VARSOVIE, Pologne (16 novembre 2013) — L’étude récente de deux villages du Cameroun indique que les petits agriculteurs sur place ne sont pas loin d’être en mesure de faire fonctionner des projets REDD+ dans leur communauté.
Alors que les liens entre agriculture et changement climatique sont discutés à la conférence mondiale sur le climat COP19 et au Forum mondial sur les paysages, la recherche montre comment des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre issus de la déforestation peuvent se construire à partir des savoir-faire existants des communautés agricoles afin d’obtenir des résultats.
L’étude des villages d’Awae et Akok dans le centre et le sud du Cameroun a conclu qu’«actuellement, les petits propriétaires agricoles dans la région étudiée ne possèdent pas les capacités adéquates pour appliquer une initiative REDD+ locale».
Pourtant, le chercheur du CIFOR Denis Sonwa, co-auteur du rapport, dit: «Cela ne signifie pas que nous devons laisser tomber. Les villageois identifient très clairement les domaines dans lesquels ils ont besoin de formation complémentaire pour améliorer leurs pratiques, comme la gestion des produits forestiers non-ligneux».
C’est important parce que, bien que les projets REDD+ puissent être plus faciles à mener dans de grandes exploitations à un seul propriétaire, des études précédentes ont montré que les petites propriétés agricoles sont une cause majeure de déforestation au Cameroun.
Le programme de l’ONU REDD+ attribue une valeur financière au carbone stocké dans les arbres, créant une incitation à les laisser debout. REDD+ en est toujours aux stades préliminaires – appelés «phase de préparation», et on fait appel aux scientifiques pour évaluer différents projets à travers le monde, généralement sponsorisés par des fonds de développement internationaux.
Cependant, la recherche montre que le succès touche les projets construits sur les connaissances et les savoir-faire locaux.
«Ces agriculteurs ont une organisation assez poussée de leurs activités coopératives, en particulier celles qui concernent le cacao», explique Gillian Cerbu, co-auteure et ancienne membre de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA). «Ils collectent beaucoup de données, sur les récoltes par exemple. Cela pourrait être utilisé pour un projet REDD+».
Sonwa et Cerbu ont mené des entretiens collectifs et individuels d’agriculteurs à Awae et Akok en 2008. Ils étaient à la recherche d’information sur leurs capacités dans quatre domaines:
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capacité technique, telle que la planification financière et la tenue de registres;
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gestion des ressources, ou comment la connaissance de l’agriculture suppose de jongler entre des options de productions dans un environnement changeant;
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quel degré d’organisation de leur communauté;
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et leur capacité à gérer le risque que représente pour leurs modes de subsistance une meilleure préservation de la forêt.
Les deux villages se sont révélés fortement organisés, avec une communauté et des organisations agricoles solides.
Les chercheurs considèrent que leurs registres et leurs capacités agricoles offrent des bases solides, bien que pas assez solides pour permettre à des projets REDD+ de fonctionner au niveau local. Cela parce que de tels projets impliqueraient des ajustements de la production agricole et une surveillance complexe pour prouver la quantité de carbone évitée par ce processus.
Les scientifiques notent que les agriculteurs locaux utilisent déjà des techniques comprenant un nombre élevé d’arbres ou qui se déroulent sous couvert forestier. REDD+ pourrait être l’opportunité de promouvoir de telles pratiques agro-forestières. «Les agriculteurs sont conscients que leurs activités peuvent être diversifiées. A Awae par exemple, les cultures de céréales et de cacao contribuent déjà de manière égale aux niveaux de revenus. L’agro-foresterie pourrait être développée, avec un meilleur commerce des produits forestiers non-ligneux», dit Sonwa.
Pour arriver à cela, l’étude recommande un appui extérieur pour aider les agriculteurs à se former et accéder plus facilement aux visites de consultants agricoles. Mais la recherche montre que cela devrait être réalisé uniquement de manière à bâtir sur des connaissances et savoir-faire existants. «Si la REDD+ consiste à imposer quelque chose de l’extérieur, elle ne sera pas la bienvenue», dit Sonwa. «Renforcer les capacités existantes des agriculteurs pourrait rendre leurs activités moins dommageables pour les forêts».
Cerbu a clairement expliqué que les agriculteurs camerounais étaient bien conscients des problèmes environnementaux – y compris les liens entre la déforestation et le changement climatique. Mais, dit-elle, «ces temps-ci ils veulent apporter de la nourriture à leurs enfants et vendre plus de produits sur le marché pour envoyer leurs enfants dans de meilleures écoles.» Donc, ils ne devraient pas être perçus comme des ignorants, mais bien comme des personnes qui doivent faire des choix personnels, dans lesquels la déforestation constitue un facteur parmi d’autres. «Réfléchissez juste au temps qu’il faut pour obtenir n’importe quel changement de comportement vers une voie plus durable», dit Cerbu.
Elle estime que REDD+ devrait rendre les alternatives favorables aux forêts plus attractives pour eux – par exemple en apportant un meilleur accès aux fertilisants pour assurer une plus grande production sans défricher.
Cela fait parti du quatrième type de capacités que l’étude veut mesurer: la gestion du risque.
Premièrement – et Cerbu dit que cela est largement extérieur au seul contrôle des agriculteurs – le droit foncier doit être renforcé pour inclure les objectifs de conservation de la forêt afin de contrer le risque de projets futures. Pour l’instant, le «droit de la hache» prévaut: les agriculteurs obtiennent des droits coutumiers sur des terres en défrichant des zones forestières, sans acquérir de titres formels.
Concernant les risques spécifiques des agriculteurs, au-delà de cette question, l’étude conclut: «au lieu d’adapter les stratégies de moyens de subsistance des agriculteurs au projet REDD+, les conditions du projet REDD+ (…) devraient aussi être davantage taillées pour être attentives aux besoins des agriculteurs.» Pour les agriculteurs, le risque en s’engageant dans ces activités et en changeant leurs pratiques agricoles va au-delà de la réduction des émissions liées à la déforestations. Il est question de produire ou non suffisamment de nourriture pour nourrir leur famille.
D’après Cerbu, cela serait le meilleur moyen de rallier le soutien de petits exploitants, en s’occupant la menace potentielle qu’une déforestation réduite peut poser sur la manière dont ils vivent. «Quand vous incluez les agriculteurs, le problème qui ressort c’est leur risque, or vous voulez améliorer leur mode de vie, pas accroître leur niveau de risque», dit-elle.
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