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Un rapport met en lumière un vaste écosystème négligé

«Détruisez ces forêts» ... «Et vous détruisez le bien-être du peuple.»
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The Miombo woodlands in northern Zambia are the site of a number of large-scale biofuel investments, Zambia. Photo by Jeff Walker for Center for International Forestry Research (CIFOR)

La savane boisée de Miombo au nord de la Zambie. Les forêts sèches, en Afrique et ailleurs, soutiennent la vie et les moyens de subsistance de centaines de millions de ruraux. Jeff Walker/CIFOR

BOGOR, Indonésie – Peu d’expressions sont aussi évocatrices que «forêt tropicale humide»: sauvage, mystérieuse, d’une valeur incommensurable et digne des cris de ralliement pour la sauver.

L’expression « Sauvons la forêt tropicale sèche! » est beaucoup moins courante.

Dommage pour elles. Ces forêts, appelées ainsi en raison de leurs longues périodes de sécheresse, représentent près de la moitié des forêts tropicales du monde et soutiennent l’homme et une faune emblématique, tout comme le font leurs homologues humides. Néanmoins, elles n’ont pas encore su capter l’attention du public ou des décideurs politiques, comme l’ont fait les forêts tropicales humides du monde, ce qui les expose au risque de mauvaise gestion et de surexploitation.

Un nouveau rapport pourrait aider à changer cela, en faisant le point sur les connaissances au sujet des forêts tropicales sèches et en prescrivant de nouvelles recherches sur un écosystème pour lequel il n’existe même pas de définition généralement acceptée.

Détruisez ces forêts et vous détruisez le bien-être du peuple

Phosiso Sola

Un point est rarement abordé: les forêts tropicales sèches offrent une bouée de sauvetage indispensable pour des centaines de millions de personnes en milieu rural à travers du monde, en fournissant des aliments et des moyens de subsistance, déclare Phosiso Sola, chercheuse chevronnée au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et co-auteur du rapport.

« Détruisez ces forêts », dit-elle, « et vous détruisez le bien-être du peuple. »

Malgré leur importance, les forêts tropicales sèches figurent parmi les écosystèmes forestiers les plus menacés et moins étudiés du monde, indique le rapport. En tant que telles, ces zones risquent d’être davantage vulnérable face à la déforestation et dégradation que les forêts humides. Le rapport poursuit que le manque de données spécifiques aux sites signifie que les informations nécessaires pour faire de la politique fondée sur des preuves, afin de soutenir la conservation des forêts sèches, sont «absentes ou incomplètes».

Il n’est donc pas étonnant que les décideurs politiques ne prêtent en grande partie pas attention à ces écosystèmes.

CE QUE NOUS SAVONS

Le nouveau rapport met en évidence les contributions des forêts sèches aux hommes et paysages d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Ces contributions touchent l’amélioration de la sécurité alimentaire; l’atténuation du changement climatique; la fourniture en combustible de cuisson; le renforcement de la santé et nutrition; ainsi que le soutien à l’agriculture locale lié aux nombreux services écosystémiques que ces forêts offrent.

L'utilisation des forêts sèches comme filet de sécurité augmente de façon spectaculaire lors des inondations, sécheresses ou troubles civils

Phosiso Sola

Selon Mme Sola, les forêts sèches sont particulièrement importantes pour les populations rurales, dont beaucoup complètent leur alimentation pauvre et leurs moyens de subsistance par la cueillette de plantes sauvages, de noix, d’insectes, de champignons et d’autres aliments issus des forêts sèches, ainsi que d’autres produits non ligneux.

Rien qu’en Afrique, des millions de personnes dépendent des forêts sèches, pas seulement pour les aliments forestiers, mais aussi pour d’autres produits de valeur tels que les herbes médicinales, les fibres, le bois, l’herbe pour le chaume et les balais, déclare Mme Sola. « Leur utilisation comme filet de sécurité augmente de façon spectaculaire lors des inondations, sécheresses ou troubles civils », dit-elle.

Les forêts tropicales sèches offrent également de nombreux bénéfices aux petits agriculteurs et éleveurs sous forme de services écosystémiques, tels que la réglementation des eaux souterraines, le contrôle de l’érosion, le recyclage des éléments nutritifs du sol et le fourrage pour le bétail.

Toby Pennington, chef de la Section Diversité Tropicale du Jardin botanique royal d’Edimbourg en Ecosse, estime que jusqu’à un milliard de personnes à travers le monde tirent leurs moyens de subsistance des forêts à canopée fermée et des savanes tropicales, les deux principaux types de forêts couvrant les régions saisonnièrement sèches des tropiques.

Bien que les données soient rares, selon M. Pennington, les chiffres disponibles suggèrent que les savanes tropicales jouent un rôle important dans le cycle énergétique mondial en convertissant l’énergie du soleil en matière organique.

« Bien qu’il faille beaucoup plus de recherche sur les services écosystémiques, des études récentes indiquent que les savanes tropicales représentent 30% de la production de biomasse terrestre (production primaire nette) », dit-il. «Et n’oublions pas que certaines des cultures tropicales les plus importantes, telles que le maïs et les haricots, trouvent leur origine dans les forêts tropicales sèches.»

Selon le rapport du CIFOR, davantage de données sont urgemment nécessaires concernant les menaces auxquelles sont confrontées ces forêts et l’ampleur de leur détérioration.

La valeur des forêts sèches est inconnue, non documentée et négligée; par conséquent, toute autre utilisation alternative des terres est plus attrayante

Toby Pennington

M. Pennington déclare que la conversion de la forêt sèche pour l’agriculture est une menace majeure; 70% des savanes du Brésil étant défrichées pour la production de charbon de bois et la culture intensive de canne à sucre, de soja et de bovins.

« En revanche, 70% des forêts tropicales de l’Amazonie demeurent intactes » dit-il.

Néanmoins, les chiffres au niveau mondial sur les forêts sèches sont moins clairs, même s’ils sont susceptibles d’être tout aussi inquiétants. Le rapport constate que «malgré la reconnaissance générale dans la littérature (sur la foresterie) que les forêts sèches sont menacées, des données complètes sur les taux de déforestation et la conversion des forêts sèches sont difficiles à trouver.» Les données sont particulièrement fragmentaires pour les forêts tropicales sèches en dehors de l’Amérique latine.

La valeur des forêts tropicales sèches de l’Afrique n’est pas assez connue, selon Mme Sola, qui perçoit ce manque de connaissances comme un soutien à la déforestation.

« La valeur des forêts sèches est inconnue, non documentée et négligée; par conséquent, toute autre utilisation alternative des terres est plus attrayante. La conversion de l’affectation des terres en faveur de l’agriculture à grande échelle, ainsi que le développement d’infrastructures à grande échelle, y compris l’expansion urbaine, constituent les menaces principales pour les forêts sèches », dit-elle.

DÉFINIR «SÈCHE»

Le manque d’information sur la perte des forêts tropicales sèches en Afrique contraste fortement avec d’autres recherches sur les forêts tropicales sèches de la région. Selon le rapport du CIFOR, l’Afrique «a de loin le plus grand corpus de recherche sur les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la gestion communautaire et les compromis conservation/développement», avec une proportion importante produite par le CIFOR.

Des données sur la déforestation existent, selon le CIFOR, mais elles ne font pas de distinction entre les types de forêts; et c’est peut-être le cœur même de l’ensemble du problème. Pour ces forêts, une grande partie du défi à recevoir l’attention de la part de la recherche est liée à l’ambiguïté de leurs définitions.

Selon le rapport, « la littérature examinant les forêts sèches dans une perspective mondiale est nettement insuffisante, probablement en raison de la difficulté de définir ce qui constitue une forêt sèche, un sujet ayant fait l’objet d’un vaste débat». Les scientifiques du CIFOR utilisent le terme appliqué par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui identifie les forêts tropicales sèches comme zones écologiques mondiales ayant un «climat tropical, avec des pluies d’été… une période sèche de 5 à 8 mois [et] des précipitations allant de 500 à 1 500 mm (millimètres) ».

L’adoption mondiale d’une norme commune est si importante que le rapport commence sa liste de recommandations avec un appel à mettre en place «une définition approuvée des forêts tropicales sèches que le CIFOR et les organisations connexes peuvent utiliser afin d’assurer la cohérence dans la façon dont le terme est utilisé». La définition proposée par la FAO serait «appropriée, compte tenu de sa simplicité et sa grande portée», argumente le rapport.

D’autres recommandations du rapport concernent les lacunes de connaissances globales sur les forêts sèches. Elles mettent en évidence des besoins de recherche en fonction de thèmes incluant le changement climatique; la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance; les politiques et institutions; les besoins énergétiques; ainsi que la gestion durable des forêts.

La vérité est que beaucoup trop de données et d’informations nécessaires pour appuyer une gestion durable des forêts sèches sont incomplètes ou inexistantes

Phosiso Sola

Les recommandations thématiques principales comprennent plus de recherches sur les rôles que jouent les forêts sèches pour: assurer la sécurité alimentaire; atténuer le changement climatique par la séquestration du carbone; et fournir du bois de feu, charbon de bois et des biocarburants. Les recommandations régionales sont des appels pour davantage de renseignements à jour sur la déforestation dans les forêts sèches de l’Afrique, davantage de recherche axée sur les moyens d’existence en Amérique latine, ainsi que davantage d’études sur l’ensemble des forêts sèches en Asie, dans le Pacifique et les Caraïbes.

Mme Sola dit ne pas pouvoir souligner suffisamment l’importance du renforcement et de l’amélioration de la recherche sur ces écosystèmes.

« Avoir davantage de connaissances sur les forêts sèches est essentiel. Le besoin en politiques fondées sur des données probantes est urgent, afin de soutenir et guider la gestion durable des forêts sèches. Des millions de personnes pauvres pourraient devenir plus vulnérables si la gestion et l’utilisation des forêts continuent en absence de faits et de chiffres.

« La vérité est que beaucoup trop de données et d’informations nécessaires pour appuyer une gestion durable des forêts sèches sont incomplètes ou inexistantes. »

Pour plus d’informations sur les sujets de cette recherche, veuillez contacter Terry Sunderland sur t.sunderland@cgiar.org.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.

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