Chronique du DG

Pour protéger les forêts de ce monde, nous devons commencer par ses villes

Place au renouveau. À mesure que les centres urbains grandissent, une nouvelle approche est nécessaire pour prendre soin des paysages.
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Flamants roses dans les marais salants près des mangroves à Doha, au Qatar. CIFOR Photo/Neil Palmer/CIAT

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Cet article a été publié en anglais sous forme d’éditorial le 21 mars sur le site de la Fondation Thomson Reuters.

Pendant des années, nous avons célébré les forêts, chanté leurs louanges et recensé leurs nombreuses vertus. Aujourd’hui, la Journée internationale des forêts n’est pas différente. C’est un jour pour les titres et les célébrations. Pourtant, les réalités de la déforestation et de la dégradation se poursuivront aujourd’hui et demain.

Si nous chérissons nos forêts autant que nous le disons, il est temps d’envisager une approche différente pour les protéger. Tout d’abord, et cela peut sembler contre-intuitif, nous devons commencer dans les villes de ce monde.

Considérez ceci : entre 1960 et 2015, la population mondiale a plus que doublé pour atteindre 7,5 milliards de personnes. En l’espace d’un peu plus d’une génération, la population mondiale a bondi et nous sommes devenus une planète de citadins. Pour la première fois, plus de la moitié d’entre nous vivent maintenant dans des villes.

Cette croissance urbaine explosive a éclipsé une augmentation absolue des populations rurales. Le pire de tout est que les deux ont contribué à des pressions énormes sur les forêts mondiales et les paysages naturels en général. Le monde continue de perdre des forêts tropicales à un rythme alarmant et la dégradation, c’est-à-dire le processus de diminution des fonctions biologiques des forêts, représente environ un quart des émissions de carbone associées aux forêts tropicales.

Lorsque les migrants s’installent dans les villes, leurs modes de vie et de consommation changent. Les habitants des villes mangent plus d’aliments transformés et à base d’animaux et ils consomment plus d’énergie. Ces changements de goûts augmentent le besoin en terres agricoles pour élever des animaux et cultiver les cultures qui les nourrissent. Dans le même temps, la demande croissante de logements repousse les limites des villes dans les forêts et les terres agricoles avoisinantes.

Selon certaines estimations, l’expansion urbaine entraînera une perte de 2,4 pourcent des terres cultivées mondiales d’ici 2030, l’Asie et l’Afrique étant les plus touchées. Ces changements sont souvent importants et modifient les habitats et la couverture terrestre, ainsi que l’hydrologie et la biogéochimie.

Les niveaux croissants d’inégalité, d’insécurité alimentaire et d’emploi dans les villes dans le monde entier font que les nouveaux migrants urbains continuent souvent à dépendre des ressources forestières en ville comme dans les périphéries urbaines, accélérant ainsi la dégradation, la déforestation et la perte de la biodiversité, le temps qu’ils s’adaptent à style de vie basé sur l’argent.

La façon dont nous abordons actuellement la déforestation ne fonctionne pas. Au Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR), nous essayons de renverser la pratique de protection des forêts de manière isolée, et d’examiner plutôt comment les villes, les terres agricoles et les forêts s’imbriquent. C’est la même chose avec un large éventail d’autres défis environnementaux, y compris la construction de villes durables et la gestion des bassins versants – et même le changement climatique.

Alors, quelle est la solution si nous voulons protéger les forêts tout en accommodant ce passage historique de la campagne vers les villes ?

Cela signifie penser de manière holistique à ces problèmes et utiliser une approche dite paysagère. La bonne nouvelle est que nous avons déjà commencé à préparer le terrain.

L’approche paysagère inclut des aspects sociaux, politiques et économiques ainsi que des aspects écologiques et physiques. Ce n’est pas une solution universelle – chaque paysage a ses propres défis et opportunités nécessitant un ensemble d’outils personnalisés et répondant aux préoccupations variées d’utilisation des terres de multiples parties prenantes. Comme l’a dit un de mes collègues, il s’agit de se débrouiller – mais avec un but précis – et d’être assez flexible pour s’adapter au changement.

L’approche paysagère cherche à répondre à la complexité du défi auquel le monde est confronté, qu’il s’agisse de la protection des forêts, du changement climatique ou de l’agriculture durable. Elle est de nature multidisciplinaire et, par définition, elle recherche une multitude de voix. Cela requière de l’écoute et de l’action.

Des efforts comme le Défi de Bonn pour restaurer des millions d’hectares de forêts et le mouvement du Forum mondial du paysage créent une dynamique pour équilibrer les besoins de la conservation, de l’agriculture, des industries d’exploitation des ressources et d’autres utilisations des terres. Parce que les paysages sont des systèmes entiers, ils tiennent compte de la diversité des types de terres et des usages dans les villes comme dans les régions sauvages ainsi que des chaînes de valeur.

Nous devons également valoriser les espaces verts dans le paysage urbain, en prenant en compte le rôle bénéfique qu’ils jouent dans l’amélioration de la vie des citadins. Les forêts urbaines filtrent les polluants, réduisent la pollution sonore, réduisent la dépendance à l’air conditionné, aident à protéger les bassins versants et bien plus encore.

Nous avons un long chemin à parcourir. Le monde a pris de nombreux engagements : ralentir la déforestation, réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter les changements climatiques, restaurer les paysages et protéger les océans. Ce ne sera pas facile.

Il est temps que nous commencions à traiter les forêts avec plus que de simples paroles. Souvenons-nous, en cette journée des forêts, que les forêts et les paysages sur lesquels nous comptons pour notre bien-être font partie de notre foyer.

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