CAMBRIDGE, Royaume-Uni – Des institutions gouvernementales faibles freinent souvent les conventions et les traités internationaux sur les ressources forestières, selon un expert.
Intervenant clé de la récente conférence Biodiversité, Développement durable et Loi (Biodiversity, Sustainable Development and the Law) à Cambridge, le scientifique du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) Andrew Wardell a émis une mise en garde sur les Accords environnementaux multilatéraux (Multinational Environmental Agreements, MEAs). Leurs ambitions sont nobles, mais en réalité les institutions gouvernementales locales ont souvent peu de moyens pour les appliquer.
Les participants à la conférence – avocats, scientifiques, chercheurs et autres – ont débattu des meilleurs moyens d’appliquer les traités internationaux pour la protection de la biodiversité, des espèces menacées et des ressources forestières, tout en aidant les pays en développement à atteindre les objectifs climatiques et de développement durable.
En focalisant notre attention sur les mandats institutionnels, les moyens, les mécanismes d'encouragement et de responsabilité plutôt que de se concentrer sur les réformes légales, nous pourrions aller de l'avant
M. Wardell, Directeur principal des activités de recherche et du développement des partenariats du CIFOR, a expliqué que pour atteindre ces objectifs, il ne fallait pas plus de lois, mais de meilleures performances des institutions. « En focalisant notre attention sur les mandats institutionnels plutôt que de se concentrer sur les réformes légales, les moyens, les mécanismes d’encouragement et de responsabilité, nous pourrions aller de l’avant. »
M. Wardell a donné l’exemple de l’Indonésie qui, bien qu’elle ait 12 000 instruments légaux à la disposition de ses gouvernements locaux, perd plus de 100 000 hectares de forêt par an, parce que les instruments ne correspondent pas aux lois fédérales.
Il est vital d’améliorer la communication et l’intégration entre des secteurs qui sont souvent perçus comme les principaux vecteurs de la perte de biodiversité et de la déforestation, dit-il. Cela peut se faire à travers des plateformes multi-acteurs, et en apportant des moyens aux scientifiques et aux organisations locaux.
Retrouvez ci-dessous le discours (en anglais) de Dr Wardell, suivi des principaux points résumés.
Les perturbations de l’environnement provoquées par l’homme devraient augmenter avec la croissance de la population et des besoins en ressources. Elles ont déjà conduit à des changements alimentaires et sociaux profonds dans de nombreuses économies émergentes. Les approches sectorielles actuelles mises en œuvre pour traiter les questions de terres durables et de gestion des ressources, comme les défis complexes de pauvreté, sécurité alimentaire, sécurité énergétique, préservation de la biodiversité et changement climatique sont inappropriées. En partie en raison du rôle déclinant de l’état en tant qu’organe de régulation, de la marchandisation de la nature et de la foi renouvelée dans des institutions comme les MEAs.
L’approche paysagère apparaît comme une manière de gérer les différents compromis complexes entre ces différents intérêt. Une façon d’équilibrer les demandes concurrentes pour l’accès et d’utilisation des ressources afin d’aboutir à une utilisation durable des terres et des ressources, et d’établir des systèmes de gouvernance des paysages plus viables.
Je distingue quatre futurs défis pour la gouvernance des paysages :
La gouvernance foncière
Les débats sur la gouvernance foncière se réduisent souvent à la question de sécuriser des droits d’accès et d’usage aux terres et autres ressources territoriales pour les petits paysans. Plus récemment, on s’est intéressé aux larges zones de terres acquises pour investir dans des produits agricoles, connues sous le terme d’« accaparement des terres ». Depuis 2005, des recherches du CIFOR ont montré que 22 millions d’hectares de terres ont été acquises à ces fins. Des preuves accablantes suggèrent que ces investissements massifs ont des retombées environnementales et sociales peu reluisantes. Je vais être un peu provocateur – puisque nous avons de nombreux avocats dans la pièce et étant donné notre connaissance des tensions entre les lois officielles et coutumières dans de nombreux pays – je pense que j’aimerais moins de lois et plus d’efforts pour essayer d’améliorer la performance des institutions. En focalisant notre attention sur les mandats institutionnels, les moyens, les mécanismes d’encouragement et de responsabilité, nous pourrions aller de l’avant.
Les moyens
Partant de ce constat, nous voyons que les gouvernements locaux/sous-nationaux ont du mal à traduire et transformer les MEA en actions sur le terrain. J’aimerais souligner la récente étude de Sarah Gagne, de l‘University of North Carolina qui, après avoir étudié 20 types de directives bio/environnementales a conclu que la plupart n’étaient ni pertinentes, ni utiles aux gouvernements locaux. Beaucoup adoptaient des approches biologiques, spécifiques à certaines espèces, coûteuses en terme de collecte de données, peu claires sur les actions, le suivi ou les interventions, et souvent très complexes. Très peu incorporaient les contraintes socio-économiques associées à la préservation de la biodiversité. La plupart des communications entre les MEA et les gouvernements nationaux se cantonnent au niveau national et ne vont pas jusqu’aux gouvernements locaux.
Transformer les filières mondiales
On a beaucoup parlé du récent sursaut d’intérêt et des engagements pour développer des filières mondiales « déforestation zéro ». Cela a pris forme lors du Sommet du Secrétariat Général sur le climat à New York en 2014, où 40 des plus grandes firmes alimentaires mondiales ont signé la Déclaration de New York sur les forêts. L’objectif est d’atteindre une perte des forêts zéro en 2030. Mais il y a un soucis : que signifie la « déforestation zéro » ? Comment mesurer les éventuels changements de pratiques et de comportements des entreprises pour réduire la déforestation dans leurs chaînes de production et comment s’assurer qu’il existe un processus de vérification indépendant ? Voilà quelques questions qui ouvrent de nouvelles opportunités de recherches pour les organisations comme le CIFOR.
La collaboration
Une récente étude menée en Afrique de l’Ouest s’est concentrée sur les parcs de karité d’Afrique de l’Ouest, un système de parc agroforestier de 4000 km2 qui demeure une source importante de revenus pour les femmes. Cependant, non seulement cela a changé la structure genrée de la chaîne de valeur locale et régionale – gérée et contrôlée depuis 250 ans par les femmes – mais de grandes zones du parc ont aussi été défrichées pour faire face aux demandes croissantes de nourriture et de charbon. Pourtant, il y a une faible lueur d’espoir avec de nouvelles initiatives, comme Global Shea Alliance. De telles plateformes multi-acteurs, qui rassemblent différents intervenants opérant dans le paysage du parc, sont l’opportunité de regarder au-delà des accords multi-latéraux établis, pour améliorer les communications et les négociations et réconcilier des intérêts en compétition pour l’utilisation des ressources terrestres.
Pour plus d’informations, veuillez contacter Andrew Wardell à l’adresse a.wardell@cgiar.org.
Les recherches du CIFOR sur les paysages sont notamment soutenues par CGIAR Research Program on Forests, Trees and Agroforestry.
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