BOGOR, Indonésie (20 mai 2011) L’Indonésie a fait aujourd’hui un pas de plus vers la réduction de ses émissions de carbone par la promulgation d’un décret présidentiel interdisant de nouvelles concessions dans les forêts primaires et les tourbières, mais des mesures plus strictes pourraient être nécessaires si le pays veut atteindre ses objectifs ambitieux de réductions des gaz à effet de serre, a affirmé le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Le moratoire de deux ans, qui a débuté le 20 mai 2011, s’inscrit dans le cadre d’un accord bilatéral avec la Norvège, signé le 26 mai 2010, en échange de la somme potentielle d’1 milliard de dollars, en attendant des réductions d’émissions vérifiées en Indonésie. L’Indonésie est le troisième plus grand émetteur mondial de gaz à effet de serre en raison du taux élevé de déforestation dans le pays.
“C’est un développement positif”, a déclaré Daniel Murdiyarso, Scientifique Principal au CIFOR. “C’est une victoire non seulement pour le changement climatique, mais aussi la préservation de la biodiversité incroyable dont ces forêts regorgent, y compris les orangs-outans, les tigres de Sumatra, les rhinocéros et autres espèces menacées d’extinction. Surtout, elle permet d’éviter la perte des moyens de subsistance des populations locales qui dépendent des forêts. ”
“Cela permettre une grande zone de forêt naturelle d’être protégée de la destruction et cela aidera à préserver les tourbières riches en carbone du pays», a ajouté Murdiyarso.
L’interdiction de nouvelles concessions dans les tourbières est importante parce que de nouvelles recherches ont montré que la conversion des tourbières en plantations produit beaucoup plus d’émissions de carbone à long terme qui viennent de la transformation des forêts sur le sol minéral régulier en plantations. L’Indonésie abrite un des plus grands domaines de tourbières du monde. Plus de 100.000 hectares de tourbières en Asie du Sud sont actuellement converties chaque année en plantations d’huile de palme et de pâte à papier.
Le moratoire interdit également de nouvelles concessions sur les «forêts primaires», qui sont des forêts encore intactes, n’ayant jamais été soumises à la condition d’exploitation forestière commerciale. Environ 64 millions d’hectares de forêts primaires demeurent en Indonésie.
Toutefois, d’importance, le moratoire ne fait pas obstacle à de nouvelles concessions sur ce qu’on appelle «les forêts secondaires, qui sont des forêts qui ont pu avoir quelques arbres abattus pour le bois ou d’autres utilisations. Bien qu’elles ne puissent plus être considérées comme forêts tropicales denses, beaucoup sont encore utilisées par les communautés locales pour leur vie quotidienne, riches en biodiversité et en flore, et relativement riches en carbone. Quelque 36 millions d’hectares de forêts sont classées de cette façon en Indonésie.
L’omission des forêts secondaires du moratoire soulève des préoccupations quant à la capacité de l’Indonésie d’atteindre son objectif déclaré de réduire les gaz à effet de serre du pays de 26% par rapport à une base de référence 2020 «business-as-usual ». Dans le passé, les autorités indonésiennes ont laissé entendre que l’objectif pourrait être atteint en partie par des programmes massifs de plantation d’arbres.
“D’importantes réductions des émissions par les forêts en Indonésie à travers la plantation d’arbres ne pourraient seules être possible du fait que le nombre d’arbres nécessaires pour réaliser pleinement les objectifs de réduction des émissions nécessiterait une superficie deux fois la taille de l’ensemble du pays», a déclaré Louis Verchot, Scientifique Principal sur les changements climatiques au CIFOR. “Au lieu de cela, les efforts de réduction des émissions doivent se concentrer sur le maintien des forêts existantes en tant que forêts.”
Bien que le moratoire puisse permette d’éviter l’émission de nouvelles concessions forestières dans la majeure partie du pays, il ne va pas nécessairement arrêter, ou peut-être même ralentir, le taux de déforestation dans le court terme. Un grand nombre de concessions ont été délivrées ces dernières années qui n’ont pas encore été développées.
Certaines entreprises d’huile de palme et de pâtes ont critiqué le moratoire, affirmant que cela va nuire à leurs entreprises et peut conduire à une perte d’emplois pour des milliers d’Indonésiens travaillant dans le secteur. Toutefois, Verchot dit que c’est peu probable.
«Beaucoup de ces entreprises sont assises sur plusieurs concessions importantes qu’elles n’ont pas développées”, a-t-il dit. “Cela ne fera pas beaucoup frémir l’industrie.”
Toutefois, il existe de nombreux éléments essentiels nécessaires pour que le moratoire fonctionne, y compris une claire délimitation des terres qui ne sont plus admissibles à des concessions, un mécanisme efficace pour contrôler l’exploitation forestière illégale, et un système transparent de surveillance de la déforestation et la dégradation des forêts.
“Même si nous avons une longue route devant nous et de nombreux défis restent énormes, cette annonce est une première étape positive», a déclaré Verchot.
Translated by Edith Abilogo. Find the English version here.
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