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Forêts et climat : des experts tracent le chemin vers la COP21 de Paris

« Un scénario de deux degrés n’est pas envisageable sans de réels progrès sur les paysages durables, y compris nos forêts »
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LIMA, Pérou — Pour que les forêts fassent partie de la solution au changement climatique, des dirigeants – un organisateur indigène, un juge ou encore un PDG – ayant participé au Forum mondial sur les paysages en 2014 ont défini les étapes nécessaires entre aujourd’hui et la réunion décisive sur le climat de l’année prochaine à Paris.

Et les forêts sont une partie essentielle de cette solution, a déclaré Helen Clark, administrateur du PNUD, lors de la séance plénière d’ouverture.

« Un scénario de changement climatique de deux degrés n’est pas envisageable sans de réels progrès sur les paysages durables, y compris nos forêts », dit-elle.

Le Forum mondial sur les paysages de 2014 a été organisé par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Plus de 1 700 personnes de 90 pays ont assisté à l’événement en marge de la conférence annuelle sur le changement climatique des Nations Unies à Lima. Des négociateurs nationaux sur le climat, des ministres, des PDG, des dirigeants autochtones, des dirigeants de la société civile et des chercheurs étaient notamment présents.

Selon Mme Clark, il y a eu beaucoup d’avancées l’année dernière – de la Déclaration de New York sur les Forêts à la Déclaration de Rio Branco sur le Climat et les Forêts par le Conseil des Gouverneurs, en passant par l’engagement de dizaines d’entreprises à supprimer la déforestation de leurs chaînes d’approvisionnement.

Toutefois, elle ajoute que l’assemblée des Nations Unies devrait en faire davantage l’année prochaine à Paris, où les pays tenteront de finaliser un accord sur le changement climatique suite à l’échéance du Protocole de Kyoto.

« Les pays forestiers en voie de développement doivent faire des politiques nationales d’atténuation du changement climatique une priorité. Ces politiques incluent des objectifs ambitieux pour réduire la perte des forêts et pour soutenir le reboisement, ainsi que la mise en œuvre et le renforcement des réformes concernant l’utilisation des terres », affirme-t-elle. 

Est-ce que 2015 sera l’année où les gouvernements rempliront leurs engagements pour la REDD+ ?

Helen Clark

« Il faudra une volonté politique et un leadership très forts et la communauté internationale doit soutenir ces efforts. »

Selon elle, les économies avancées doivent offrir des incitations économiques à grande échelle pour la protection des forêts, dit-elle. En outre, elles doivent faire des progrès quant à la REDD+, un régime soutenu par l’ONU visant à inciter les pays tropicaux à réduire la déforestation et la dégradation forestière.

« En 2014, de nombreuses entités du secteur privé se sont mises à lutter contre la déforestation. Est-ce que 2015 sera l’année où les gouvernements rempliront leurs engagements pour la REDD+? », demande Mme Clark.

Elle ajoute que le secteur privé doit avancer plus rapidement dans ces efforts pour éliminer la déforestation des chaînes d’approvisionnement, tout en ralliant davantage de produits et d’entreprises à la cause.

En outre, les peuples autochtones doivent être habilités à protéger les forêts, déclare Mme Clark.

« D’une part, les gouvernements doivent formaliser et ancrer leurs droits, d’autre part, les entreprises doivent respecter leur droit à un consentement libre, préalable et éclairé. »

PERSPECTIVE DU SECTEUR PRIVÉ

Paul Polman, le PDG d’Unilever, a également exposé les mesures qui pourraient être prises par les gouvernements pour aider le secteur privé à supprimer la déforestation des chaînes d’approvisionnement.

« Alors que le secteur privé peut sans aucun doute perturber les marchés, seule la politique du gouvernement est capable de transformer les marchés et de changer les règles du jeu pour tout le monde », explique-t-il.

Il affirme que les gouvernements des pays tropicaux doivent clarifier le régime foncier, améliorer la transparence, protéger les droits fonciers coutumiers des communautés forestières, renforcer l’application des lois forestières et sévir contre la déforestation illégale.

Ils devraient également renforcer la coopération avec le secteur privé, ajoute-t-il. 

Cet harmonisation des incitations publiques et privées est une des grandes réussites à notre portée

Paul Polman

« Ces partenariats pourraient fournir des situations avantageuses pour tous, garantir la traçabilité aux entreprises et des investissements renforcés pour les États concernés. »

« Cet harmonisation des incitations publiques et privées est une des grandes réussites à notre portée. »

Les pays développés ont eux aussi un rôle à jouer, selon M. Polman.

« Ils peuvent renforcer les signaux envoyés par le secteur privé grâce aux produits exempt de déforestation, en particulier à travers de leurs politiques d’approvisionnement et de commerce. Très peu le font réellement », déclare-t-il. « Nous avons besoin de plus d’ambition et de cohérence à ce sujet. »

« Il faut également mettre fin aux subventions ou incitations perverses pour les biocarburants néfastes qui entraînent la destruction des forêts et menacent en même temps la sécurité alimentaire. En outre, la communauté internationale doit donner la priorité à la REDD+ en permettant un financement à grande échelle, prévisible et durable, axé sur les résultats. Dans le cadre d’un nouvel accord climatique, ceci joue en faveur de la protection des forêts », dit-il.

UN POINT DE VUE D’INDIGÈNE

Cándido Mezúa Salazar, président de la coordination nationale des peuples autochtones du Panama, a déclaré lors de la session plénière que les droits des peuples autochtones à la terre doivent être assurés dans tout accord climatique mondial.

« Partout dans le monde, les forêts sont là où des peuples autochtones vivent. Ainsi, nous déclarons avoir une certaine influence sur les forêts », affirme-t-il.

« Mais comment pouvons-nous la gérer si nous ne disposons pas de règles claires ? Nous devons donc définir des règles claires qui nous aideront à sauvegarder ces droits. »

Il a également appelé à ce que toute distribution de bénéfices se fasse de manière équitable.

LEÇONS DE DROIT ET DE SOCIÉTÉ CIVILE

Justice Antonio Herman Benjamin de la Haute Cour nationale du Brésil a parlé de la nécessité d’inclure les juges dans les efforts de lutte contre la déforestation et d’autres problèmes environnementaux.

« Les juges sont les acteurs les plus puissants dans le processus de conservation, mais où sommes-nous dans ce débat? », demande-t-il.

« Les juges peuvent faire respecter les limites des zones protégées ou rendre leur mise en place illégale. Ils peuvent arrêter les opérations minières ou imposer des règles aux entreprises. Ils peuvent sécuriser la terre des peuples autochtones – ou les faire expulser. Et avant tout, ce sont les arbitres finaux des droits de propriété. » 

Une loi sans bons juges est un tigre de papier

Justice Antonio Herman Benjamin

Les juges doivent être mieux formés pour traiter les questions liées à l’environnement, affirme-t-il.

« Une loi sans bons juges est un tigre de papier. Nous avons besoin de bons juges éthiques et indépendants qui connaissent les processus écologiques. Ceci est probablement notre plus grand défi – comment faire comprendre aux juges les lois de la nature», souligne-t-il.

Selon Yolanda Kakabadse Navarro, présidente du WWF, les mesures d’adaptation au changement climatique et de son atténuation doivent également répondre aux besoins en matière de développement.

« Nous devons restructurer nos institutions en faveur des paysages. La gestion intégrée exige de nouvelles visions, de nouvelles compétences au niveau des projets ou des interventions à plus grande échelle. Nous devons relever les défis de manière globale », dit-elle.

« L’expérience a montré que la modification des modèles de travail n’est pas facile. Mais nous n’avons pas le choix. Nous devons tous faire cette transition, briser les silos et créer des espaces pour que les personnes puissent travailler au-delà des différents secteurs. »

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