BOGOR, Indonésie – Plutôt que de ralentir avec l’âge, les arbres poussent plus vite en grandissant, selon une nouvelle recherche – ce qui signifie qu’ils absorbent également plus de carbone de l’atmosphère. Une découverte qui pourrait avoir des implications pour la gestion des forêts composées de vieux peuplements.
Un document, publié début février 2014 dans la revue Nature et intitulé Le taux d’accumulation de carbone dans l’arbre augmente de façon continue avec sa taille, a révélé qu’un seul arbre, plus âgé et grand, peut absorber autant de carbone durant une année qu’en contient un arbre entier de taille moyenne. Bien que les conclusions de ce rapport puissent sembler contre-intuitives, elles ne sont pas tout à fait surprenantes, dit Louis Verchot, directeur de la recherche sur les forêts et l’environnement du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Dans cette interview, M. Verchot – qui n’a pas participé à l’étude – revient sur les implications du rapport et des questions qu’il soulève.
Q: Que signifient les résultats de l’étude ?
R: L’étude nous aide à comprendre la dynamique des vieux peuplements d’arbres et des grands arbres au sein de peuplements forestiers. Nous savions depuis un certain temps que les forêts tropicales et les forêts tempérées en régénération absorbent des quantités considérables de carbone. Nous savions également que beaucoup de vieilles forêts tropicales continuent d’absorber du carbone de l’atmosphère. Cela a été clairement démontré dans l’Expérience Biosphère-Atmosphère à Grande Echelle en Amazonie au début des années 2000. Cette étude permet de clarifier certaines des questions autour des mécanismes par lesquels ces écosystèmes continuent à accumuler du carbone.
Q: Pourquoi la vitesse d’absorption de carbone par les arbres âgés a-t-elle été sous-estimée dans le passé ?
R: Des études remontant aux années 1990 ont montré que la circonférence des grands arbres dans des vieux peuplements continue à augmenter. L’étude aborde la croissance relative au sein des peuplements et permet de quantifier cette croissance en biomasse, comparée à des arbres plus petits dans ces peuplements.
Q: Les résultats de l’étude sont-ils surprenants ?
R: Je ne dirais pas que les résultats sont surprenants. Comme de nombreuses études scientifiques de qualité, celle-ci soulève autant de questions qu’elle apporte de réponses. Par exemple, l’étude est basée sur l’hypothèse que la relation logarithmique entre la biomasse et le diamètre est maintenue dans de très grands arbres. Lorsque des équations sur la biomasse sont élaborées, ces arbres sont généralement sous-représentés, ce qui est le cas pour les équations utilisées ici. Ces équations sont faites pour représenter les conditions «moyennes» à l’échelle d’un peuplement forestier. L’application de telles équations sur la biomasse à des très grands arbres et séries temporelles n’aboutirait pas à la détection d’autres aspects, tels que, par exemple, la progression de la pourriture ou sénescence et la perte de grandes branches. De ce fait, j’espère que cette étude stimulera davantage de recherches concernant la dynamique des peuplements et l’importance des très grands arbres au sein de ces forêts.
Q: Qu’est-ce que cela signifie pour les modèles de changement climatique ?
R: En fait, très peu de chose. Ces modèles fonctionnent à une échelle beaucoup plus grande que celle des arbres individuels et concernent plutôt l’échange net de carbone de l’écosystème entre la biosphère et l’atmosphère. Cette étude nous expose comment cet échange fonctionne, mais elle ne modifie pas notre évaluation de l’ampleur de l’échange.
Q: Quelles sont les implications pour la gestion forestière ?
R: Récemment, il y a eu plusieurs études concernant la valeur des très grands arbres dans les processus écosystémiques. Ce document ajoute des éléments de preuve et suggère que le stockage du carbone pourrait être un service écologique supplémentaire rendu par ces arbres. En conséquence, cela devrait appuyer l’intégration de ces considérations dans les plans d’aménagement forestier.
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