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Les agro-forêts de cacao sont plus que du chocolat

L'optimisation des stocks de carbone des paysages de plants de cacao peut aider à préserver les forêts africaines et à aider les objectifs climatiques mondiaux.
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Une fève de cacao du Cameroun, cinquième producteur mondial de cacao. Photo : CIFOR/Ollivier Girard

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Le cacao est la principale source de revenus dans le sud du Cameroun, où il représente 48% de l’utilisation totale des terres agricoles. Dans cette région et dans d’autres régions tropicales, la manière dont les agro-forêts de cacao sont gérées dépend énormément des moyens de subsistance – mais aussi du climat.

Les agro-forêts de cacao varient considérablement en termes de composition et de structure des arbres, mais, jusqu’à récemment, peu d’études avaient été menées pour comprendre l’impact de ces différences sur les stocks de carbone. En attendant, les pratiques irresponsables de gestion des terres n’avaient pas comme seul effet que les plantations de cacao échouent à contribuer aux objectifs de réduction des émissions des pays, mais elles provoquaient également une dégradation massive des forêts dans des pays tels que la Côte d’Ivoire et le Ghana, responsables à eux seuls des deux tiers de la production mondiale de cacao. La ‘ceinture de cacao’ devenait de plus en plus sujette à la déforestation et à la sécheresse, et les paysages de plants de cacao d’autres pays à forte production d’Asie et d’Amérique latine suivaient ses traces.

Lorsque la COP21 de la CCNUCC à Paris a vu les fabricants de chocolat commencer à prendre des engagements liés à la déforestation, un revirement a commencé à s’opérer dans les pratiques de l’industrie. Il est ainsi également devenu impératif pour les scientifiques de générer des connaissances pour aider les changements attendus à transformer les paysages de forêt de cacao de la manière la plus bénéfique.

En réponse, le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et les organisations partenaires ont présenté les stocks de carbone des agro-forêts de cacao dans trois zones écologiques du Cameroun méridional (Yaoundé, Mbalmayo et Ebolowa) et ont identifié les types de plantes et de systèmes de gestion optimaux pour accélérer le stockage du carbone.

« Ces connaissances sont importantes pour mettre en œuvre les contributions nationales (NDC) au programme climatique mondial et ses mesures pour réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) en promouvant des chaînes de valeur de cacao durables », déclare l’auteur principal et chercheur principal du CIFOR, Denis Sonwa.

Depuis Paris, les plus grandes entreprises de chocolat – Mars, Nestlé et Ferrero, pour n’en citer que quelques-uns – se sont regroupées dans une série d’accords, passant de l’accord signé par le Prince de Galles à des ‘cadres d’action’ sectoriels à la COP23 à Bonn. L’objectif est de voir leur industrie atteindre un niveau de déforestation nul et d’améliorer les moyens de subsistance locaux, et cette recherche est une étape cruciale du processus.

   Rachel Olo, une cultivatrice de cacao camerounaise dont un hectare de terre rapporte 800 kg de cacao par an. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

LES CAMARADES DU CACAO

Les chercheurs ont cherché à répondre à une série de questions : comment les stocks de carbone des agro-forêts de cacao variaient-ils selon les zones écologiques et les méthodes de gestion ; comment le stockage du carbone a différé entre les différents types de plantes associées au cacao – et quels sont les stocks de certaines espèces clés, en particulier.

« Ce que nous avons découvert, c’est que les agro-forêts à forte densité de produits forestiers industriels et de produits forestiers non ligneux de forte valeur économique stockaient deux à trois fois plus que les autres systèmes de gestion », explique D. Sonwa.

Les plantations avec une forte densité de bananiers et de palmiers à huile sont arrivées ensuite, et celles avec des densités de cacaoyers de 70% ou plus sont arrivées en dernière position. Plus précisément, les parties aériennes des plantes de ces divers types d’agro-forêts de cacao stockaient 147 Mg de carbone par hectare, respectivement 49 Mg et 39 Mg.

Les chercheurs ont également constaté que les parties aériennes des autres plantes représentaient 70% du stockage de carbone, tandis que les cacaoyers ne représentaient que 5%.

Dans les trois zones écologiques, le bois de grande valeur représente 29,7% du carbone total stocké en surface, à 49,9 Mg par hectare ; les espèces comestibles pour 15% ; et les plantes médicinales pour 6%.

   Les fèves peuvent être transformés en crème et en beurre, ce qui se vendent souvent à des prix plus élevés. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

DE RICHES BÉNÉFICES

Une autre conclusion de l’étude est que « les dix principales espèces stockaient généralement plus de 50% de carbone contenu dans les plantes associées », avec Terminalia superba – un grand arbre à feuilles caduques originaire des tropiques africains – parmi les espèces ayant une plus grande capacité de stockage (14 Mg par hectare).

Ces résultats « suggèrent que les plantes associées contribuent non seulement à l’ombrage, mais augmentent également la capacité des fermes à stocker le carbone », note l’étude. Et les bénéfices de ces plantes vont bien au-delà. En effet, la plus grande capacité écologique des agro-forêts de cacao entraîne une augmentation de la litière végétale, du sol et des précipitations, améliorant ainsi le potentiel agronomique et environnemental du paysage. Parallèlement, une plantation de cacao en monoculture menace la durabilité agroécologique globale.

D. Sonwa souligne que les plantes autres que le cacao offrent une structure similaire à celle des forêts et que leurs produits et leurs services apparaissent comme des co-bénéfices de l’agroforesterie du cacao en plus du stockage du carbone. Le bois, les produits forestiers non ligneux, tels que les fruits, et les plantes médicinales peuvent tous contribuer aux moyens de subsistance locaux et à la conservation de la biodiversité.

« Obtenir simultanément plusieurs produits et services dans la même plantation augmente la résilience des agriculteurs », dit-il. « Cela est particulièrement important car la pression sur les ressources naturelles augmente. »

   La production de fèves de cacao du sud du Cameroun représente près de la moitié de la production totale du pays. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

AU-DELÀ DES FÈVES

Au cours des dernières décennies, le principal objectif des agro-forêts de cacao était de produire des fèves de cacao, mais la croissance démographique, le changement climatique et la perte de forêts sont en train de modifier cette approche.

Pour les chercheurs, les multiples fonctions des agro-forêts de cacao devraient être au centre des efforts visant à lutter contre le réchauffement climatique et à obtenir de meilleurs résultats pour les populations et la planète. « C’est pourquoi nos résultats sont utiles aux scientifiques, ainsi qu’aux décideurs, aux agriculteurs et au secteur privé », déclare D. Sonwa.

Les conclusions du document peuvent, par exemple, être utiles aux systèmes de certification qui souhaitent améliorer l’empreinte environnementale du secteur du cacao. Ils offrent également des informations clés aux responsables de l’agroforesterie du cacao, en particulier dans le contexte actuel où les objectifs de déforestation zéro sont au centre de nombreux programmes d’entreprise.

En Afrique subsaharienne, d’où la majeure partie du cacao mondial provient, le document est certainement utile pour structurer les efforts visant à libérer la chaîne de valeur du cacao de la déforestation. Mais au-delà de cela, en Afrique centrale et dans le bassin du Congo, elle met en lumière des options agroforestières productives qui conservent les forêts naturelles restantes tout en fournissant des moyens de subsistance.

« Nous avons examiné les agro-forêts de cacao d’un point de vue écologique, donc la prochaine étape serait d’examiner les aspects économiques et de production », explique D. Sonwa. « Par exemple, stocker plus de carbone dans les plantes associées affecte-t-il la production de cacao – et comment ? »

Les résultats montrent clairement que la gestion durable des agro-forêts de cacao dans les paysages forestiers d’Afrique subsaharienne peut concilier la production de fèves de cacao avec les réponses au changement climatique et les grandes initiatives mondiales, telles que les ODD.

Mais, ils montrent également clairement combien il nous reste à apprendre sur le Chocolat.

Pour plus d'informations sur ce sujet, veuillez contacter Denis Sonwa à l'adresse courriel suivante d.sonwa@cgiar.org.
Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l'Institut international d'agriculture tropicale, du Programme de développement durable des cultures arboricoles (STCP) et du Service allemand d'échanges universitaires (DAAD).
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