Afrique centrale : lutte contre la déforestation et développement équilibré

Mettre en ordre les filières de commodités tout en maintenant les moyens de subsistance : un vrai défi
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Rachel Olo, une cultivatrice de cacao camerounaise dont un hectare de terre rapporte 800 kg de cacao par an. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

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Dans la lutte pour freiner la dégradation et le recul des forêts, les experts qui ont rédigé le chapitre 8 du rapport publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), qui s’intitule Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021, déclarent qu’il faut garder à l’esprit les conséquences sociales et économiques impactant les pays d’Afrique centrale producteurs de commodités.

Les ambiguïtés découlant des multiples définitions qui existent du mot « forêt », et par conséquent de la notion de « déforestation », compliquent beaucoup le problème. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Union européenne, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), entre autres, et divers pays ont chacun produit leur propre définition qui dépend de différentes variables.

L’un des auteurs du rapport, Louis Defo, Chef de projet senior chez Proforest, explique que pour quantifier la déforestation, il faut faire une référence précise à la définition retenue de la forêt, et à la méthode utilisée pour estimer sa superficie. « La déforestation estimée par la FAO à l’échelle de chaque pays ne correspondra ni à celle estimée à partir de données satellitaires par l’Université du Maryland, ni surtout à celle estimée par environ 75 % des pays, dont la définition nationale est différente », souligne L. Defo. En Afrique centrale, seuls quatre pays ont défini leur forêt (Cameroun, Guinée équatoriale, République du Congo et République démocratique du Congo), les réflexions étant en cours chez les sept autres.

Les causes directes de la déforestation en Afrique centrale sont la production et l’exploitation de commodités qui impliquent un changement d’utilisation des terres. Étant donné que les économies nationales dans la sous-région sont peu diversifiées et dépendent fortement de l’exportation des commodités agricoles et des produits miniers, l’huile de palme, le cacao, le café, le caoutchouc, le coton et le bois sont les principales productions à l’origine de la déforestation.

Le bois est commercialisé à la fois sur les marchés intérieurs et à l’international. C’est un volume considérable de bois tropicaux qui est actuellement extrait des forêts naturelles et des concessions forestières d’Afrique centrale. Depuis les années 1990, un regain d’intérêt a été constaté pour les investissements nationaux et internationaux dans les plantations forestières pour la production de bois et comme puits de carbone, la création de ces plantations en Afrique centrale remontant à l’époque coloniale. Les chercheurs ont cité les plantations forestières d’ayous à Batouri (Cameroun), de Brazzaville et Pointe-Noire (Congo), de Goma et du plateau Batéké (DRC), et de la Mvoum (Gabon) comme exemples de plantations établies principalement sur des terres dégradées et déjà déboisées.

Le défrichement de la forêt pour la monoculture de palmiers à huile a été identifié comme facteur de poids dans la déforestation de l’Afrique centrale. Ces plantations couvrent environ 500 000 hectares dans la région – surtout en République démocratique du Congo, au Cameroun et au Gabon – mais la production régionale ne suffit pas à satisfaire la demande.

Quant au cacao, depuis la fin du XIXe siècle en Afrique centrale, il est cultivé pour l’exportation au Cameroun, en RDC, en République du Congo, et au Gabon sur de vastes plantations ayant été créées sur des terres boisées. Le Cameroun s’est positionné comme principal producteur de cacao en Afrique centrale, mais les exportations de la sous-région connaissent des hauts et des bas ces dernières années.

Le café et le coton sont aussi cultivés en Afrique centrale, principalement pour l’export. La production de caoutchouc est également cause de déforestation dans la sous-région, surtout dans la cuvette centrale du Congo où les plantations d’hévéas continuent de s’étendre depuis les années 1970. Au Cameroun, la production est aux mains d’agro-industriels privés appartenant à la multinationale Halcyon Agri, dont le domaine couvre plus de 99 000 hectares.

Confrontées au problème de la déforestation, les parties prenantes dans la production et l’exportation de ces commodités ont pris diverses mesures pour atténuer l’impact de leurs activités, qui vont du soutien à des initiatives contre la déforestation à la promotion de la certification, en passant par la sensibilisation, le renforcement des capacités et la prise de mesures réglementaires.

Déforestation et développement

Les États du bassin du Congo ont adhéré à plusieurs initiatives bilatérales et/ou multilatérales visant à stopper la déforestation illégale liée à la production agricole et aux produits du bois. Pour le bois, on peut citer les Accords de partenariat volontaire du FLEGT mis en place par l’UE,  l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale et la Tropical Forest Alliance. Il existe aussi plusieurs initiatives visant à protéger les forêts qui sont conduites par des organisations non gouvernementales environnementales, nationales et internationales. Par ailleurs, des politiques ont été définies dans les pays importateurs comme les États-Unis, la Chine et l’UE pour juguler la déforestation.

Cependant, les stratégies de lutte contre la déforestation importée étant essentiellement conçues par les pays importateurs, les scientifiques mettent en garde contre certains de leurs effets pervers sur les trajectoires de développement élaborées et mises en œuvre par les pays d’Afrique centrale. Co-auteur et Coordinateur du Programme Forêts d’Afrique centrale au Fonds Mondial pour la Nature (WWF), Belmond Tchoumba a en effet expliqué que la promotion de la négociation entre grands blocs comme la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) permettrait de modérer les préjudices économiques liés à l’adoption et à la mise en œuvre de politiques de lutte contre la déforestation importée, en particulier en Europe.

« Les démarches des pays d’Afrique centrale pourraient d’abord chercher à harmoniser les définitions techniques de la forêt et les moyens de suivi de la déforestation, par exemple », a poursuivi B. Tchoumba. « L’harmonisation des définitions à partir des caractéristiques écologiques bien connues de ces forêts devrait être une priorité de la région où la population se densifie, ce qui accroît le besoin de terres à cultiver », a-t-il conclu.

 

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