À Bogor, Indonésie (22 août 2012) _ Plusieurs communautés locales savent que le REDD+ est mis en avant par les décideurs internationaux comme la meilleure solution pour protéger les forêts riches en carbone, mais d’après des études récentes, elles ne comprennent pas bien la portée générale du programme ni même les avantages économiques qu’elles pourraient en tirer.
Arild Angelsen, professeur à l’université norvégienne des sciences de la vie et éditeur de la publication Analyser le REDD+: enjeux et choix affirme que cette situation met en péril la réalisation du REDD+.
Angelsen constate depuis peu une montée d’hostilité envers le REDD+ au sein des groupes autochtones, qu’il attribue partiellement à « des idées fausses ou dogmatiques ».
« On est en train d’associer le REDD+ aux marchés et au capitalisme vert. Les marchés carbone joueront peut-être un rôle à l’avenir, mais la peur des marchés paraît exagérée », déclare-t-il.
« La majeure partie des financements de REDD+ provient actuellement des budgets d’aide au développement. Et puis les marchés ne sont pas forcément anti-pauvres comme certains semblent le croire. »
Selon lui, les habitants des forêts auraient intérêt à participer au programme financé par l’ONU « de manière constructive », et à prendre conscience des opportunités certes, mais aussi des risques et de leurs droits et devoirs.
On est en train d’associer le REDD+ aux marchés et au capitalisme vert. Les marchés carbone joueront peut-être un rôle à l’avenir, mais la peur des marchés paraît exagérée.
« Étant donné les enjeux considérables du REDD+, il est essentiel que les voix locales se fassent entendre, des promoteurs de projet, mais aussi des décideurs nationaux et internationaux », affirment les auteurs du livre publié par le CIFOR.
La Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, ou le REDD+, a été intégrée en 2005 à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques comme un moyen de rémunérer les pays en développement s’ils ne déboisent pas, le déboisement étant l’une des sources principales d’émissions de gaz à effet de serre au plan mondial.
Les entreprises, les initiatives de conservation et les pays qui prennent des mesures de protection des forêts peuvent prétendre à des « crédits » pouvant être vendus sur le marché carbone international.
La publication du CIFOR, qui examine neuf projets au Brésil, au Cameroun, en Indonésie et en Tanzanie en s’appuyant sur des travaux de terrain menés en 2010 conclut que les villageois avaient des connaissances « assez limitées » du REDD+ et qu’un quart des ménages interviewés n’en avait même jamais entendu parler.
Ceux qui connaissaient le programme en comprenaient l’objectif principal, à savoir la sauvegarde des forêts, mais ne faisaient pas le lien avec l’augmentation de leurs revenus, même si « tous les projets prévoient de développer d’autres moyens de subsistance, et dans certains cas, de mettre en place des paiements pour les services écosystémiques ».
Il faut dire que beaucoup de promoteurs REDD+ hésitent à informer les communautés locales à propos du système international du carbone forestier pensant ainsi éviter de faire naître des espoirs qui seraient déçus en cas de non-concrétisation des financements à long terme.
Même si l’on comprend qu’il ne soit pas utile de noyer les usagers locaux de la forêt dans les détails complexes du REDD+, les auteurs du rapport Analyser le REDD+ affirment que tant les villageois que la communauté internationale dans son ensemble gagneraient à comprendre les fondamentaux de ce programme.
« Mais la participation constructive et l’application du principe du Consentement libre, informé et préalable (CLIP) ne sont pas chose aisée. Du fait que les projets de REDD+ sont en pleine évolution, le champ d’application et l’envergure futurs du programme sont très incertains. « La question fondamentale pour les communautés locales, à savoir « à quoi donnons-nous notre consentement ? », reste toujours sans réponse », constate Angelsen.
Daju Pradnja Resosudarmo, l’un des auteurs de chapitre, affirme que c’est justement pour cette raison qu’il faut veiller à ce que les communautés comprennent suffisamment bien « ce qu’est le REDD+, et comment ce programme sera mis en œuvre ».
La question de savoir à quoi les communautés locales donnent leur consentement, fondamentale pour elles, reste toujours sans réponse.
Les conséquences de la mésinformation
Une étude sur les chasseurs-cueilleurs vivant à proximité des concessions minières et forestières au nord-ouest des Philippines, menée par le CIFOR et l’université de Leyde, a montré que le CLIP nuisait aux personnes qu’il était sensé protéger.
En raison des pressions unilatérales exercées par les administrations et les entreprises réalisant ces activités, il arrive fréquemment que le consentement des populations autochtones soit obtenu par des moyens détournés et que des accords soient rédigés sans consultation des communautés concernées. Si l’on en croit l’article, c’est une réalité inquiétante, quand on sait que « 50 % des terres concernées par des demandes de concession minière aux Philippines font l’objet de revendications autochtones, selon les estimations. »
Lorsqu’il y a des doutes sur la neutralité des informations, suscités par l’existence de conflits d’intérêt ou d’un déséquilibre des forces en présence, le rapport Analyser le REDD+ préconise le recours à des courtiers du savoir et des conseillers juridiques indépendants par les communautés, y compris pour la signature d’accords juridiques.
Si les scientifiques continuent de soutenir l’utilisation du CLIP dans le cadre du REDD+, certains avancent qu’il serait plus efficace de l’appliquer de manière cyclique, et plusieurs fois au cours de la vie de projets qui progressent et se transforment.
« Les populations autochtones seront mieux loties si le temps, les ressources et l’énergie passés actuellement à faire de la fausse prise de décision étaient plutôt consacrés à de véritables négociations sur les conditions dans lesquelles les entreprises d’exploitation sont autorisées à conduire leurs activités, » explique l’article.
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