La conférence des Nations Unies sur le changement climatique de 2015 fut un moment historique lors duquel le monde entier s’est accordé pour limiter le réchauffement de la planète de 1,5 à 2 degrés Celsius au-dessus des valeurs préindustrielles en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Par l’Accord de Paris, les parties ont consenti à s’engager sur le long chemin du développement résilient face au climat.
Au cœur de ces objectifs à long terme, se trouvent les contributions déterminées au niveau national (CDN). Ces CDN représentent les efforts faits par chaque pays pour réduire ses émissions et s’adapter aux impacts du changement climatique. Entièrement volontaires, elles sont fondées sur les principes de la responsabilité partagée et différenciée : chaque pays prend des engagements en fonction de sa situation propre, de ses moyens et de ses priorités de développement.
Ayant pris une part active dans l’Accord de Paris, et engagés depuis longtemps dans les négociations internationales sur le climat, les pays d’Afrique centrale ont pris d’ambitieux engagements. Les CDN de cette région tiennent compte des besoins de développement des pays, mais recherchent les solutions d’avenir les plus résilientes et décarbonées. Cependant, compte tenu des progrès insuffisants réalisés en vue de leur mise en œuvre, les experts mettent en question leur faisabilité et demandent leur révision.
Une nouvelle note d’orientation politique, publiée par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), analyse les difficultés auxquelles sont confrontés les pays d’Afrique centrale pour transformer ces engagements en action, et émet des recommandations pour améliorer la situation.
« Les CDN ont été rapidement formulées pendant le sommet de Paris », explique Richard Eba’a Atyi, auteur qui en a assuré la coordination.
« Cependant, maintenant tous les pays de la région admettent qu’elles doivent être revues pour qu’elles soient plus précises et réalisables, ajoute-t-il. Les parties de l’Accord de Paris sont obligées de soumettre de nouvelles CDN tous les cinq ans, et les pays d’Afrique centrale ont donc la possibilité de reformuler leurs engagements et de les renforcer en 2020.
Le premier problème, comme le soulignent les experts, est l’absence de coordination intersectorielle. Le changement climatique demeure un enjeu confiné aux ministères de l’Environnement, ce qui limite les instruments politiques et les possibilités d’orientations stratégiques disponibles pour mettre en œuvre les CDN.
« L’organisation de l’appareil de l’État complique la formulation et la mise en œuvre des engagements en faveur du climat au niveau national », déclare Denis Sonwa, coauteur de cette note d’orientation politique et expert du changement climatique. « Un point focal dans un ministère ne suffit pas à réaliser les changements transformationnels exigés par la transition climatique. »
Deuxièmement, les financements font défaut. Dans leur ensemble, les pays d’Afrique centrale ont besoin de 117,9 millions USD pour mettre en œuvre leurs CDN actuelles, et une bonne partie de ce financement dépend de la cooperation internationale.
Les pays les plus ambitieux, le Tchad et la République démocratique du Congo, nécessitent environ 26 millions USD chacun, somme qui est bien au-dessus de leurs moyens. « Les pays attendent une contribution financière importante de la part de la communauté internationale pour leur permettre de réaliser leurs ambitions », affirme R. Eba’a Atyi.
Troisièmement, on comprend peu la part que prennent diverses activités économiques dans le changement climatique. Les auteurs de cette note ont analysé les CDN de 10 pays de la région pour trouver que toutes comportaient des engagements en faveur de l’adaptation et de l’atténuation liés au secteur forestier.
L’énergie, l’industrie et l’aménagement du territoire sont aussi très présents. Cependant, des secteurs clés comme l’agriculture et l’élevage du bétail, les infrastructures, le transport ou l’éducation ne sont pas pris en compte par la plupart des pays.
« Le débat sur le climat en Afrique centrale s’est fixé jusqu’ici sur le secteur bois-forêt », indique D. Sonwa. « Cependant, si nous voulons avoir un réel impact, il nous faut consacrer davantage d’attention à la pluralité de secteurs qui contribuent au changement climatique. »
PROPOSER DES SOLUTIONS
En ce qui concerne la question du financement, diverses solutions sont possibles, selon les experts. Par exemple, le Fonds vert pour le climat (FVC) peut aider les pays à convertir leur CDN en politiques concrètes. Grâce à son mécanisme de financement de la préparation des projets, le FVC peut aussi aider à mettre en place des capacités nationales pour concevoir un portefeuille de projets utiles susceptible d’attirer d’autres financements. « Le FVC peut servir d’outil rapidement disponible pour lancer des initiatives et accélérer la mise en œuvre des CDN », précise R. Eba’a Atyi.
Cependant, d’après la note d’orientation politique, pour obtenir un soutien international, les pays d’Afrique centrale doivent prouver leur engagement et se tenir prêts à désigner les actions financées sur leur budget national. « Pour que le dossier soit convaincant, les pays doivent fournir une preuve concrète des efforts faits pour améliorer la coordination intersectorielle et démontrer que les CDN sont bien prises en compte à tous les niveaux », poursuit R. Eba’a Atyi.
Pour promouvoir la coordination intersectorielle, cette note plaide pour plus d’initiative et de responsabilité de la part des hommes politiques. « Il est nécessaire que les principaux ministères, comme ceux de la Planification et des Finances, et même le Premier ministre et la Présidence, s’impliquent davantage », explique D. Sonwa. « Ils doivent passer d’un rôle de suivi à une véritable participation à la planification et à la mise en œuvre des CDN. »
Cette note propose aussi la révision des plans de développement de chaque pays pour qu’ils s’harmonisent avec les CDN et que les différentes stratégies et politiques destinées à promouvoir la croissance économique et à réduire la pauvreté comportent des mesures d’adaptation et d’atténuation.
Enfin, l’Afrique centrale dispose d’une organisation intergouvernementale formée de 10 pays de la région, qui se consacre entièrement à la promotion de la coopération régionale sur les forêts et l’environnement : la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC).
La COMIFAC a les moyens de faciliter les échanges régionaux à tous les niveaux pour formuler les CDN, les réviser et les mettre en œuvre, comme de poser les enjeux transfrontaliers sur la table. « Les pays doivent échanger des informations avec plus d’efficacité. Cela conduira à une meilleure prise en compte et une meilleure prévention des risques lors du montage de nouveaux projets, ainsi qu’à des capacités plus solides d’adaptation », conclut R. Eba’a Atyi, ajoutant « Nous avons besoin d’une gestion coordonnée des risques climatiques dans la région ».
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