Bogor, Indonésie (20 août 2013) – Observer comment les compétences de collecte du miel sont transmises d’une génération à une autre et comment ces compétences sont conservées, fournit des indications importantes sur la façon dont les gens acquièrent et déploient différents types de connaissances sociales à différents âges, démontre une recherche.
Pour une communauté tribale vivant dans les montagnes boisées des Ghâts occidentaux dans le sud de l’Inde, le rôle culturel, spirituel et économique central que joue la collecte du miel est illustré par son nom – Jenu Kuruba – qui se traduit par «collecteurs de miel».
«Comprendre la manière dont les gens apprennent influence directement le type d’information qu’ils reçoivent et la façon dont ils utilisent leur environnement – comprendre le système de transmission du comportement dans son ensemble peut aider à prédire la façon dont une culture évolue», selon la scientifique Kathryn Demps, auteur principale de L’apprentissage social tout au long du cycle de vie : Acquisition de connaissances culturelles pour la récolte du miel parmi les Jenu Kuruba, Inde* – un projet soutenu en partie par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
«Cette connaissance peut nous aider à comprendre quelles sont les motivations des individus pour apprendre des méthodes durables afin d’assurer leurs moyens de subsistance futurs», dit-elle, ajoutant que les compétences et les connaissances traditionnelles persistent au sein du peuple Jenu Kuruba car la production de miel est une stratégie économique précieuse.
Environ 30 000 Jenu Kuruba vivent dans ou à proximité des forêts décidues sèches, contrôlées par l’État, en gagnant l’essentiel de leurs revenus du travail dans les plantations locales de café et en complétant leurs salaires par la vente de miel sauvage pour environ 2 dollars le litre (34 onces) aux commerces locaux et à une coopérative gérée par l’État, selon l’article* de Mme Demps et ses collègues.
LA RÉCOLTE DU MIEL
Les chercheurs ont recueilli des données auprès d’environ 470 villageois, en ont interviewé 196, et ont découvert que les enfants commencent l’apprentissage de la récolte du miel entre six et huit ans.
Ils acquièrent la majorité de leurs connaissances de base sur les abeilles et sur la collecte du miel avant l’âge de 12 ans par des membres du foyer. Mais ils ne peuvent pas commencer à le collecter physiquement auprès des abeilles géantes, les plus productives, avant d’être assez grands et assez forts, explique le rapport. À un âge plus avancé, ils sont susceptibles d’apprendre davantage de leurs pairs et des personnes expertes en la matière, afin de perfectionner leurs compétences et leurs connaissances.
À l’âge de 18 ans, les garçons recueillent le miel des ruches qui se situent sur des branches d’arbres ou des rochers, souvent plus de 40 mètres (130 pieds) au-dessus du sol, au sein de groupes de trois à huit personnes.
Les tâches connexes, y compris la coupe des nids d’abeilles, la collecte du miel dans un panier et la fabrication de torches enfumées pour réduire les piqûres, sont réparties entre les hommes, qui recueillent souvent le miel durant la nuit lorsque les abeilles sont moins agressives.
Les hommes s’arrêtent généralement de collecter le miel entre 40 et 50 ans, mais certains continuent à accompagner les hommes plus jeunes à titre consultatif.
Les filles ont l’interdiction de récolter du miel à partir de la puberté.
IMPACT DU VIEILLISSEMENT
La plupart des connaissances de base sur la collecte du miel est acquise dans les 20 premières années – très peu de personnes ont appris ou ont maîtrisé le savoir-faire après 30 ans et aucune après 40 ans, ont constaté les chercheurs.
«Comme la durée de la période de pratique et les opportunités d’observation sont limitées, les individus qui renoncent à apprendre en bas âge risquent de ne jamais combler le déficit plus tard dans leur vie», selon le rapport.
Les personnes les mieux instruites interrogées durant l’étude n’étaient pas nécessairement les plus âgées, ce qui indique que les chercheurs ne devraient pas présumer que les aînés disposent d’un large savoir-faire dans le domaine des connaissances culturelles, a-t-il dit.
Les entretiens ont révélé qu’au sein du groupe le plus âgé, le déclin des capacités mentales et physiques lié à l’âge a un impact.
La transmission du savoir du parent à l’enfant a été jugée importante, mais en élargissant l’échantillon des enseignants potentiels, un individu davantage de possibilités d’acquisition des meilleures informations ou les plus actuelles, indique le rapport.
«La connaissance rituelle est généralement détenue par un nombre limité d’individus. Par conséquent, il est peu probable qu’elle soit possédée – et donc enseignée – par les chaque parent», a-t-il ajouté.
«Nous constatons que, afin que ces compétences persistent, il doit y avoir de la motivation – dans ce cas l’argent – ainsi qu’une exposition à des individus compétents et à l’environnement dans lequel se déroule l’activité», a-t-elle dit. Il précise que si l’un des trois facteurs est supprimé, l’ensemble des compétences, et donc l’entrepreneuriat, sera probablement perdu pour les générations futures.»
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Terry Sunderland sur t.sunderland@cgiar.org ou Claude Garcia sur claude.garcia@cirad.fr
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie et est soutenu par Programme de l’anthropologie culturelle du NSF et l’Agence Nationale de Recherche française (Politiques publiques et gestion traditionnelle des arbres et des forêts – POPULAR). Le travail en Inde faisait partie du projet Gestion de la biodiversité dans les paysages de montagne.
*Liens non traduits en français
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