LIMA, Pérou — Le concept de réduction des émissions de carbone issues de la déforestation et de la dégradation des forêts – la REDD+ – stagne. Toutefois, selon des experts réunis en marge de la COP 20 à Lima au Pérou, des innovations au niveau sous-national donnent espoir.
Les négociations de Lima sur la REDD+ sont maintenant terminées. Conclusion: il n’y a eu aucune avancée sur aucun point à l’ordre du jour des négociations.
Mais regardons au-delà des querelles internationales. Les initiatives pilotes REDD+ à travers les tropiques, de l’Amazonie aux forêts sèches de la Tanzanie, sont riches d’enseignement et on expérimente de nouvelles idées sur le terrain.
« Les initiatives infranationales sont un laboratoire où l’on expérimente la REDD+ », a déclaré William Sunderlin, directeur de recherche au CIFOR, lors d’un événement parallèle où il a présenté un nouveau livre qui examine 23 initiatives de ce genre dans six pays tropicaux.
« C’est ainsi que nous allons apprendre ce qui fonctionne, ou pas, et ce qui doit être corrigé », dit-il. Cette voie est plus difficile, plus chaotique et plus complexe – mais je pense qu’elle est beaucoup plus réaliste
C’est en pleine évolution, ajoute William Boyd, conseiller principal du Groupe de travail des Gouverneurs sur le Climat & les Forêts (GCF).
« Le concept de REDD+ est en mutation. Il change lorsqu’il est appliqué dans différents domaines et zones géographiques. Parfois, il est difficile de donner un sens à tout cela, mais je pense que nous pouvons identifier certaines tendances. »
Parmi les tendances, on remarque un passage des initiatives se rapportant à des projets vers des initiatives à plus haut niveau juridictionnel, couvrant des municipalités ou des États entiers. L’agenda se déplace alors d’un focus étroit sur le carbone forestier à un programme plus vaste visant un développement à faibles émissions.
« Cette voie est plus difficile, plus chaotique et plus complexe – mais je pense qu’elle est beaucoup plus réaliste », déclare M. Boyd.
Monica de los Rios, fonctionnaire de l’Institut pour le Changement Climatique et pour la Réglementation des Services Environnementaux à Acre au Brésil, décrit les succès et les leçons du programme juridictionnel national de REDD+ (pour en savoir plus, cliquez ici).
« Acre a améliorer ses indicateurs sociaux et économiques, tout en réduisant les taux de déforestation de l’Etat », dit-elle.
« Mais le monde que nous avons créé à Acre nous pose un nouveau défi: comment pouvons-nous maintenir nos faibles taux de déforestation? Au niveau juridictionnel, les réductions d’émissions doivent être ancrées dans des politiques intégrées – des politiques économiques, environnementales et sociales. »
LES DÉFIS
Selon M. Sunderlin, les défis sont nombreux.
« A l’heure actuelle, le principal obstacle à la REDD+ est que nous continuons à vivre dans un monde où ceux qui ont des intérêts à convertir les forêts pour des usages non forestiers dominent les processus de décision sur l’utilisation des terres. A l’ère dangereuse du changement climatique nous ne pouvons plus nous permettre de maintenir une telle situation », dit-il.
Selon lui, ce problème place la REDD+ face à une série de défis plus urgents. Le premier concerne les finances. « La REDD+ a été conçue, dès le début, pour contrer la situation actuelle où la déforestation est rentable, en créant un système de récompenses et de mesures incitatives qui correspondent aux affaires courantes et les dépassent », explique-t-il. Les promoteurs prennent très au sérieux les tâches de clarifier la tenure et d'essayer de renforcer les droits fonciers des populations locales, mais ils font face à de gros obstacles
« Toutefois, la communauté internationale n’a tout simplement pas recueilli suffisamment de fonds pour le faire. »
Un autre problème important – perçu par de nombreux promoteurs de projets du domaine comme un enjeu de premier ordre – est le manque de clarté des régimes fonciers.
Ce système REDD+, qui cherche à distribuer des incitations et qui tient les personnes responsables de la protection des forêts, exige de la clarté sur la propriété les terres. Dans ce sens, il est également crucial de savoir si les propriétaires de forêts sont capables de les protéger des intrus. Or, sous les tropiques, ces conditions sont difficiles à trouver.
« Les promoteurs prennent très au sérieux les tâches de clarifier la tenure et d’essayer de renforcer les droits fonciers des populations locales, mais ils se heurtent à de très gros obstacles », déclare M. Sunderlin.
L’échelle constitue un autre défi majeur. Six des 23 sites présentés dans le nouveau livre du CIFOR, intitulé La REDD+ sur le terrain: recueil d’études de cas sur les initiatives infranationales à travers le monde, expérimentent la mise en œuvre de la REDD+ au niveau des administrations.
« Le fonctionnement en tant qu’initiative juridictionnelle, du moins en théorie, présente des avantages extraordinaires, puisque l’autorité et le pouvoir de l’État sont mobilisés pour faire avancer les choses », affirme M. Sunderlin.
« Cependant, travailler au sein du gouvernement suppose également de travailler dans tous les secteurs. Il faut donc faire des compromis entre les différents intérêts du gouvernement et de la société qui cherchent à convertir les forêts pour des utilisations non forestières. »
La vulnérabilité engendrée par l’instabilité électorale joue également un rôle, ajoute M. Boyd.
« Nous avons besoin d’un leadership fort et les gouverneurs doivent se faire réélire. Le développement à faibles émissions doit avoir un sens politique pour ces dirigeants. En fin de compte il s’agit d’un défi politique – comment assurer que les investissements réalisés lors des administrations antérieures dureront au-delà d’un gouverneur ou d’une administration donnés », déclare-t-il.
Il NOUS FAUT UNE « PERCÉE »
Que faut-il pour relever ces défis et faire en sorte que la REDD+ fonctionne?
Selon M. Sunderlin, rien de moins qu’une percée.
« Nous vivons dans une situation où nous devons tout faire, en tant qu’espèce, pour rester dans cette limite des deux degrés », déclare-t-il. Il faut que la société civile exprime ses préoccupations au sujet du changement climatique, s’informe et comprenne que l’atténuation du changement climatique grâce aux forêts est une option
« Nous avons besoin d’un point de basculement politique correspondant au point de basculement biologique que nous vivons actuellement. »
Selon lui, un accord international contraignant sur le changement climatique à Paris en 2015 serait un début important.
« Cet accord dynamisera les efforts déployés pour évoluer sur les financements, le régime foncier, et l’échelle – tout comme sur la surveillance, notification et vérification (MRV) et des garanties, ainsi que tous les autres obstacles à la réalisation de la REDD+. »
Le public a également un rôle à jouer.
« Il faut que la société civile exprime ses préoccupations au sujet du changement climatique, s’informe et comprenne que l’atténuation du changement climatique grâce aux forêts est une option », déclare M. Sunderlin.
« Toutefois, cette option ne sera réaliste que s’il existe un mouvement citoyen qui exerce une pression sur les politiciens et les gouvernements, pour engendrer, depuis le terrain, la volonté politique nécessaire pour que la REDD+ devienne ce qu’elle doit être. »
Pour plus d’informations concernant la recherche du CIFOR sur la REDD+, veuillez contacter William Sunderlin sur w.sunderlin@cgiar.org.
L’étude comparative mondiale sur le REDD du CIFOR est soutenue par l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (NORAD), le Ministère australien des affaires étrangères et du commerce extérieur (DFAT), l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni, ainsi que le Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie. Elle bénéficie d’un appui financier de la part du Fonds du CGIAR.
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