Analyse

Quand on veut, on peut !

Partager
0

Sujets liés Articles

Quand on lui demande la partie la plus désagréable de son travail, le forestier du district répond immédiatement : « Partir en patrouille ! ». Mal équipé, risquant des rencontres dangereuses, mal aimé par les communautés, son attitude vis-à-vis de l’application des lois est probablement typique de beaucoup de forestiers des pays en développement. Sans véritable soutien de la part de leurs supérieurs, leurs efforts pour lutter contre la criminalité forestière sont ingrats et vains.

Dans Illegal Logging: Law Enforcement, Livelihoods and the Timber Trade, Luca Tacconi et ses collègues identifient plusieurs causes à l’exploitation illégale qui aident à comprendre les déboires du pauvre forestier de terrain. Les communautés locales ne comprennent souvent pas pourquoi leurs activités sont illégales ou mauvaises pour l’environnement. En Indonésie par exemple, à la suite de la décentralisation, la distinction entre le légal et l’illégal est devenue très floue lorsque les gouvernements locaux se sont mis à distribuer des permis d’exploitation, considérés illégaux par le gouvernement central.

Et bien que les problèmes de manque de ressources et de capacités soient certainement réels, Tacconi suggère que l’attitude laxiste des gouvernements au sujet de l’exploitation illégale reflète les priorités données à d’autres problèmes. La collusion, lorsque gouvernement et secteur privé œuvrent main dans la main pour piller les ressources en bois, est particulièrement difficile à éradiquer. Tacconi affirme que tous les efforts pour renforcer les capacités des services forestiers pour lutter contre la criminalité forestière seront inefficaces sans un fort engagement des gouvernements dans ce sens.

Reconnaissant que l’exploitation illégale est la résultante de facteurs sociaux et politiques au-delà du contrôle du gestionnaire forestier, William Magrath et ses collègues pensent qu’il reste utile de renforcer les efforts pour prévenir les vols de bois au niveau de l’unité forestière d’aménagement. Dans Timber Theft Prevention: Introduction to Security for Forest Managers, ils considèrent que la criminalité est largement prévisible et donc évitable jusqu’à un certain point. Bien que les causes profondes des vols puissent être très complexes, il reste absurde de laisser vos portes et fenêtres ouvertes. Leur étude propose un certain nombre de mesures pratiques qui peuvent être utilisées par les gestionnaires dans une large gamme de situations.

Empruntant aux domaines de la protection des biens et de la sécurité industrielle, les auteurs illustrent comment la gestion du risque de vol peut être intégrée dans la planification et les opérations forestières. Le succès dépend de la clarté des concepts « légal » et « illégal » ainsi que l’implication des communautés locales afin d’assurer qu’elles soient incitées à aller vers une plus grande sécurisation de la forêt et de ses ressources. Des activités de sensibilisation peuvent aider à établir des « barrières sociales » en complément de mesures simples comme le blocage ou la destruction des routes d’accès. L’étude propose aussi une liste de signaux d’alerte pour avertir les autorités de fraudes éventuelles lors des transactions commerciales.

Bref, est-ce que cela vaut vraiment la peine d’investir dans l’application des lois au vu des causes profondes complexes de l’illégalité illustrées par Tacconi et al. ? Dans sa conclusion, Magrath dit que la sécurité en forêt commence par des politiques publiques pour une meilleure gouvernance et que l’aide au développement devrait bénéficier prioritairement aux gouvernements qui sont prêts à mettre en œuvre des mesures proactives pour prévenir l’exploitation illégale du bois. Notre forestier de terrain a besoin de l’engagement de son gouvernement et d’outils appropriés pour faire correctement son travail. Mais ne dit-on pas « Quand on veut, on peut » ?

Politique sur le droit d’auteur :
Nous vous autorisons à partager les contenus de Forests News/Nouvelles des forêts, qui font l’objet d’une licence Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0). Vous êtes donc libres de rediffuser nos contenus dans un but non commercial. Tout ce que nous vous demandons est d’indiquer vos sources (Crédit : Forests News ou Nouvelles des forêts) en donnant le lien vers l’article original concerné, de signaler si le texte a été modifié et de diffuser vos contributions avec la même licence Creative Commons. Il vous appartient toutefois d’avertir Forests News/Nouvelles des forêts si vous republiez, réimprimez ou réutilisez nos contenus en contactant forestsnews@cifor-icraf.org.

Lisez aussi

Luca Tacconi. 2007. "Illegal Logging and the Future of the Forest". Chapitre 12 dans “Illegal Logging: Law Enforcement, Livelihoods and the Timber Trade”. The Earthscan Forest Library. De plus amples informations au sujet du livre sont disponibles à http://www.earthscan.co.uk/?tabid=1434.

Si vous souhaitez obtenir le PDF du chapitre 12, vous pouvez contacter Rizka Taranika à r.taranita@cgiar.org

Magrath, William B. ; Grandalski, Richard L. ; Stuckey, Gerald L. ; Vikanes, Garry B. ; Wilkinson, Graham R. 2007. Timber theft prevention: introduction to security for forest managers. The World Bank.

L’étude peut être téléchargée sur http://go.worldbank.org/HFMJLD3R40 et l’auteur contacté à wmagrath@worldbank.org.