BOGOR, Indonésie – Au berceau du café Arabica – la Réserve de Biosphère Kafa en Éthiopie – les gardes forestiers utilisent Facebook pour surveiller et vérifier les changements dans leurs forêts.
Dans une étude conjointe de la Fédération Allemande pour la Protection de la Nature (NABU), une organisation non gouvernementale, et des scientifiques de l’Université de Wageningen, en collaboration avec le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), des données de télédétection par satellite sont utilisées, afin d’observer la région à partir de l’espace en temps quasi réel. Si un changement est détecté, les 30 gardes sur le terrain sont immédiatement informés par l’intermédiaire d’un groupe privé Facebook.
« En regardant depuis l’espace, nous voyons que quelque chose se passe – mais nous ne savons pas vraiment quoi, ni pourquoi », déclare Martin Herold, un professeur à l’Université de Wageningen et associé du CIFOR.
«Néanmoins, les gardes peuvent y aller et dire, d’une part, si un changement a lieu ou pas, et d’autre part, quel en est la raison. Et il s’agit bien d’informations que l’on ne peut pas voir de l’espace», dit-il.
«Cela fonctionne de manière interactive, en temps quasi réel. Ainsi, on obtient un flux continu de données complémentaires.»
Si les gardes remarquent un changement sur le terrain, ils utilisent le groupe Facebook pour avertir les scientifiques et leurs collègues, qui peuvent alors focaliser leur attention et le suivi sur cette zone.
«Internet vient d’arriver récemment dans la région et jusqu’à présent tout le monde utilise régulièrement Facebook, plutôt que le courrier électronique; c’est donc plus facile pour inciter les gens à participer. Cela reflète simplement la réalité locale», explique M. Herold.
«Cela sera peut-être quelque chose d’autre à l’avenir, mais pour l’instant c’est ce qui fonctionne.»
AGRANDIR L’ÉCHELLE
Niki Mardas du Programme Mondiale pour la Canopée (PMC), un groupe de réflexion sur la forêt tropicale, dit que des nouvelles technologies comme celles-ci ont un rôle important à jouer dans l’implication des communautés locales dans la REDD+ (Réduction des Emissions issues de la Déforestation et la Dégradation des forêts) – un régime soutenu par l’ONU cherchant à faire compenser les efforts des pays en voie de développement qui réduisent des émissions résultant de la déforestation et la dégradation des forêts. Pour que ce régime fonctionne, les variations des stocks de carbone forestier doivent être surveillées, déclarées et vérifiées.
«Les communautés sont évidemment les mieux placées pour recueillir ces données, leur participation dans le processus de REDD est absolument essentielle pour le succès de la REDD+ et pour l’équité du processus. Il est indispensable que les communautés soient impliquées dans ce processus à grande échelle en cours qui les exclut parfois», dit-il, en ajoutant que la technologie numérique facilite la tâche.
Les téléphones mobiles sont, par exemple, de moins en moins chers, plus robustes et ont une vie de batterie plus longue – et sont davantage utilisés dans de nombreuses communautés.
«Le téléphone mobile est un dispositif de collecte de données. Vous pouvez entrez des données et les partager ensuite via Internet – il dispose également d’un appareil photo et d’un GPS (système de localisation mondial). Il s’agit d’un outil très polyvalent et rapide. Si vous recueillez des données sur support papier, cela peut durer des semaines, des mois – ou à jamais – avant que les données soient partagées, mais grâce à ces nouvelles technologies, l’exécution est beaucoup plus rapide», déclare M. Mardas.
«Elles sollicitent également les différents groupes au sein de la communauté, de sorte que les jeunes, étant plus familiers avec la technologie, peuvent former les membres plus âgés de la communauté.»
Les données qu’ils recueillent peuvent être ce que M. Mardas appelle «le pain et le beurre de la REDD+» — elles évaluent les changements de la couverture forestière et la quantité de carbone qui y est stockée, comme fait par les gardes forestiers éthiopiens.
«En outre, la polyvalence des nouvelles technologies s’étend à la collecte de données issues d’enquêtes menées sur le bien-être et les garanties, des choses que vous ne pouvez pas voir du ciel», dit-il.
«Ils peuvent recueillir des données afin de soutenir la gestion de leurs propres forêts; des données, qui pourraient leur être utiles, concernant les services écosystémiques, les stocks de poissons ou les lieux sacrés.»
Alors que des doutes sont souvent exprimés quant à l’exactitude des données recueillies par les communautés, M. Mardas dit qu’il existe des preuves montrant que ce type de données est tout aussi fiable que celles recueillies par des experts locaux ou nationaux.
Le défi présent est l’extension de ces efforts, afin que les données recueillies par les communautés puissent être intégrées dans les programmes REDD+ régionaux, nationaux et mondiaux.
«Nous avons observé dans les projets sur lesquels nous avons travaillé qu’il existe des efforts internes importants au sein d’une communauté pour standardiser, améliorer les outils et obtenir les meilleures approches – toutefois, il y a eu très peu de partage d’informations entre les différents groupes concernant les protocoles», déclare M. Mardas.
«Et à moins de disposer d’une approche standardisée et simple, il est très difficile d’obtenir des données et informations utilisables par des systèmes extérieurs et de les intégrer à des données régionales ou nationales.»
LIER LE LOCAL AU NATIONAL
Une nouvelle étude, récemment publiée par Martin Herold et d’autres scientifiques du CIFOR et de l’Université de Wageningen, aborde ce problème. Le document souligne l’importance des facteurs locaux de déforestation et dégradation, et donc la pertinence de la participation communautaire dans la mise en œuvre, ainsi que le suivi, de la REDD+. Il présente également un cadre conceptuel pour relier les suivis local et national.
Le suivi communautaire de la REDD+ est nouveau, selon M. Herold, par conséquent, les intérêts nationaux et locaux ont besoin de trouver des possibilités gagnant-gagnant afin de démarrer un système de suivi intégré. Pour l’instant, aucun pays ne met complètement en œuvre ce type de système, mais plusieurs sont en cours de développement.
M. Mardas explique qu’afin de faciliter ce processus, le PMC mettra en place une plate-forme en ligne de partage des connaissances – reliée au site existant du PMC Le Bureau REDD. Celle-ci offrirait aux communautés, praticiens et décideurs politiques un espace pour apprendre l’un de l’autre et pour soutenir l’intégration de ce type de suivi.
«Le suivi communautaire a une longue tradition d’une valeur incontestable. Il s’agit de savoir comment nous prenons en compte ce patrimoine et comment nous le rendons utilisable pour les décideurs politiques ainsi que les processus internationaux», dit-il.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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