œuvre de la REDD+ en RDC.
Q : Que faut-il faire pour mieux combattre la déforestation et la dégradation des forêts en RDC ?
H.A. : Nous avons identifié les moteurs de déforestation dont les plus importants sont : l’agriculture itinérante sur brulis, le bois énergie, les problèmes de gouvernance, et le défi de l’administration du territoire. Dans le plan d’investissement REDD, tous ces moteurs ont été convertis en objectifs qu’il faut inverser.
Nous devons réaliser une cartographie participative au niveau local pour comprendre l’utilisation des terres. Cette cartographie touche au problème foncier qui est vraiment très important pour la REDD+.
En RDC comme dans la plupart des pays Africains, nous avons la problématique de dualité des droits fonciers. On vous dira que le sol et le sous-sol appartiennent à l’État. Mais en même temps, les communautés disent que le sol leur appartient. À travers le fond CAFI, nous avons appuyé le programme foncier. Actuellement des consultations se déroulent au niveau provincial pour pouvoir aboutir à une loi foncière ayant bénéficié de la participation de tous. La sécurité foncière est un des piliers importants pour combattre la déforestation et la dégradation des forêts.
Q : Comment mettre à profit les tourbières dans la réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation des forêts en RDC ?
H.A. : Les tourbières constituent un grand puits de carbone et il faut les protéger afin que le carbone qui s’y trouve ne soit pas libéré dans l’atmosphère.
Dès la montée d’intérêt sur les tourbières, les autorités de la RDC ont créé une unité de coordination des tourbières avec laquelle nous sommes partenaires. Nous souhaitons avancer avec des études assez précises où nous allons cartographier les tourbières en faisant des estimations sur la quantité de carbone qui y est stockée. À la suite de cette étude, nous allons élaborer une autre stratégie d’intégration des tourbières dans le programme REDD+.
Q : Quelles sont les prochaines étapes pour REDD+ en RDC ?
H.A. : Pour ce qui est des prochaines étapes, nous tenons à finaliser et rendre opérationnel le Registre National REDD+ devant faciliter l’accès aux informations sur les investissements. Nous comptons redynamiser la coordination technique des actions au niveau national et redynamiser les organes de mise en œuvre du processus REDD+ en RDC, ou au besoin les actualiser, y compris le cadre de concertation permanent réunissant l’ensemble des parties prenantes (OSC, Gouvernement et Secteur privé).
Par ailleurs, nous mettrons un accent sur l’implication des administrations locales et la participation de la société civile et des communautés locales.
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