La communauté scientifique doit davantage expliquer «l’économie verte»

Quel est le principal obstacle à « l’économie verte » ? Les mentalités, selon un économiste spécialisé dans le domaine de l'environnement.
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Seorang penduduk desa mengangkut buah kelapa sawit dari perkebunan di Jambi, Indonesia. Suatu pergeseran menuju ekonomi hijau yang menyeimbangkan berbagai sasaran ekonomi dan lingkungan masih jauh, menurut seorang pakar ekonomi. Iddy Farmer/CIFOR photo

Un villageois transporte les fruits du palmier à huile issus d’une plantation à Jambi, en Indonésie. Le passage à une économie verte, qui concilie les objectifs économiques et environnementaux, tarde à se concrétiser, selon un expert en économie. Photo: Iddy Farmer/CIFOR

BOGOR, Indonésie — Quel est le principal obstacle à «l’économie verte» ? Les mentalités, selon un économiste spécialisé dans le domaine de l’environnement.

L’économie verte vise le développement durable tout en minimisant la dégradation de l’environnement. Pourtant, malgré ses objectifs «gagnant-gagnant», elle tarde à être adoptée.

L’économie verte est une tentative d’aligner les dynamiques de l’économie et de la nature.

«Les états d’esprit créent un obstacle», dit Pushpam Kumar, chef de l’Unité des services écosystémiques et de l’économie au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).

«Les barrières se forment lorsque les personnes ne comprennent pas le concept. Elles pensent: Oh, une autre contrainte verte, ou un lobby vert ou un groupe de défense de l’environnement qui parle de quelque chose d’obscur. La racine du problème se trouve donc chez nous, la communauté scientifique, car nous n’avons pas été en mesure d’expliquer les possibilités offertes par ce concept», a déclaré M. Kumar lors d’une entrevue avec le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).

Bien que ces obstacles puissent être surmontés, le passage à une économie verte ne sera pas une panacée et ne se fera pas du jour au lendemain, selon M. Kumar.

«L’économie verte est en quelque sorte une déclaration ambitieuse. … Je ne dirais pas que dans 5 ans, 10 ans, tout va être vert et rose, non. Toutefois, je pense que la société peut être transformée de sorte que certaines des conséquences catastrophiques soient évitées.»

M. Kumar est l’un des six conférenciers a avoir partagé des «grandes idées» lors du Colloque sur les Forêts et le Climat: une nouvelle pensée pour un changement transformationnel, à New York le 24 septembre. Le colloque est organisé conjointement par le CIFOR et l’Institut de la Terre de l’Université Columbia. Ci-dessous, une transcription de l’entretien du CIFOR avec M. Kumar réalisée avant le colloque.

Q: Quelle est cette «grande idée» dont vous allez parler lors de l’événement?

R: Je vais parler de la façon dont nous devons renforcer la capacité de l’homme à transformer la société pour favoriser «l’économie verte».

«L’économie verte» est un type d’approche, un ensemble d’outils qui ont le potentiel de mettre la société sur la voie de la durabilité.

Protéger l’environnement suppose de bien gérer l’économie et d’aller au-delà de l’économie pour inclure d’autres disciplines, ainsi que les sciences et institutions sur lesquelles repose une économie saine. L’économie verte est une tentative d’aligner les dynamiques de l’économie et de la nature.

Q: Pouvez-vous donner des exemples de quelques-uns de ces outils dont vous parlez?

R: Les outils et les approches dont je parle concernent les nouvelles opportunités d’investissement, l’identification des seuils écologiques, ainsi que l’identification des synergies entre les activités économiques et les activités de conservation.

L’axe majeur de ma discussion portera sur les évaluations économiques; les saisir, les démontrer et les intégrer dans les décisions de développement afin de faire un usage plus juste et efficace des ressources.

Il s’agit également d’identifier, de reconnaître et d’organiser des systèmes complexes. Ceci pourrait se faire sous forme de compromis: par exemple, une augmentation de la production alimentaire risque d’avoir un impact négatif sur les aspects biophysiques de l’agriculture, en termes de salinité du sol, d’engorgement, de monoculture et de pesticides. Alors, comment pouvons-nous améliorer la production alimentaire, afin de répondre aux besoins de plus de 7 milliards de personnes, en ayant un impact minimal sur l’eau souterraine, l’eau de surface et la couche supérieure du sol? Il s’agit de ce type de compromis et nous devons trouver les moyens pour y parvenir.

Q: Comment y parvenir, est-ce possible?

R: Oui, c’est possible. Les possibilités se présenteront sous différentes formes en fonction de l’échelle temporelle. À court terme, il n’y a sans doute pas beaucoup de chance de réussite. Mais à moyen et à long terme, je pense que c’est réalisable.

Q: Comment cette idée «d’économie verte» peut-elle nous aider?

R: « L’économie verte» est en quelque sorte une déclaration ambitieuse. Pour être pragmatique, je ne dirais pas que dans 5 ans, 10 ans, tout va être vert et rose, non. Toutefois, je pense que la société peut être transformée de sorte que certaines des conséquences catastrophiques soient évitées.

Je n’ai pas l’illusion que nous allons atteindre l’économie verte dans tous ses aspects à court terme. Mais comme le disait l’ancien secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld – même s’il parlait dans un contexte différent – «Nous n’essayons pas de faire du monde entier un paradis, mais d’éviter que le monde entier se transforme en enfer».

Q: A quoi ressemblerait une économie verte ?

R: Par rapport à aujourd’hui, il y aurait moins d’émissions de gaz à effet de serre, une plus large diffusion de la technologie, un plus grand usage de technologie verte, une croissance durable et favorable à l’emploi, plus d’équité et d’harmonie sociale. Elle aide à mieux nous adapter aux changements climatiques et à stopper le rythme de la perte de biodiversité.

Pushpam-Kumar head shot

Il y a un besoin urgent de «changer la référence de base pour mesurer les progrès: le PIB», déclare Kumar Pushpam du PNUE. «La comptabilité conventionnelle des revenus au sein des pays ne reconnait pas la contribution de la nature.»

Q: Si elle implique tous ces bénéfices, pourquoi est-il si difficile d’y parvenir? Quels sont les obstacles?

R: Les états d’esprit constituent un obstacle. Les barrières se forment lorsque les personnes ne comprennent pas le concept. Elles pensent: Oh, une autre contrainte verte, ou un lobby vert ou un groupe de défense de l’environnement qui parle de quelque chose d’obscur. La racine du problème se trouve donc chez nous, la communauté scientifique, car nous n’avons pas été en mesure d’expliquer les possibilités offertes par ce concept.

Deuxièmement, même si les gens comprennent, de nombreux pays ont encore un important effort de renforcement des capacités à faire afin de mettre en œuvre ces idées. Il s’agit donc d’une autre contrainte qui empêche d’atteindre les objectifs de l’économie verte.

Troisièmement, il existe à l’heure actuelle également une sorte d’économie politique de croissance et de développement dans le monde entier, depuis la crise financière mondiale de 2008. Les gens ne veulent pas expérimenter avec des nouvelles idées quand ils sont aux prises avec la croissance, l’emploi, le commerce et l’investissement. Ils sont réceptifs, mais de part mon expérience personnelle avec les gouvernements, ils sont en quelque sorte réticents.

Un fait est cependant qu’à chaque fois que nous avons essayé de la transmettre efficacement, de l’expliquer et d’identifier les actions nécessaires pour agir, cela a été fait et c’est avéré très prometteur !

Q: Quel est le rôle des forêts?

R: Les forêts sont importantes en tant qu’exemple principal de capital naturel, offrant de nombreux bénéfices tangibles et intangibles: non seulement le bois ou les produits forestiers non ligneux, mais également le carbone et les bassins versants. Ces services ne sont pas inclus dans les politiques nationales de développement. Il y a une prise de conscience, mais elle n’est pas prise en compte dans les décisions de développement des ministères respectifs des pays où les forêts sont dominantes.

L’alliance pour l’environnement n’est pas encore très puissante. Au sein de tous les pays, à l’échelle mondiale, qui sont les plus puissants? Les industries, l’agriculture, les banques, la finance, les assurances… Ce sont eux qui créent les facteurs du changement.

Il est également urgent de changer la référence de base pour mesurer les progrès: le produit intérieur brut ou PIB. La comptabilité conventionnelle des revenus au sein des pays ne reconnait pas la contribution de la nature.

Dans de nombreux pays, en particulier dans les pays du Sud, les pauvres dépendent de ressources communes que le PIB ne prend pas en compte. Tout programme de lutte contre la pauvreté se basant sur des indicateurs si étroits est voué à l’inefficacité.

L’évaluation et la comptabilisation sont importantes; mais nous devons également restructurer la macro-économie et adopter un modèle différent. C’est là que repose le défi, en termes de capacité, en termes de compréhension, et de fournir des exemples convaincants.

Q: Quels sont les types d’ajustements macro-économiques?

R: Lorsque je parle de politique, je ne pense pas aux politiques environnementales, mais aux politiques commerciales, aux politiques d’importation et d’exportation, celles concernant le taux de change, ainsi que le taux d’intérêt.

L’alliance pour l’environnement n’est pas encore très puissante. Au sein de tous les pays, à l’échelle mondiale, qui sont les plus puissants? Les industries, l’agriculture, les banques, la finance, les assurances – ils engagent des milliards, des milliers de milliards de dollars chaque mois. Ce sont eux qui créent les facteurs du changement.

Ceux qui exportent du bœuf, par exemple, peuvent être la cause de la déforestation. Ou l’exportation de cultures aquacoles peut entraîner la pollution de l’eau et la perte de la biodiversité.

Toutefois, ces liens ne sont pas clairs, les gens ne les comprennent pas. Nous devons rendre ces liens explicites, tout en remodelant la structure de la macro-économie.

Il existe un marché des biens, un marché de l’argent, un marché du crédit; mais où est le marché de l’environnement? Il y a une offre et une demande en ressources environnementales – ceci pourrait être une bonne façon de percevoir l’économie d’une manière plus complète et plus équilibrée, au lieu de simplement ignorer l’environnement ou de l’aborder de manière négligente.

Q: Pourquoi des événements, comme ce colloque, où nous discutons de ces questions sont-ils importants ?

R: C’est un moment unique et opportun pour faire connaître nos arguments et pour informer ceux qui sont à New York pour le Sommet sur le Climat sur les outils existants. Ces outils sont connus par les chercheurs, mais n’ont pas été transmis de façon convaincante aux décideurs politiques qui ont le pouvoir et la possibilité d’influencer les situations sur le terrain. C’est pourquoi cet événement est très important.

Q: Quelles sont les idées que vous aimeriez transmettre aux participants du colloque?

R: Je souhaite qu’ils retiennent un ou deux outils de notre discours et qu’ils sont motivés à les appliquer dans leur propre pays, si ils ne le font pas déjà.

Même si des choses sont perdues sur le court terme, nous devons leur dire que, pour nos enfants, pour nos petits-enfants et pour l’avenir, cela en vaut la peine.

S’ils retiennent une ou deux idées – je ne vais pas être très ambitieux! – juste une ou deux idées, alors je me dirai que j’ai fait mon travail.

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