« Nous savons que nos systèmes alimentaires sont déréglés et source de malnutrition, gaspillage alimentaire, disparition de la biodiversité, dégradation des terres et changement climatique », a déclaré Éliane Ubalijoro, directrice générale du Centre de recherche forestière internationale et du Centre International pour la Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF). « Mais nous savons aussi qu’un immense potentiel de transformation réside dans la valorisation des connaissances et des solutions déjà en place. Et l’une de ces solutions est l’agroécologie. »
Cette démarche, explique-t-elle, dépasse la simple transformation des systèmes alimentaires ; elle s’allie à la pratique scientifique et au changement social. S’inspirant des écosystèmes naturels, tout en intégrant les connaissances locales et scientifiques, l’agroécologie offre « la vision d’une agriculture qui nourrit à la fois la terre et les populations, et contribue à la santé et la prospérité de nos enfants, et des enfants de nos enfants », s’exprimait É. Ubalijoro à la seconde réunion du forum des membres de la Plateforme de partenariat pour la transformation agroécologique (Transformative Partnership Platform, ou TPP en anglais), tenue les 12 et 13 mars 2024 à Nairobi et en ligne.
Le TPP agroécologie cherche à accélérer et à coordonner les travaux sur l’agroécologie menés à différentes échelles et dans divers contextes, internationaux, nationaux et locaux, et à encourager les transitions vers des systèmes alimentaires et agricoles plus durables. La réunion annuelle du forum des membres accueille toutes les institutions officiellement engagées dans des projets TPP, actives dans le dialogue entre science et politique ou science et développement, présentes au niveau de la gouvernance et des organes consultatifs, ou ayant rempli un formulaire de candidature et approuvé la charte d’adhésion.
Les membres de la communauté de pratique du TPP (Community of Practice, ou CoP en anglais) sont également conviés à apporter leur contribution à la réunion, dont l’objectif est d’offrir un environnement sûr et inclusif pour susciter des réflexions utiles (et critiques) sur le fonctionnement et les progrès réalisés par le TPP agroécologie. L’édition 2024 a non seulement fourni l’occasion d’échanger sur des avancées et des accomplissements majeurs, mais elle a aussi permis de faire émerger des stratégies efficaces, de cerner des défis actuels et, collectivement, d’établir des priorités pour l’avenir, tout en renforçant les synergies à chaque instant.
Lors de l’allocution d’ouverture, Sim Hourleang, secrétaire du Conservation Agriculture and Sustainable Intensification Consortium (Consortium pour l’agriculture de conservation et l’intensification durable, ou CASIC en anglais) du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche du Cambodge, a exposé les progrès réalisés pour associer l’agroécologie à la transformation du système alimentaire.
Les terres agricoles au Cambodge sont en grande partie dégradées et peu productives, et l’agriculture conventionnelle avec ses niveaux d’intrants élevés ne fait qu’empirer les choses. « Alors nous encourageons les agriculteurs à cultiver des couverts végétaux à la place », a commenté S. Hourleang. Nombre d’exploitants se sont d’abord montrés sceptiques, mais « les rendements obtenus après seulement une année de pratique se sont révélés bien meilleurs que l’année précédente, et ils ont aussi observé une nette amélioration de la qualité du sol. »
La réunion a également accueilli les lauréats d’un concours d’agroécologie ouvert à l’ensemble de la communauté de pratique, qui ont partagé plus longuement leurs expériences, leur vision et leurs idées de mobilisation de la CoP au cours d’une session dédiée. Ces lauréats sont : Karina Gonçalves David, jeune productrice de champignons en agroforesterie au Brésil ; Simon Edegbo, praticien de l’agriculture régénérative au Nigéria, qui étudie actuellement en Grèce ; et Maimuna Jawara, cheffe de file en matière de restauration et coordinatrice du GLFx à Banjul, en Gambie. De nombreux projets du TPP agroécologie présentaient leurs travaux et leurs avancées au travers de posters affichés dans la salle de réunion et aussi en ligne.
Bernard Triomphe, co-président du TPP agroécologie, agronome spécialiste des systèmes et des innovations au Centre français de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et professeur invité à l’Université de Chapingo, a attiré l’attention des participants sur la diversité et la représentation au sein du forum des membres et des projets de recherche. « Avons-nous atteint un équilibre satisfaisant entre les institutions mondiales, nationales et les populations locales des pays du Sud ? », a-t-il demandé ? « Que pouvons-nous faire pour que les voix [sous-représentées] aient plus de poids dans nos actions ? »
Il a en outre insisté sur le besoin de flux d’informations clairs et multidirectionnels entre ces différents groupes. « Lorsque l’on observe les réalités locales, le contexte devient extrêmement important. Et donc, comment peut-on tirer avantage de cette diversité de contextes de façon à aussi enrichir nos connaissances à l’échelle mondiale ? »
Fergus Sinclair, également co-président et expert scientifique principal au CIFOR-ICRAF, a salué les développements et les réalisations à ce jour, tels que le lancement de la plateforme scientifique citoyenne Un Million de Voix pour l’Agroécologie, la rapide croissance de la CoP, la création d’un outil de suivi des politiques et la mise en œuvre de la « transformation du système entier » en cinq ans.
Le fait que des résultats significatifs ont été obtenus seulement quatre ans depuis les débuts du TPP agroécologie a été relayé par de nombreuses parties prenantes présentes. De plus, les discussions du panel et les sessions de groupes ont produit au cours de ces deux jours une série concrète de recommandations pour l’avenir immédiat, allant des sujets les plus pressants pour les ateliers des membres aux besoins et priorités de recherche. Un sujet en particulier cité un grand nombre de fois était le besoin de rapprocher les agriculteurs sur le terrain des scientifiques, et les idées n’ont pas manqué pour y arriver.
Sinclair a conclu sur l’émergence du rôle du TPP agroécologie en tant que « médiateur de preuves tangibles apportées à l’espace agroécologique, qui nous aide à dépasser la polarisation… et qui nous permettra d’avoir suffisamment de poids pour réaliser la transformation totale du système alimentaire. » Il a également rappelé que l’acronyme TPP agroécologie signifie Plateforme de partenariat pour la transformation, et qu’en tant que telle, « il nous revient de nous en saisir et de faire avancer les choses. »
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