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Les pangolins sont menacés

D’après une nouvelle étude, des millions de pangolins sont chassés chaque année en Afrique
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Un pangolin de Temminck dans la réserve de gibier de Madikwe en Afrique du Sud. Photo David Brossard

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Voilà de drôles de bêtes que les pangolins. Leur langue peut être plus longue que leur corps, ils ressemblent à une pomme de pin sur pattes et sont recouverts d’écailles couleur terre cuite un peu bosselées. Vivant en forêt, solitaires et fuyants, ils émettent une odeur nauséabonde par les glandes situées près de leur anus et se roulent en boule lorsqu’ils sont menacés, mais cela ne les protège pas pour autant des chasseurs.

Recherchés pour leur viande et leurs écailles, ces mammifères font l’objet du trafic mondial le plus important en termes de volume.

Les quatre espèces de pangolin asiatique sont en danger critique, en grande partie à cause de l’insatiable demande chinoise qui vise leurs écailles utilisées en médecine traditionnelle (elles sont censées guérir l’asthme, le cancer, et même, du moins par le passé, « les femmes possédées par les démons et les ogres »).

Comme les pangolins deviennent difficiles à trouver en Asie du Sud-Est, les trafiquants se tournent désormais vers les espèces africaines, traditionnellement chassées pour leur viande dans les forêts du bassin du Congo où elles sont encore relativement abondantes.

Les chercheurs savaient que les populations étaient soumises à une pression accrue, mais une nouvelle étude livre des données cruciales qui mettent en lumière l’ampleur de la menace.

Un pangolin à longue queue au Parc National de Kakum, Ghana. Photo Nik Borrow

« Auparavant, on pouvait dire que la situation des pangolins était vraiment problématique, mais pouvoir le prouver », déclare Lauren Coad, qui participe à l’Initiative de recherche sur la viande de brousse au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).

Maintenant, nous en avons la preuve. En compilant des données sur les prises de pangolin effectuées sur 71 sites dans 10 pays d’Afrique centrale, L. Coad et ses collègues ont découvert que la pression de la chasse a augmenté.

Les travaux de recherche ont été conduits par Daniel Ingram dans le cadre de son doctorat, le projet d’ensemble étant dirigé par L. Coad et par le professeur Jorn Scharlemann, de l’Université du Sussex.

Les chercheurs estiment que tous les ans entre 400 000 et 2,7 millions de ces mammifères, encore appelés fourmiliers écailleux, sont chassés en Afrique, soit, selon leur analyse, une hausse de 150 % depuis l’an 2000.

Par ailleurs, 45% des pangolins pris étaient des jeunes ou des subadultes, ce qui est l’indicateur d’une probable surexploitation, car la plupart d’entre eux n’auront pas eu le temps de se reproduire.

Le prix de vente des pangolins sur les marchés urbains a également augmenté. En 20 ans, de 1993 à 2014, le prix des pangolins arboricoles a plus que doublé, tandis que celui des pangolins géants a été multiplié par six. Le pourcentage de pangolins dans l’ensemble des prises de viande de brousse est aussi en hausse.

« Cette évolution des prix indique que les ventes se font maintenant entre l’Afrique centrale et l’Asie à cause du déclin des pangolins dans les forêts du Sud-Est asiatique et de la demande continue en Chine », affirme L. Coad. Elle précise qu’au Gabon, où les pangolins se vendent pour la somme modique de 5 USD à l’unité sur les marchés de brousse, on a des preuves que des agents chinois en achètent pour les envoyer chez eux, où un animal peut dépasser 600 USD le kilo.

C’est maintenant illégal en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), qui en 2016 a totalement interdit le commerce international de l’ensemble des huit espèces de pangolins, cette décision étant en partie fondée sur les données scientifiques fournies par l’équipe de Coad et Scharlemann.

« Nous pouvons maintenant commencer à cibler les décideurs et les influenceurs en Chine et dans les autres pays qui sont à l’origine de la demande pour leur dire : Vous avez des obligations en vertu de la CITES, il faut faire quelque chose », explique-t-elle.

LE POIDS DES DONNÉES

D’après L. Coad, la décision de la CITES montre que les données peuvent avoir un réel impact sur l’action politique.

Des recherches similaires sur les populations d’éléphant d’Afrique ont mis en avant les conséquences du commerce de l’ivoire par rapport à la survie de l’espèce, les populations d’éléphants de forêt ayant décliné de plus de 60% en moins de 10 ans.

L’attention des médias à l’égard de ces recherches et un lobbying intensif ont conduit la Chine à décider cette année d’interdire totalement le commerce de l’ivoire.

Si nous parvenons à réduire la demande chinoise en écailles de pangolin, nous pourrons les sauver

Lauren Coad, researcher

« Si la Chine s’attaque au commerce de l’ivoire, il y a de l’espoir pour les éléphants d’Afrique. Mais si elle ne le fait pas, c’en est fini des éléphants », poursuit L. Coad.

« Il en reste tellement peu qu’il faut vraiment que les Chinois agissent maintenant – et on dirait que c’est le cas. C’est formidable, et ce sont les chercheurs sur le terrain qui ont déclenché cette prise de conscience en collectant les données. »

« C’est la même chose avec les pangolins. Personne n’a besoin d’écailles de pangolins pour se soigner. Il n’existe aucune preuve qu’elles ont une quelconque efficacité si on les consomme – elles sont constituées de kératine, comme les ongles de vos pieds. »

« Si nous parvenons à réduire la demande chinoise en écailles de pangolin, nous pourrons les sauver. Mais il faut agir tout de suite, avant que nous commencions à observer un déclin catastrophique des populations africaines. »

« Pour que la conservation réussisse, il faut encore trouver toutes les autres pièces du puzzle, mais je suis une scientifique geek : je crois aux données. »

« Nous accordons de l’importance à ce que nous mesurons, comme l’a affirmé l’économiste Amartya Sen. Si nous pouvons commencer à mesurer la pression de la chasse et son impact sur les pangolins, les gens vont réagir. »

L’étude sur les pangolins n’est que le début d’un projet bien plus ambitieux.

Inspirés par l’Indice Planète Vivante, qui permet le suivi de la biodiversité et des populations de vertébrés, L. Coad, J. Scharlemann et leurs collègues veulent mettre en place un indice mondial pour suivre la consommation de gibier dans le monde au fil du temps.

Cela ne concernerait pas seulement les pangolins, mais les singes, les suidés, les cerfs, les rongeurs, les oiseaux, les crocodiles, et même les insectes.

« L’idée générale est d’avoir une estimation du volume de viande sauvage consommé par la race humaine et de voir son évolution sur l’ensemble de la planète, et ensuite de réfléchir à l’utilisation de ces informations pour définir des voies durables ».

« Ce que nous voulons mesurer, c’est la viande sauvage que nous mettons dans nos assiettes. »

L’étude sur le pangolin d’Afrique centrale montre ce qui est possible, selon L. Coad.

« Cette méthode qui consiste à compiler les données locales et à en dégager un enseignement en vue d’étudier le phénomène à grande échelle est cruciale pour éclairer les actions de conservation et les politiques. »

   Photo by David Brossard

 

Pour plus d'informations sur ce sujet, veuillez contacter Lauren Coad à l'adresse courriel suivante lc508@sussex.ac.uk.
Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière USAID, UKAID et l’Union européenne au titre de l’Initiative de recherche sur la viande de brousse
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