Analyse

Les Etats-Unis de nouveau facilitateurs du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo

Les Etats-Unis endossent, pour la deuxième fois, la direction du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) alors que la réduction de la déforestation dans le Bassin du Congo est l'un des objectifs de l'Initiative mondiale sur le changement climatique (Global Climate Change Initiative, GCCI) d'Obama.
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Les Etats-Unis sont de retour en tant que leader de gestion forestière en Afrique centrale, alors que de nombreux défis complexes liés au développement et à la gestion durable des ressources de la région sont apparus, selon Denis Sonwa, scientifique chevronné du Centre de Recherche Forestière Internationale. Photo: CIFOR/Ollivier Girard

Ce blog a été publié à l’origine sur le site internet du Programme de leadership environnemental de l’Université UC Berkeley.

Bien que le président Barack Obama n’ait pas fait escale au coeur du continent lors d’un récent voyage en Afrique, l’administration américaine prend une nouvelle responsabilité dans la région. Les Etats-Unis endossent, pour la deuxième fois, la direction du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) alors que la réduction de la déforestation dans le Bassin du Congo constitue l’un des objectifs de l’Initiative mondiale sur le changement climatique (Global Climate Change Initiative, GCCI) d’Obama. Le Bassin du Congo est également au coeur de l’intérêt américain pour le développement et la conservation en Afrique sub-saharienne.

Le texte suivant présente (i) l’ancien rôle des Etats-Unis dans la création du PFBC il y a dix ans, (ii) les défis actuels de la région, (iii) la manière dont les Etats-Unis vont organiser leurs réponses stratégique via le PFBC dans les deux années à venir.

Le PFBC, lancé par le Secrétaire d’Etat Colin Powell au Sommet mondial pour le développement durable de 2002 à Johannesburg lors du sommet Rio+10, rassemble maintenant 70 partenaires mêlant gouvernements, donateurs, organisations internationales, ONG, institutions scientifiques et secteur privé. Le PFBC travaille avec la COMIFAC (Commission des forêts d’Afrique centrale) à la promotion de la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers du Bassin du Congo.

Les Etats-Unis ont été le premier pays servir de facilitateur à ce partenariat. Puis cette responsabilité a été assurée par la France, l’Allemagne et le Canada. L’aide apportée par les Etats-Unis lors de sa première période de facilitation (2003-2005) pour la mise en place d’une page Internet (www.cbfp.org) a lancé une dynamique qui a mené à la publication de l’Etat des Forêts du Bassin du Congo (2006, 2008 et 2010 ont été publiés et 2012-2013 est en cours d’édition) et a défini les raisons d’une gestion intégrée des ressources, définissant 12 paysages pour la conservation de la biodiversité dans le Bassin du Congo. La première période de facilitation américaine a coïncidé avec la phase 2 de CARPE, l’un des principaux programmes d’USAID sur l’environnement dans le Bassin du Congo. Près de dix agences américaines (comme le WRI, la Nasa…) ont été regroupées autour de CARPE pendant cette période.

Entre 2005 et 2013, de nouvelles informations sont devenues disponibles, beaucoup de choses ont changé en Afrique centrale et l’agenda a évolué. En termes d’informations, des études montrent comment les moyens de subsistance, surtout la sécurité alimentaire via l’agriculture (Gowkowski and Sonwa 2011) et la viande de brousse (Nasi et al 2007) sont intimement liés à la forêt. Une étude de Miguel (2009) du Jardin botanique du Missouri montre que la forêt tropicale africaine est la plus vulnérable au changement climatique mondial et que le réseau actuel de zones protégées ne couvre pas nécessairement les forêts les plus stables, qui ont une plus grande biodiversité, dans l’Ouest et le Centre de l’Afrique.

Parmi les changements, les pressions sur la vie sauvage ont maintenant de nouveaux visages, comme les braconniers transfrontaliers. Les acteurs comme la Chine ou les pays et industries sud-asiatiques sont aussi plus présents dans les secteurs forestiers de la région et leurs abattages et/ou acquisition de terres pour l’industrie agricole peuvent potentiellement influencer la couverture forestière et son utilisation. Une initiative dans laquelle USAID et l’IITA (Institut international d’agriculture tropicale) ont réussi à rassembler les industries du chocolat autour de la plateforme STCP (Sustainable Tree Crop Program) avec un fort potentiel de supprimer/réduire la déforestation de la filière cacao en Afrique centrale et occidentale est maintenant terminée (depuis 2011). Peu d’initiatives de ce type (un partenariat public-privé) ou visant à supprimer/réduire la déforestation d’une chaîne d’approvisionnement (de cultures comme l’huile de palme, le cacao…) sont actuellement en cours dans la région. Un aspect important, et qui n’a pas reçu encore autant d’attention que les forêts, c’est l’eau, qui fait partie de l’écosystème forestier (Sonwa et al 2012b), ainsi que les mangroves, qui ne sont pas encore une priorité du programme de la COMIFAC. Le changement climatique prend plus de place dans le programme de gestion des forêts et des ressources de la région. Les réponses apportées dans la région semblent ne prendre qu’une seule direction (REDD+, Réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts), en synergie avec de précédentes préoccupations sur la gestion forestière dans le Bassin du Congo (voir Sonwa et al. 2010) et négligeant d’autres aspects (adaptation).

Le CIFOR et ses partenaires ont ouvert la voie l’adaptation, via CoFCCA en fixant notamment les priorités pour la région (Sonwa et al 2012a). Dans le projet COBAM, le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et ses partenaires utilisent une partie des paysages délimités lors de la première facilitation américaine pour produire des informations sur la synergie entre adaptation et atténuation.

Si l’on regarde la région à travers le prisme de Rio, il est évident que le programme n’est pas terminé. Un rapport récent de la Banque mondiale montre à quoi le futur de la région (tenant compte de l’agriculture, l’énergie, les infrastructure et l’exploitation minière) pourrait ressembler dans le Basin du Congo: si la tendance actuelle se confirme, le développement se fera probablement aux dépends de la forêt (Megevang 2013). Dans le cas du changement climatique, thème principal dans la région, le futur est incertain si l’on ne s’occupe pas sérieusement de l’adaptation au changement climatique. Les Etats-Unis héritent donc d’un Bassin du Congo chargé de problématiques difficiles et complexes.

Pour la période 2013-2015, la nouvelle facilitation américaine a déjà fixé ses objectifs, après plusieurs consultations. Elles sont: (i) promotion d’un leadership africain clair et concerté; (ii) s’occuper de menaces critiques sur la biodiversité et la forêt; (iii) adaptation et atténuation du changement climatique; (iv) promotion d’institutions, régimes réglementaires et gouvernance efficaces pour les forêts et la vie sauvage. La Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) occupent une place importante dans ces objectifs.

Mais la «nouvelle aire américaine» n’est pas uniquement mise en place par les institutions fédérales de Washington. Coïncidence, Dr Thomas Smith, ancien post-doctorant de l’Université de Californie à Berkeley et actuel directeur du Centre de recherche tropical à l’Université de Californie à Los Angeles, étudie un nouveau lien avec le Bassin du Congo, où il a mené des activités il y a une vingtaine d’années. Smith est maintenant de retour au Centre international de recherche et de formation (IRTC), fondé en 2010 pour apporter des structures de recherche, établissant une base pour que des chercheurs internationaux nouent des collaborations de long terme avec des chercheurs africains et forment une nouvelle génération d’experts.

Mais il vise des perspectives à long terme avec le Center for Integrative Development (CID), qui sera construit sur le campus de l’IITA de Yaoundé (International Institute of Tropical Agriculture). Son objectif, en plus de la recherche, est de fournir une formation à distance pour les étudiants américains et africains. Cet automne, le nouveau paradigme UCLA pour l’Afrique centrale est de construire une structure permanente de recherche et de formation dans cette région. L’initiative intéresse probablement les autorités américaines, puisque l’ambassadeur des Etats-Unis a déjà rendu visite au campus de l’IITA, sur le site de construction du CID (1). De telles initiatives, qui perdureront probablement au-delà de la facilitation américaine, devraient permettre une coopération de long terme entre les Etats-Unis et les pays d’Afrique centrale.

Ce qu’il faut retenir, c’est que les Etats-Unis sont de retour dans le rôle de leader de la gestion forestière en Afrique centrale, alors que de nombreux défis complexes liés au développement et à la gestion durable des ressources de la région sont apparus. Cela offre à Obama une nouvelle opportunité de laisser son empreinte dans la gestion du Bassin du Congo via la facilitation au cours de son second mandat à la Maison Blanche.

Pour plus d’information sur les questions discutées dans cet article, veuillez contacter Denis Sonwa sur d.sonwa@cgiar.org.

Denis Sonwa mènera une table-ronde sur “Comment accroître l’impact de la recherche forestière sur la prise de décision” le 4 décembre 2013 dans le cadre de la Conférence sur le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo à Libreville au Gabon.

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