LIMA, Pérou – La forêt amazonienne, laissée à elle-même, est trop humide pour brûler. Mais deux saisons de feux intenses – l’une en 2005 et l’autre seulement cinq ans plus tard, en 2010 – montrent comment la sécheresse combinée aux actions de l’homme ont fait ravages sur les forêts, que les scientifiques considéraient autrefois comme résistantes au feu.
Entre 1999 et 2010, les feux de sous-bois dans la forêt d’Amazonie ont brûlé plus de 85500 km2, selon une étude menée par la Nasa.
«Les sécheresses ne provoqueraient pas de feu en Amazonie occidentale si les hommes n’étaient pas là pour le déclencher», déclare Katia Fernandes, chercheuse à l’Institut International de Recherche sur le Climat et à la Société de l’Université de Columbia, qui étudie le climat et les incendies en collaboration avec des scientifiques du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Ainsi les hommes – les agriculteurs, les fonctionnaires des administrations locales et les scientifiques – doivent travailler ensemble pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de feux incontrôlés qui endommagent les forêts, ajoute Miguel Pinedo-Vásquez, chercheur chevronné au CIFOR. «Ce doit être un effort collaboratif.»
M. Pinedo-Vasquez, Mme Fernandes et Víctor Gutiérrez, un chercheur postdoctoral à l’Institut de la Terre de l’Université Columbia qui travaille en collaboration avec le CIFOR, ont fait un pas important dans cette direction plus tôt dans l’année. Ils ont invité des fonctionnaires des cinq régions amazoniennes du Pérou à un atelier dans la ville amazonienne de Pucallpa, où ils ont discuté des problèmes liés aux incendies. En outre, ils ont appris à se servir d’outils pour prévoir les sécheresses et identifier les risques d’incendies.
Rassembler l’information
Dans le cadre de la collaboration tripartite, les scientifiques recueillent des données sur le climat, l’utilisation du feu et l’impact des incendies sur les écosystèmes et ils développent des outils de prévention. Les fonctionnaires peuvent utiliser ces outils pour les politiques de contrôle des incendies. En outre, les agriculteurs et les propriétaires fonciers peuvent suivre les directives politiques afin de modifier leurs pratiques de combustion, en particulier pendant les périodes de sécheresse, et peuvent s’associer avec leurs voisins pour un meilleur contrôle des incendies.
«Le feu est un problème dans l’ensemble de l’Amazonie péruvienne, mais chaque région a ses enjeux propres», déclare M. Pinedo-Vásquez. «L’atelier a permis aux fonctionnaires de comprendre l’ampleur du problème dans chaque région, de partager des informations et des stratégies. Par ailleurs, ils ont appris à concevoir des enquêtes pour recueillir des données sociales et économiques qu’ils peuvent utiliser comme base pour la politique.»
Les participants à l’atelier ont déclaré que les saisons récentes d’incendies graves les ont incités à agir.
Dans la région Madre de Dios au sud du Pérou, les feux locaux combinés à la fumée, en provenance du Brésil et de la Bolivie voisins, ont créé un danger pour la santé.
«Il y avait beaucoup de problèmes respiratoires, de sorte que nous sommes devenus particulièrement déterminés à résoudre le problème», déclare José Luis Sánchez, un expert de l’aménagement du territoire au gouvernement régional de Madre de Dios.
Les fumées épaisses dans la région d’Ucayali, où l’atelier a eu lieu, ont poussé le gouvernement régional à former une équipe de sensibilisation sur les risques des incendies et à créer des comités locaux de suivi, afin d’établir un calendrier pour les feux et d’avertir les autorités en cas d’incendie incontrôlable, déclare Marco Antonio Vela qui dirige l’équipe.
À la fin de l’atelier de trois jours, les participants ont appris à utiliser des données climatiques pour prévoir les sécheresses, pour les combiner à des images satellites de «foyers», pour cartographier les risques d’incendies et y ajouter des informations économiques et sociales, afin de déterminer qui est le plus vulnérable aux risques d’incendies.
Une grande partie de l’information était basée sur des données recueillies auprès des agriculteurs et des propriétaires fonciers par M. Pinedo-Vásquez et ses collègues dans la région d’Ucayali au Pérou.
La recherche a montré que, pour les agriculteurs, le feu est le moyen le moins cher et le plus facile de défricher les champs et de tuer les tiques dans les pâturages, dit M. Pinedo-Vásquez. Le feu fournit également une abondance immédiate de nutriments, bien que certaines études indiquent que ceci pourrait causer une baisse de la fertilité des sols sur le long terme.
«Les agriculteurs disent que, s’ils n’utilisent pas le feu, ils doivent utiliser plus d’engrais», dit-il. «Donc, si l’utilisation du feu diminue, leurs coûts augmentent.»
Aux alentours de Pucallpa, la plupart des fermes sont relativement petites et, dans de nombreux cas, le propriétaire habite en ville plutôt que dans la ferme. Paradoxalement, le risque d’incendie est plus élevé là où la population est plus dispersée, car il y a moins de voisins pour alerter les autorités sur un feu hors contrôle et pour aider à le contrôler, dit M. Pinedo-Vásquez.
Lorsqu’on leur a demandé ce qu’elles font si un feu est hors de contrôle, près de la moitié des personnes interrogées ont dit qu’elles le laissent simplement brûler, puisque l’équipement de lutte contre les incendies est rare et qu’il peut ne pas y avoir d’eau à proximité. Si le feu se propage rapidement, les familles pourraient perdre leurs maisons, les récoltes et le bétail.
Bien que la plupart des personnes considèrent que les feux hors de contrôle est un problème environnemental, le travail met en évidence l’importance du rôle des humains.
«Il est primordial de comprendre les données sur le climat, qui sont disponibles sur Internet, et les changements dans le couvert végétal indiqués par les images satellites», déclare M. Pinedo-Vásquez. «Il est également important de comprendre comment analyser cette information, mais avant tout il est indispensable de comprendre les agriculteurs et les autres personnes impliquées.»
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Miguel Pinedo-Vásquez à m.pinedo-vasquez@cgiar.org. Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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