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Incendies en Indonésie: la fumée plus dommageable qu’on ne le craignait

Les particules contenues dans la fumée provenant des feux révèlent des dangers pour la santé encore plus grands qu'estimés.
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La biomasse brulée dans des feux agricoles à Kalimantan central est à l’origine de la fumée toxique. M. Edliadi/CIFOR

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Les incendies qui font rage en Indonésie, ainsi que la fumée dangereuse qu’ils engendrent, causent des dégâts plus importants à l’environnement, à la faune et aux communautés que l’on pensait au départ. Bien qu’une grande partie de l’attention récente ait été focalisée sur Sumatra, ainsi que sur les débordements à Singapour et en Malaisie, la province de Kalimantan central sur l’île de Bornéo fait face à une crise plus grave encore.

Jadis appelées « poumons de la planète », les forêts et les tourbières de Bornéo ont du mal à respirer puisqu’elles émettent des vastes quantités de fumée dans l’air. Ces incendies figurent parmi les plus sévères de ces 20 dernières années. Malgré les efforts importants pour éteindre les flammes, à cause d’une année plutôt sèche et d’El Niño, il est impossible de dire quand les feux se dissiperont et quand l’air sera à nouveau dégagé.

Les causes des incendies sont nombreuses et complexes. Selon les chercheurs analysant les causes socio-économiques et politiques ainsi que les impacts biophysiques, les solutions à long terme et la prévention exigent une stratégie claire, avec des engagements de tous ceux étant impliqués.

Si vous ne pouvez pas évaluer l'impact, vous ne pouvez pas connaître l'ampleur du problème que vous avez

Louis Verchot

Voilà où la science et les données solides entrent en jeu.

« Pour les pays en général, il est crucial d’être capable de mesurer ce qui se passe », déclare Louis Verchot, directeur du programme Forêts et Environnement du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).

« Si vous ne pouvez pas évaluer l’impact, vous ne pouvez pas connaître l’ampleur du problème que vous avez. »

MESURER L’IMPACT

Verchot est l’un des 10 scientifiques à avoir voyagé dans la capitale de la province, Palangka Raya, à la mi-octobre pour participer à un atelier avec des partenaires locaux, dirigé par Daniel Murdiyarso du CIFOR.

« Nous organisons la formation avec des collègues, ici à l’Université Palangka Raya, avec l’unité de gestion forestière ainsi que le centre de recherche local », explique M. Murdiyarso.

« Nous nous attendons à ce que les connaissances relatives aux enjeux techniques, à la façon d’évaluer cette situation, soient également transmises ici. Sur le long terme, ces experts peuvent continuer à travailler avec nous. »

Les participants de l’atelier ont appris à mesurer l’impact des incendies sur l’atmosphère. Les scientifiques ont apporté du matériel spécialisé avec lequel ont peut tout faire, allant de la mesure de l’épaisseur de la tourbe et des changements dans l’élévation de la surface, à la quantification des composants de la fumée et du gaz, en passant par la prise d’images thermiques du paysage vu d’en haut.

« Je suis optimiste que les données, si elles sont très précises, peuvent soutenir les politiques liées à la gestion de l’environnement à Kalimantan central », affirme Hendrik Segah, chercheur en ressources environnementales et en télédétection à l’Université Palangka Raya de Kalimantan Central.

« Prenons par exemple les données qui indiquent les véritables niveaux de CO2, de méthane et d’autres particules. Elles permettent réellement au gouvernement d’avoir les dernières informations pour faire face aux événements extraordinaires comme ceux de l’actualité. »

CHAQUE RESPIRATION COMPTE

Dans le cadre de l’atelier, l’équipe a mesuré les niveaux des particules de gaz et de fumée dans l’air, y compris celles pouvant entrer dans le système respiratoire humain lorsqu’elles sont inspirées. Le but étant de comprendre la gravité des impacts sur la santé humaine.

« La fumée est omniprésente dans ces endroits », déclare Martin Wooster, professeur des sciences de l’observation de la Terre au King Collège de Londres et au Centre national de l’observation de la Terre (NCEO).

« Si vous êtes ici sans masque, vous respirez une grande partie de la fumée dans vos poumons, ce qui est évidemment extrêmement dangereux pour votre santé. »

Les noms de certains composants nocifs de la fumée sont suffisants pour illustrer pourquoi : ozone, monoxyde de carbone, cyanure, ammoniac et formaldéhyde.

Les effets de la fumée en général sur la santé humaine sont bien documentés : maux de tête, vertiges, fatigue, bronchite, asthme, pneumonie et maladies cardiovasculaires. 

Au cours de mes 10 dernières années de recherches dans la région... je peux certainement dire que ceci est la pire situation que j'ai jamais vu de combustion de biomasse

Martin Wooster

Pourtant, à Kalimantan central, l’impact à long terme de l’inhalation de la fumée sur les populations locales reste inconnu. Néanmoins, étant donné les niveaux de gaz toxiques mesurés lors de l’atelier, les chercheurs craignent que les conséquences des incendies risquent d’être bien pires que ce qu’ils pensaient.

« Au cours de mes 10 dernières années de recherches dans la région, je me suis rendu sur plusieurs sites de combustion de biomasse. Je peux certainement dire que ceci est la pire situation que j’ai jamais vu de combustion de biomasse ou de toute autre forme d’incendies dans un environnement naturel », déclare M. Wooster.

« Ici, les sols brûlent avec la végétation, ce qui est souvent le cas avec les fougères et les substances très inflammables, mais pas avec la forêt d’origine. »

Wooster explique que, normalement, les mesures de monoxyde de carbone enregistrent moins d’une part par million (ppm). À Kalimantan central, il a mesuré 30 ppm alors qu’il était à l’intérieur de l’hôtel où l’atelier se tenait, à plus de cinq kilomètres de l’incendie le plus proche.

Le rôle de la science est d’utiliser des données concrètes pour inciter la société et les décideurs politiques à l’action afin d’aborder le problème à sa racine, ajoute-t-il.

« Toutefois, je pense que ce qui est évident est l’impact économique des feux. Lorsque l’on prend en compte les impacts sur la santé, les impacts sur la biodiversité, les impacts sur la terre, on dépasse de loin les bénéfices liés à l’expansion des terres agricoles », souligne M. Verchot.

« Voici, je pense, le message que nous devons souligner. »

Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez contacter Louis Verchot à l’adresse l.verchot@cgiar.org.

Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie. Ces recherches ont été financées par le Département britannique pour le développement international, par le biais du projet KnowFor et d’USAID.

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