Note de la rédaction : La préservation des forêts sera un des thèmes discutés lors du prochain Sommet de l’Asie sur les Forêts, du 5 au 6 mai à Jakarta en Indonésie. Durant le Sommet, les intervenants examineront la gouvernance complexe des ressources foncières et forestières en Asie du Sud-Est et exploreront les moyens de façonner les institutions, les processus de décision et les règles dans le but de soutenir la durabilité des paysages. Cliquez ici pour lire la suite.
BOGOR, Indonésie — Les programmes de préservation devraient être en mesure de mieux répondre aux défis croissants et souvent «complexes», associés à la préservation des forêts du monde et à la protection des moyens de subsistance, en examinant d’autres secteurs comme le militaire pour trouver des solutions nouvelles et innovantes, selon un rapport récent.
«Observer des systèmes complexes et leurs ‘problèmes pernicieux’ associés a fait objet de recherches dans différents domaines, notamment les mathématiques, l’informatique, la psychologie, la gestion des connaissances, les études militaires et études commerciales», déclare Edward Game, spécialiste de planification de la préservation à The Nature Conservancy et auteur principal de l’article intitulé La préservation dans un monde complexe et hasardeux: défis et solutions.
«Les défis liés à la complexité de l’engagement militaire sont souvent similaires à ceux posés à la préservation», dit-il. «Les deux secteurs opèrent dans des environnements très difficiles. Ils échouent souvent à obtenir le meilleur résultat en raison de pratiques standardisées de gestion, qui entravent une prise de décision efficace et n’incitent pas à des solutions plus innovantes.»
L’étude, coécrite par deux associés principaux du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), a révélé que, malgré une reconnaissance croissante au sein du secteur de préservation concernant la complexité de l’équilibre entre la protection des forêts et la limitation des effets négatifs sur les moyens de subsistance, les systèmes de gestion et de préservation actuels et leurs pratiques connexes sont beaucoup mieux adaptés à fonctionner dans des systèmes «simples».
«Comme la plupart des praticiens de la préservation et des scientifiques, nous abordons les problèmes comme s’ils étaient un problème d’ingénierie, avec des relations claires de cause à effet et une nécessité de trouver la ‘meilleure’ intervention», explique M. Game.
En tant que tels, les systèmes de gestion actuels ne sont pas toujours adaptés pour faire face à la grande majorité des défis mondiaux de préservation, qui surgissent dans des systèmes socio-environnementaux complexes, ajoute-t-il.
La difficulté est que beaucoup de ces problèmes soi-disant «pernicieux» n’ont pas de solutions simples, car chaque problème est interconnecté et donc difficile à isoler, selon le rapport.
Par exemple, l’intensification agricole – l’augmentation de la production des cultures sans accroître la surface – est souvent considérée comme un moyen de protéger les forêts et la biodiversité, tout en améliorant les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire. Cependant, les engrais utilisés pour augmenter la production agricole peuvent également représenter une menace pour la biodiversité.
Travailler efficacement dans des systèmes complexes nécessite donc un «remaniement de la façon dont nous interagissons avec eux», selon M. Game. La première étape est de reconnaître les limites des systèmes actuels de gestion de la préservation. Ceux-ci utilisent souvent une approche uniforme, dépendent trop de l’opinion «d’experts» et ont recours à une planification et des méthodes de mise en œuvre standardisées qui prennent rarement en compte l’intérêt des nouvelles approches.
«Pour le moment, les systèmes de gestion actuels dépendent d’une perception beaucoup plus simple de la réussite ou de l’échec que ce n’est réellement possible. En outre, les financements et structures institutionnelles font qu’il est difficile pour des solutions locales et créatives de prospérer.»
APPROCHE MILITAIRE
Les organismes de préservation se concentrent donc beaucoup trop sur la vente et mise en œuvre d’approches ou de stratégies qu’ils utilisent, plutôt que sur ce qu’ils essaient d’atteindre au final, dit M. Game, en ajoutant que les innovations du secteur militaire pourraient servir de modèles solides sur lesquels baser des méthodes de préservation.
«Il existe de nombreux parallèles entre la gestion de la préservation et la prise de décision en temps de guerre», déclare Erik Meijaard, un des auteurs du rapport.
«Les connaissances en stratégies asymétriques de guerre sont particulièrement utiles, comme celles utilisées par des groupes de guérilla qui, tout comme la préservation, ont tendance à affronter un ennemi beaucoup plus puissant en choisissant stratégiquement les batailles et en maintenant leur soutien public.»
«Les armées traditionnelles ont tiré des leçons de cela, mais la préservation n’est pas encore suffisamment à jour.»
Par exemple, l’organisation hiérarchique de l’armée américaine a été restructurée afin de soutenir les processus de prise de décision plus décentralisés. Plutôt que de s’appuyer sur un organisme central de renseignement, l’armée a renforcé la capacité des unités locales pour mieux analyser les données par ceux qui sont les plus proches de l’action, dans le but d’alimenter les stratégies globales. Les militaires du Royaume-Uni et d’Israël ont également constaté l’efficacité d’un leadership partagé, en établissant des objectifs clairs de mission parmi les échelons supérieurs et en confiant les décisions tactiques aux commandants locaux sur le terrain.
Le rapport souligne que l’approche «ascendante» a non seulement permis une réponse plus rapide aux défis militaires complexes, mais a également pourvu les dirigeants locaux de la confiance nécessaire pour explorer des solutions innovantes, au lieu de s’inquiéter de la conformité avec les meilleures pratiques.
En conséquence, pour la préservation, des solutions à des problèmes complexes pourraient être trouvés dans la distribution du leadership et en tenant compte de la grande diversité de compétences et d’opinions parmi les employés. Afin de favoriser la créativité, la diversité et l’innovation, il est particulièrement nécessaire de remettre en question les idées reçues sur ce que sont les «meilleures pratiques» du secteur.
«Nous devons nous éloigner de notre point de vue très ancré sur l’expertise de la préservation et être plus transparents sur les compromis qui sont inévitablement associés à toute solution de préservation. J’aimerais nous voir cesser d’utiliser avec désinvolture les termes de «gestion adaptative» et de «solution gagnant-gagnant». J’aimerais que les personnes à tous les niveaux se sentent capable d’apporter des nouvelles idées», déclare M. Game.
Le chemin est encore long chemin avant de contester les pratiques actuelles de préservation, affirme M. Game, qui est prompt à souligner que les «problèmes pernicieux» n’ont pas de solutions simples ou «bonnes».
«Nous ne disons pas que les pratiques actuelles de préservation n’ont pas de valeur et nous ne suggérons pas non plus que les militaires emploient les tactiques ‘correctes’ ou que les concepts provenant d’autres secteurs vont résoudre tous nos problèmes. Toutefois, ceci élargit notre gamme d’options et nous aide à explorer les différentes possibilités sur le terrain qui peuvent aboutir à de meilleurs résultats.»
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Terry Sunderland à t.sunderland@cifor.org
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