NAIROBI, Kenya — La vidéo est, à juste titre, douce-amère.
Dans un court-métrage qui circule actuellement sur Internet, un journaliste de la télévision néerlandaise visite des plantations de cacao en Côte d’Ivoire, en apportant des barres de chocolat aux cultivateurs de cacao locaux qui, en dépit de leur source de subsistance, n’ont jamais goûté au chocolat auparavant.
Un agriculteur prend un morceau et le met vite dans sa bouche.
«C’est bon», s’exclame-t-il. «Je ne savais pas que c’était si délicieux!»
La vidéo est rappel le pouvoir du chocolat – et le fait que c’est un luxe, hors de la portée des agriculteurs qui récoltent son ingrédient de base.
Cependant, l’augmentation de la demande mondiale de chocolat – en partie due à une forte augmentation de la consommation en Asie – laisse place à une inquiétude croissante sur le sort des petits exploitants agricoles. La plupart du chocolat, que nous convoitons tant, provient d’eux: les petites exploitations familiales produisent jusqu’à 90% de la production mondiale de cacao.
Plus des deux tiers de ce pourcentage proviennent de l’Afrique de l’Ouest et centrale, où cette culture de rente a soutenu la croissance économique.
Toutefois, il existe un côté sombre à la production de cacao dans cette région. Les agriculteurs luttent pour faire face à la fluctuation des prix du cacao qui fait suite aux politiques de libéralisation économique de ces pays, qui avaient contribué à stabiliser les prix du cacao et avaient protégé ces agriculteurs des marchés mondiaux fluctuants.
Une nouvelle recherche indique une solution possible: encourager les petits exploitants à accroître la valeur de leurs systèmes d’exploitation de cacao et les revenus qu’ils en tirent, non pas en intensifiant leurs cultures, mais en les diversifiant. Les agriculteurs peuvent alors profiter de la demande croissante de bois et de produits forestiers non-ligneux (PFNL) des populations urbaines en hausse dans leurs propres pays, en intégrant des espèces arboricoles soigneusement sélectionnées dans leurs systèmes agroforestiers de cacao.
«Il s’agit d’une option gagnant-gagnant-gagnant», déclare Denis Sonwa, chercheur chevronné au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), qui a dirigé l’étude sur les systèmes agroforestiers de cacao en Afrique de l’Ouest et centrale.
«Les producteurs pourraient augmenter considérablement leurs revenus par le bois et les PFNL qu’ils récolteraient; les économies nationales en bénéficieraient; et c’est bénéfique pour l’environnement en raison des services écosystémiques tels que la séquestration du carbone effectuée par les systèmes agroforestiers de cacao riches en biodiversité.»
Toutes mesures diversifiant les cultures produites au sein des systèmes d’exploitation de cacao de ces agriculteurs peuvent aider à minimiser les risques financiers et écologiques, tout en augmentant leurs revenus issus de produits autres que le cacao, explique M. Sonwa.
LA VALEUR DE LA DIVERSITÉ
Les auteurs ont évalué la situation dans les quatre principaux pays producteurs de cacao en Afrique – le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria. Mais parmi les quatre, le cacao n’est pas créé de manière égale.
Les monocultures de «vergers de cacao» est le système d’exploitation de cacao des petits exploitants qui prévaut en Côte d’Ivoire. Ici, la culture a eu des effets négatifs sur la biodiversité et l’environnement. En Afrique centrale cependant, les petits exploitants cultivent souvent le cacao dans des systèmes agroforestiers mixtes, pouvant abriter jusqu’à 60 espèces arboricoles différentes à côté du cacao. En plus du cacao, de tels systèmes agroforestiers produisent du bois et un assortiment varié de produits forestiers non ligneux, y compris des médicaments, fruits, noix, huiles et condiments alimentaires importants.
C’est ce modèle, selon M. Sonwa, que les chercheurs, les décideurs politiques et les associations de producteurs devraient reproduire et améliorer à travers de l’Afrique de l’Ouest et centrale. L’étude a révélé qu’à ce jour, ces types de systèmes agroforestiers de cacao n’ont pas été pleinement exploités. En outre, l’étude souligne la nécessité pour les agriculteurs de sélectionner les espèces arboricoles non seulement en fonction des conditions locales, mais aussi selon la demande du marché national et international pour les produits autres que le cacao. L’étude a également constaté que la réduction des forêts naturelles au cours des dernières décennies, en particulier en Afrique de l’Ouest, ainsi que la demande croissante en bois et en PFNL, représentent l’opportunité pour les producteurs de cacao de faire des bénéfices en adaptant la production dans leurs systèmes agroforestiers.
«Si les forêts qui fournissent ces produits importants n’existent plus, alors nous devons faire en sorte que ce qui était auparavant un paysage forestier devienne un paysage de cacao, contenant un nombre important des mêmes ressources forestières», dit-il.
L’étude cite également des recherches démontrant que la valeur de certains des «sous-produits» récoltés dans les systèmes agroforestiers de cacao, en particulier au Cameroun, peut être conséquente.
Par exemple, le rendement annuel net par hectare sur les produits issus de seulement cinq espèces arboricoles dans les systèmes agroforestiers de cacao au sud du Cameroun – le fruit safou de Dacryodes edulis, le condiment nutritif appelé njansang issu de Ricinodendron heudelotii, l’huile de palme et le vin de palme issus de Elaeis guineensis, les avocats, oranges et mandarines – a été estimé à 405$. Le rendement par hectare de cacao: 256$. La valeur produite par le njansang seul s’élève à 151$, ce qui représente plus de la moitié de la valeur du cacao.
LES VOISINS FAVORIS DU CACAO
Au fil des années, les chercheurs et les agents de promotion ont essayé de proposer une gamme spécifique d’espèces arboricoles appropriées pour être intégrées dans les systèmes agroforestiers de cacao. Il y a eu un soutien particulier pour certains bois d’œuvre et arbres fruitiers, déclare M. Sonwa. Les arbres doivent être compatibles avec le cacao, en soutenant un microclimat convenable, sans trop d’ombre ou de concurrence pour l’humidité du sol.
Néanmoins, l’étude a révélé que ces espèces – et d’autres que les agriculteurs tendent à préférer pour les intégrer dans leurs systèmes de production de cacao – ne sont pas nécessairement celles qui sont effectivement présentes. Une certaine croissance spontanée et biodiversité non planifiée sont présentes dans de nombreux systèmes agroforestiers de cacao. En outre, les espèces fournissant des produits pour lesquels il existe une demande croissante du marché ne sont également pas répandues dans les systèmes d’exploitation de cacao.
Les auteurs ont conclu que, bien qu’il soit important de prendre en compte le marché lors de la sélection des arbres pour les agroforêts de cacao, il est également nécessaire de promouvoir activement le développement et la gestion des systèmes agroforestiers de cacao. Ainsi, les agriculteurs devraient répondre à la demande croissante en bois et en PFNL spécifiques, tout en incluant certaines espèces. Selon les recommandations de l’étude, ces espèces devraient répondre aux besoins de consommation des ménages, effectuer d’importants services écosystémiques et préserver la biodiversité indigène.
Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez contacter Denis Sonwa sur d.sonwa@cgiar.org.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.
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