Rétrospectivement, j’y suis allée à l’aveugle. Je m’étais bien sûr familiarisée avec les revues systématiques et j’avais lu les directives de Collaboration for Environmental Evidence, mais en réalité je n’étais pas préparée à ce qui m’attendait quand j’ai promis de réaliser ma première revue systématique.
Si vous n’êtes pas familier avec la prise de décision politique fondée sur les faits, les revues systématiques visent à fournir un résumé exhaustif de la littérature pertinente par rapport à une question de recherche. Elles sont différents des revues normales («narratives») de littérature, car elles sont plus rigoureuses et essayent d’intégrer tous les faits possibles présents: non seulement les revues scientifiques, mais également d’autres sources d’information, telles que les rapports, les documents de travail et les thèses de doctorats qui sont moins souvent lus.
Et c’est ce qui fait leur beauté: il s’agit de preuves concrètes et pas seulement d’une collection de documents aléatoires – aussi bons soient-ils. Maintenant que j’ai vécu le processus de revue, du début à la soumission du manuscrit, je suis amoureuse d’elles. Alors, si vous êtes sur le point de monter à bord du train appelé foresterie (ou conservation / développement) fondée sur les faits, je voudrais vous faire part de quelques leçons tirées de ma première expérience.
Leçon 1: Choisissez un sujet et des coéquipiers que vous aimez
Si vous avez ce luxe, profitez-en, parce que vous allez travailler dur! Au début, je n’étais pas très enthousiaste du sujet de notre revue, portant sur les impacts des cultures de biocarburants sur la biodiversité, mais l’intérêt a grandit en moi. Je pensais surtout que notre revue avait peu de valeur ajoutée. J’ai eu tort: même si les avis sont abondants, il existe très peu de données empiriques sur les effets des cultures de biocarburants.
À bien des égards, une revue systématique est comme un marathon – vous pouvez atteindre le point où vous sentez que vous en avez fait assez, mais vous n’avez toujours pas atteint la fin. Mais contrairement à un marathon, vous pouvez faire avancer vos coéquipiers avec vous et parfois ce sont eux qui vous font avancer. J’ai eu la chance de travailler avec des personnes impliquées. Bien que j’ai accompli seule le gros du travail, elles m’ont soutenue tout au long du processus et ont fait de précieux commentaires scientifiques et pratiques.
Leçon 2: Consacrez du temps à préparer le protocole et à tester les termes de recherche
Il existe bien sûr des éléments qui peuvent vous rendre la vie plus facile durant le processus de revue systématique. On ne soulignera jamais assez l’importance de votre protocole de revue systématique. Le protocole trace la voie à suivre pour votre étude: vous y écrivez où vous allez chercher l’information (les sources), comment vous allez la trouver (les termes de recherche), ce que vous allez inclure dans la revue finale (l’inclusion et les critères de qualité), comment vous allez analyser les données et synthétiser vos résultats.
Tester les termes de recherche est particulièrement important. Lorsque j’ai testé nos termes de recherche, je craignait surtout de délaisser des choses accidentellement, j’ai donc fini par inclure beaucoup de matériel qui n’avait aucun rapport. Nous avons commencé avec près de 10 000 articles (la seule lecture de chaque titre prend déjà beaucoup de temps!). Ensuite, nous avons réduit le nombre à 25 études finales qui répondaient à tous les critères d’inclusion et de qualité. Voici un lien vers le protocole que nous avons développé pour notre revue systématique.
Leçon 3: Les ateliers d’intervenants sont un bon moyen d’avancer au cours des différentes étapes de la revue
Au début du processus de revue, nous avons obtenu des commentaires sur le protocole de la part de divers intervenants et collègues par courriers électroniques. Néanmoins, le protocole est si important, qu’avec le recul, nous aurions dû organiser un atelier avec les parties prenantes pour mieux intégrer les opinions face à face. Pour le travail final, nous avons organisé un atelier d’écriture, qui a été extrêmement bénéfique, non seulement pour la revue, mais également pour moi, personnellement, en termes de rencontre de nouvelles personnes ayant les mêmes intérêts.
Leçon 4: Prévoyez du temps pour contacter les auteurs afin d’obtenir toutes les données dont vous avez besoin
Lorsque vous serez en train d’écrire la revue, vous remarquerez peut-être à quel point nous, les chercheurs, sommes parfois peu habiles à communiquer les données que nous recueillons, mais aussi notre conception expérimentale et nos méthodes de recherche. Donc tenez-vous prêt à contacter des auteurs pour d’obtenir des clarifications sur ces questions et prévoyez du temps pour cela. Bien que certains puissent ne pas répondre, ceux qui m’ont répondu ont apporté un tel soutien qu’ils m’ont fait sourire.
Leçon 5: Soyez prêt à faire face à des opinions fortes et des preuves contradictoires durant votre revue.
L’une des meilleures caractéristiques des revues systématiques est qu’elles font une évaluation calme et scientifique des faits. Ceci est particulièrement utile lorsque qu’il y a des opinions très contrastées et que le sujet a tendance à susciter des sentiments forts – comme c’est le cas de notre revue. Presque comme deux camps opposés dans une guerre, les uns reconnaissent seulement les preuves appuyant leur point de vue, tout en ignorant les preuves produites par «les autres». Dans le cas des revues systématiques, un tel biais ne peut pas exister étant donné que la revue tient compte de toutes les preuves disponibles.
Leçon 6: Les revues systématiques sont idéales pour les scientifiques qui ne peuvent pas être au laboratoire ou sur le terrain de façon permanente ou temporaire, mais qui veulent faire partie du courant scientifique dominant de haute qualité.
Dans mon cas, les exigences (et les plaisirs) apportés par la maternité signifiaient que le moment était propice pour terminer ma première revue systématique. Des responsabilités concurrentes font qu’il est souvent difficile de passer beaucoup de temps sur le terrain, mais l’écriture de la revue m’a permise de faire de la science durant la période où je devais être au bureau.
Enfin, n’oubliez pas qu’une revue systématique n’est qu’un point de départ. Ce que vous faites avec l’information et la façon dont vous la diffusez sont tout autant important. Pour notre équipe ceci a signifié écrire un document de concept, afin d’obtenir des fonds pour combler certaines des lacunes que nous avons identifiées par la revue. Le travail se poursuit donc.
Merci à Gill Petrokofsky pour ses commentaires utiles sur ce blog.
Dr Sini Savilaakso est un cadre associé du CIFOR. Contactez-la sur s.savilaakso@cgiar.org
L’Initiative de la foresterie basée sur les preuves (Evidence Based Forestry Initiative) du CIFOR s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie et est soutenue par le Département du développement international du Royaume-Uni. Pour plus d’informations, veuillez visiter le site //www.cifor.org/ebf ou contacter CIFOR-EBFInitiative@cgiar.org.
Nous vous autorisons à partager les contenus de Forests News/Nouvelles des forêts, qui font l’objet d’une licence Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0). Vous êtes donc libres de rediffuser nos contenus dans un but non commercial. Tout ce que nous vous demandons est d’indiquer vos sources (Crédit : Forests News ou Nouvelles des forêts) en donnant le lien vers l’article original concerné, de signaler si le texte a été modifié et de diffuser vos contributions avec la même licence Creative Commons. Il vous appartient toutefois d’avertir Forests News/Nouvelles des forêts si vous republiez, réimprimez ou réutilisez nos contenus en contactant forestsnews@cifor-icraf.org.