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Une tourbière partagée rapproche la République du Congo et la République démocratique du Congo pour lutter contre le changement climatique

La bonne gouvernance peut atténuer les menaces pesant sur un puit de carbone transfrontalier
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Une vue des tourbières du bassin du Congo et des menaces. Nieves Lopez/Grid Arendal (https://www.grida.no/resources/12534)

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Jusqu’alors méconnue, la Cuvette Centrale du Bassin du Congo est aujourd’hui considérée comme un important puit de carbone et la plus grande tourbière tropicale préservée au monde. Pour sauvegarder ce nouveau trésor, les acteurs des deux côtés de la frontière entre la République démocratique du Congo (RDC) et la République du Congo (RdC) devront travailler main dans la main pour anticiper les menaces et agir de manière proactive.

La Cuvette Centrale est reconnue comme étant un point chaud de biodiversité. Ses zones humides contiennent le premier site transnational Ramsar et abritent des espèces emblématiques telles que les gorilles de plaine et les éléphants de forêt. D’après un nouveau infobrief du Centre de recherche forestière internationale et du Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF), la Cuvette Centrale abrite également 11,1 millions d’habitants, dont la plupart dépendent des riches ressources naturelles pour leur subsistance.

Cependant, ce n’est qu’en 2017 qu’une étude charnière a identifié une quantité importante de tourbe (une couche de végétation partiellement décomposée) dans les zones humides. D’après l’infobrief, cette découverte est annoncée comme l’un des « événements clés de la décennie pour la conservation des zones humides ». Aujourd’hui, le CIFOR-ICRAF aide ses collègues de la RDC à cartographier les tourbières situés en dehors de la Cuvette Centrale. Leur dernier infobrief identifie des recommandations clés pour assurer une coopération en matière de gouvernance entre les deux pays qui se partagent la tourbière.

Il est encourageant de remarquer que les gouvernements de la RDC et de la RdC ont coutume de travailler ensemble sur les questions environnementales. Il existe donc des raisons d’être optimiste quant aux fonctions continues des tourbières en tant que puits de carbone, estime Denis Sonwa, chercheur principal au CIFOR :

« Ces deux pays sont déjà membres de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) et de la Commission internationale du bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS). De plus, ils coopèrent sur toute une série de questions liées à la biodiversité. Je dirais qu’ils partagent des valeurs et une perception commune des forêts. Maintenant que l’importance de la Cuvette Centrale est claire, on s’attend à ce que ce type de coopération se poursuive. »

Les deux pays ont signé la Déclaration de Brazzaville en 2018, qui contient des engagements spécifiques pour protéger la Cuvette Centrale. Ils participent également à l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), qui s’efforce de mettre en œuvre l’Accord de Paris, de lutter contre la pauvreté et d’atteindre les objectifs du Cadre mondial pour la biodiversité pour l’après 2020. Dans le cadre de ces accords, la RDC et la RdC se sont toutes deux engagées à atteindre des objectifs (décrits dans l’infobrief) qui peuvent contribuer à la gestion durable des tourbières et au développement de leurs diverses communautés.

Néanmoins, la tourbière reste potentiellement vulnérable à l’exploitation minière, à la déforestation, à l’expansion agricole et aux concessions pétrolières et gazières (voir la figure). La coordination de ces différentes utilisations des terres constitue un défi permanent pour les gouvernements locaux et nationaux. En effet, l’infobrief souligne que même les meilleures intentions et les engagements signés peuvent être bloqués par des retards dans le processus politique. Par ailleurs, en matière de politique climatique, il n’existe pas non plus de définition communément admise de ce qu’est une tourbière, et il revient au gouvernement national de décider comment intégrer les tourbières dans ses contributions déterminées au niveau national (CDN).

De plus, l’absence de cartographie détaillée du paysage en Afrique centrale signifie qu’il pourrait y avoir davantage de tourbières non reconnues en dehors de la Cuvette Centrale. La connaissance de tourbières supplémentaires pourrait améliorer la gestion des ressources naturelles en RDC et en RdC afin de réduire les émissions de carbone. Il s’agit d’un domaine où l’expertise scientifique du CIFOR-ICRAF pourrait concrètement permettre aux décideurs nationaux de prendre des décisions judicieuses en matière de climat et d’utilisation des terres, a souligné D. Sonwa. En effet, lui et ses collègues travaillent actuellement à cartographier d’autres zones du Bassin du Congo pour identifier les tourbières.

En ce qui concerne l’avenir, les scientifiques du CIFOR et de l’ICRAF ont identifié plusieurs domaines permettant d’améliorer la coopération en matière de gouvernance et de renforcement des capacités dans la Cuvette Centrale. Ainsi, les deux pays pourraient mettre en œuvre un système national de surveillance des tourbières. Un suivi proactif pourrait aider les gouvernements à agir plus rapidement pour protéger les tourbières qui sont menacées à court terme, car les informations seraient aisément disponibles pour soutenir la prise décisionnelle.

À moyen et long terme, la RDC et la RdC pourraient uniformiser leurs définitions nationales de ce qu’est une tourbe afin que les actions politiques d’un pays ne menacent pas celles de l’autre. Ces pays pourraient également désigner des agences régionales et locales pour partager la charge de travail en matière de gouvernance et créer un cadre plus réactif pour la gestion des tourbières.

De nombreuses recherches sont encore nécessaires pour comprendre comment les tourbières nouvellement découvertes interagiront avec les processus REDD+ (via l’Initiative CAFI). Les chercheurs tentent également de comprendre comment la valeur économique des tourbières pourrait être générée via des paiements des services écosystémiques (PSE) ou d’autres formes de développement durable.

« Nous en sommes encore à la phase de cartographie et d’analyse de ces tourbières », a indiqué D. Sonwa avant de poursuivre : « Nous devons comprendre comment les tourbières peuvent être “utiles” à l’agenda national, aux populations locales et à l’agenda mondial tout en étant compatibles avec la gestion durable de cet écosystème fragile ».

Les recherches abordées dans cet article ont été financées par l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norwegian Agency for Development Cooperation ou NORAD) via l’étude comparative mondiale sur la REDD+ (GCS-REDD+), et par l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development ou USAID), notamment via le Programme d’Adaptation et de Mitigation des Zones Humides (Sustainable Wetlands Adaptation and Mitigation Program ou SWAMP).

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