Jane Tarh Takang: le genre demeure un sujet majeur en Afrique

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Jane Tarh Takang, l’ancienne Coordinatrice du Bureau Régional Afrique Centrale et Ouest de WOCAN ( Femmes Organisant le Changement dans l'Agriculture et la Gestion des Ressources)

L’ancienne Coordinatrice du Bureau Régional  Afrique Centrale et Ouest de WOCAN ( Femmes Organisant le Changement dans l’Agriculture et la Gestion des Ressources)nous parle de son expérience sur le genre et le leadership des femmes dans le développement en Afrique. WOCAN est un réseau international de femmes et d’hommes professionnels qui mettent leur expertise pour appuyer les organisations de développement agricole et de gestion des ressources naturelles à intégrer le genre dans leurs programmes, projets et structures internes.

Q: Qu’est ce qui  vous a poussé à travailler sur les droits des femmes?

R:  Enfant, j’ai toujours cru à l’équité.  J’ai découvert plus tard dans la vie que la société camerounaise ne considérait pas juste qu’une femme tente d’égaler les hommes. Ceci a fait naitre en moi la passion de lever la voix pour les femmes et les groupes désavantagés. Cette ambition a plus tard été renforcée alors que j’étais agent de développement, quand j’ai pu identifier que les principales causes de pauvreté en Afrique sont les questions liées à l’accès et le contrôle des ressources naturelles, les relations de pouvoir inéquitables entre les hommes et les femmes et l’accès limité des femmes à la prise de décision.

Q: Pouvez-vous nous donner des exemples concrets?

R: Par exemple, dans la plupart des communautés en Afrique, les femmes et les filles ont un accès limité à la propriété, à la terre, comparativement aux garçons et aux hommes. Sans terres, elles ne peuvent pas produire des ressources pour nourrir leur famille ou générer des revenus ; et par conséquent, étendent le cycle de pauvreté à leurs enfants. Cette situation est pire quand il s’agit d’une veuve ou d’une célibataire. De ce fait, les difficultés d’accès et de contrôle de la terre particulièrement dans les zones rurales sont influencées par leur disponibilité et le types de foyers.

Par ailleurs en Afrique, les femmes rurales font face à plus de difficultés  pour accéder aux terres fertiles. Dans les cas où des terres agricoles sont moins rentables du fait de pratiques agricoles non durables, les hommes vont se réserver les zones fertiles  et laisser les moins fertiles aux femmes. Par conséquent, le statut social, économique et politique des femmes est fortement affecté,  étant donné que les femmes constituent plus de 70% des acteurs dans le domaine de l’agriculture et des ressources naturelles au Cameroun.

Q: Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivée à WOCAN?

R: Je suis rentrée en contact avec WOCAN  pendant que j’étais consultante à HEIFER International Cameroun. J’ai partagé la vision de WOCAN d’intégrer le genre dans l’agriculture et la gestion des ressources naturelles et je suis devenue membre du réseau en 2006 – car c’est une organisation d’adhésion.  J’ai été chargée de coordonner le Bureau Régional pour l’Afrique Centrale et de l’Ouest en 2009. Avant cela, J’ai été professionnelle de développement pour SNV (L’Organisation Néerlandaise de développement) et notamment Assistant Technique sur le genre, ensuite j’ai été consultante indépendante pour diverses organisations, à la fois locales, nationales et internationales telles que SNV, WWF, Gender Lenses, etc.

Q: Quels sont les enjeux de travailler sur le genre en Afrique ?

R: L’un des principaux enjeux ici est que l’équité est considérée comme un concept de l’Occident, qui s’oppose aux cultures africaines. Deuxièmement, les règles sociales, culturelles et traditionnelles pour les hommes et les femmes sont confondues en Afrique avec les rôles de sexes et considérées comme naturelles. Le troisième élément important est la religion, qui est utilisée entre autres pour justifier la soumission de la femme. Je vais ajouter un quatrième point, le dernier : la pauvreté, qui résulte d’une sous-estimation des femmes et justifie leur soumission.

Q: Que pouvez-vous considérer comme réalisations majeures sur le genre et les droits des femmes en Afrique centrale et de l’Ouest ?

R: En tant que leader de la seule ONG dans le domaine du genre et du leadership féminin qui  se focalise sur  la gestion des ressources naturelles, j’ai réussi à impliquer plusieurs partenaires et organisations à intégrer l’idée du genre dans la gestion des ressources naturelles. J’ai aussi contribué à la sensibilisation des responsables administratifs, bailleurs de fonds et organisations de la société civile sur les stratégies d’atténuation des effets du changement climatique ainsi que  l’accès des femmes à la terre lors de conférences, tables-rondes, travaux de terrain et ateliers.

Le Bureau Régional Afrique Centrale du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), inspiré par WOCAN, a réalisé l’année dernière une recherche action participative sur ‘l’accès des femmes  à la terre et changement climatique, implication des femmes de la Lékié’ pour les femmes rurale au Cameroun ; et progressivement chaque fois que cela a été nécessaire, WOCAN a apporté un appui technique sur le genre au Bureau Régional Afrique Centrale du CIFOR.

Dans le cadre du projet  ‘Femmes, Accès à la terre et implications pour le changement climatique au Cameroun’,  la stratégie de WOCAN d’établir un partenariat avec CNOPCAM (le Réseau National des Paysans du Cameroun) et Heifer International Cameroun, m’a permis d’atteindre les hommes et femmes rurales de  5 régions du Cameroun. Les participants étaient très passionnés à propos des enjeux liés à la terre et les lois forestières, de même que leur lien avec le climat, car ils ont pu pour une première fois prendre avantage de ce forum pour discuter de leurs problèmes et frustrations en relation avec le changement climatique. Ils ont pris la ferme résolution d’utiliser les connaissances nouvellement acquises et les contacts pour  répandre le plaidoyer à divers niveaux afin de susciter des fora nationaux, avec l’assistance technique de WOCAN, UNIFEM Cameroun et CIFOR.

 

Q: Un mot au sujet de vos nouvelles responsabilités?

R: Je viens juste de rejoindre l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) en tant que Coordinateur National du Programme STCP (Sustainable Tree Crop Programme). Je vais avoir la charge de coordonner et faciliter entre autres  la recherche pour le développement dans le domaine de la production du cacao au Cameroun.

Q: N’est-ce pas trop éloigné de vos activités précédentes avec WOCAN?

R : Pas tant que ca. En fait, la production de cacao est une source de revenus et d’emploi en Afrique et dans le cadre d’une plantation familiale où les hommes, les femmes, les garçons et les filles sont impliqués,  des relations de pouvoir entrent vite en jeu. Je crois qu’en tant que coordinatrice, je vais contribuer à mettre en relief les questions de genre dans la production durable des cultures pérennes  au Cameroun.

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