Droits fonciers: un prérequis et une motivation pour une REDD+ basée sur les petits exploitants

Les initiatives naissantes visant à réduire les émissions de carbone en évitant la déforestation et la dégradation des forêts (REDD+) contribuent également à la sécurité du régime foncier des forêts au Brésil.
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The newly paved BR-364 highway is at risk of increased deforestation. Kate Evans, CIFOR.

Une maison dans la Zone Prioritaire de Solidarité – jusqu’à tout récemment une « terre sans hommes » en termes de droits officiels de propriété. Kate Evans/CIFOR

LIMA, Pérou (13 juin 2013) _ Les initiatives naissantes visant à réduire les émissions de carbone en évitant la déforestation et la dégradation des forêts (REDD+) contribuent également à la sécurité du régime foncier des forêts au Brésil, selon les résultats d’une nouvelle étude*.

La REDD+ est un programme soutenu par l’ONU qui vise à atténuer le changement climatique en incitant les pays en voie de développement à maintenir leurs forêts tropicales. Elle est également perçue par beaucoup comme un moyen* de promotion de la conservation et de renforcement des les moyens de subsistance des populations rurales dans ces forêts.

Amy Duchelle et ses collègues du Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR)* ont examiné quatre initiatives sous-nationales de REDD+* dans trois états très différents de l’Amazonie brésilienne en interrogeant les promoteurs du projet et les membres des communautés sur le régime foncier et les moyens de subsistance locaux.

On a craint que les personnes ayant des droits légitimes sur les terres, mais sans propriété foncière définie, soient exclues des premières initiatives de REDD+. Mais l’étude a révélé qu’au moins dans certains sites, ces craintes ne sont pas fondées.

« Au lieu de cela, la première étape de la mise en place de ces initiatives a été effectivement de traiter les problèmes fonciers », explique Mme Duchelle.

« Les promoteurs ont vraiment fait de la clarification du régime et des droits fonciers une priorité dans les zones où ils ont planifié leurs interventions. »

Le régime foncier est crucial pour le succès de ces types de projets, comme cela a été démontré par les recherches précédentes du CIFOR*, car si vous voulez récompenser quelqu’un pour protéger la forêt, ou le punir pour déboiser, vous devez être sûr de qui est propriétaire du terrain.

Et il ne s’agit pas seulement de la propriété. Les habitants locaux doivent également être en mesure d’arrêter les étrangers qui arrivent sur leurs terres et les déboisent sans leur consentement*.

Bien que la documentation juridique des droits fonciers soit complexe et coûteuse, les promoteurs de la REDD+ que Mme Duchelle et son équipe ont interrogé estiment qu’elle est essentielle à l’efficacité de leurs programmes.

La population locale a, elle aussi, valorisé cet aspect. Dans un site d’étude à Acre, les communautés ont signalé une augmentation de la sécurité du régime foncier, grâce aux efforts des promoteurs (dans ce cas le gouvernement de l’État) pour cartographier les propriétés.

La promesse de régularisation foncière peut ainsi être une incitation importante pour les populations locales à s’engager dans la REDD+, selon Mme Duchelle.

« Notre étude montre comment les initiatives sous-nationales de REDD+ au Brésil, opérant dans des contextes différents, donnent la priorité à une clarification juridique de la propriété foncière – en collaboration directe avec les agences gouvernementales et les initiatives nationales – afin de permettre un équilibre entre l’application des réglementations et les mécanismes REDD+ basés sur des incitatives et adaptés aux conditions locales », a-t-elle dit.

« Des droits fonciers clairs ne sont pas simplement une condition préalable à ces types de programmes de REDD+ pour les petits exploitants. Ils représentent également une motivation potentielle pour les participants. »

Une histoire violente  

Au Brésil, comme dans une grande partie de l’Amérique latine, les réformes foncières n’ont historiquement pas été en faveur des forêts. Au cours des dernières décennies, de grandes propriétés foncières ont été redistribuées aux paysans sans terre* réclamant leur propre parcelle de terrain en Amazonie.

Ces petits producteurs ne sont souvent pas les moteurs principaux de la déforestation en Amazonie* – mais ils en font partie, vu que le défrichement de la forêt est souvent utilisé comme un moyen d’établir des droits à la terre*. En fait, la constitution brésilienne exige* que la propriété privée remplisse une « fonction sociale », alors les colons défrichent afin de prouver que leur terre est productive*.

En dépit des défis persistants, les progrès du Brésil à relier les réformes de tenure forestière, le respect de l’environnement et les mesures incitatives pourraient être de bon augure pour le succès de la REDD+.

Ce processus a également été source de conflit, vu que des propriétaires importants ont eu recours à des milices ou des hommes armés* afin de défendre leurs propriétés contre l’invasion par des petits exploitants sans terre – ce qui a provoqué de la violence et des assassinats, comme celui du chef rural Chico Mendes à Acre en 1989.

Cependant, les récentes initiatives politiques* en Amazonie ont tenté d’inverser cette tendance et de lier les réformes foncières au respect de l’environnement. Les projets naissants de REDD+, examinés par Mme Duchelle, apportent des incitations à cette situation, en encourageant les populations locales à se conformer, dit-elle.

Des incitations à Acre

L’une des initiatives étudiées était celle du Système de l’État d’Incitations pour les Services Environnementaux (SISA), mise en œuvre par le gouvernement de l’État d’Acre*, dans un effort de promotion du développement à faible émission de carbone, en encourageant les petits exploitants à adopter des pratiques agricoles plus durables et à réduire la déforestation.

Mme Duchelle et ses collègues ont sondé quatre communautés de la Zone Prioritaire de Solidarité, une bande de cinq kilomètres le long de chaque côté d’une route récemment pavée, l’exposant à un risque de déforestation importante*. Au moment de la recherche, la région était également une « terre sans hommes » en termes de droits officiels de propriété – ce qui signifie que dans les quatre communautés le régime foncier a été perçu comme étant très incertain.

« Dès que cette route a commencée à être pavée, beaucoup de personnes qui sont venues avec de vieilles revendications sur ces terres, car elles savaient que la valeur allait probablement augmenter », dit Mme Duchelle.

« Et donc, il était vraiment important pour le gouvernement de travailler avec les personnes qui vivaient dans la région pour délimiter leurs propriétés foncières. »

En même temps, un programme d’incitations a été lancé, comprenant une assistance technique et des paiements directs en espèces aux petits exploitants qui ont adopté des pratiques agricoles plus durables.

« Nous essayons de changer une vieille tradition – couper les forêts, planter et abandonner les terres ou créer des pâturages », explique Edivilson Cardoso Gomes du Secrétariat de l’Extension de l’Agroforesterie et de la Production Familiale (SEAPROF) du gouvernement de l’État, chargé de la mise en œuvre de cette partie du programme.

« Nous encourageons les producteurs à utiliser de nouvelles technologies qui n’impliquent pas la culture sur brûlis, afin de les aider à produire et à vivre durablement ici dans la forêt, sans nuire à l’environnement », dit-il.

Défis

Mais la régularisation du régime foncier est un travail important et dans la Zone Prioritaire de Solidarité à Acre elle a dû être faite très rapidement.

L’article de Mme Duchelle souligne l’importance d’accorder une attention particulière aux droits coutumiers au moment d’entreprendre ce processus.

« Une régularisation foncière rapide pourrait être particulièrement problématique pour les exploitants forestiers, qui ont tendance à vivre plus loin de la route et à gérer de grandes propriétés foncières non régulières sur la base de l’emplacement des arbres à caoutchouc. », dit-elle.

« Si les droits fonciers sont formalisés en tant que petites parcelles, plus uniformes, ces personnes pourraient perdre l’accès à leur ressource traditionnelle, les arbres à caoutchouc.»

Mme Duchelle dit qu’il est également important de noter qu’il peut y avoir des compromis entre la conservation et les objectifs de développement liés à ces réformes.

Les promesses de droits aux terres et les avantages de la REDD+ peuvent attirer de nouvelles vagues de migration vers ces régions – et les titres fonciers seuls ne suffiront pas à assurer la conservation par les petits exploitants. Ceci rend les plans des promoteurs en faveur du respect de l’environnement et les incitations à l’utilisation durable des terres aussi importants que la sécurisation des droits, dit-elle.

Coopération

Ce qui est encourageant au sujet des quatre initiatives REDD+ dans cette étude selon Mme Duchelle, c’est la façon dont ONG et les gouvernements travaillent étroitement ensemble pour mettre en œuvre les programmes.

« La situation au Brésil est très prometteuse, dans ce sens les premières initiatives démontrent un partenariat très sérieux et fructueux entre le gouvernement et les ONG », dit-elle.

Eduardo Amaral Borges travaille pour PESACRE (Groupe de Recherche et d’Extension des Systèmes Agroforestiers d’Acre*), une ONG qui faisait partie du processus de négociation lorsque le SISA a été mis en place à Acre.

« Il existe des choses que le gouvernement fait bien, mais que la société civile ne peut pas faire et il y en a d’autres que la société civile fait bien et que le gouvernement ne fait pas bien », dit-il.

Par exemple, seuls les organismes gouvernementaux ont un mandat de régularisation foncière et un mandat pour faire appliquer la loi – mais ils manquent parfois de capacités institutionnelles pour la mise en œuvre* efficace de ces actions.

« La participation de la société civile est devenue plus complexe », dit Mr Borges. « L’enjeu principal dans le passé a été de mettre en place des drapeaux de bataille ; maintenant ces mêmes mouvements sociaux et ONG sont les co-exécutants de politiques et programmes publics. »

« Ceci nécessite du soutien afin que la société civile puisse participer et contribuer qualitativement à ce processus. »

L’engagement, pris par les quatre initiatives étudiées dans l’Amazonie brésilienne, à régler l’enjeu délicat de la propriété foncière donne à Mme Duchelle l’espoir que la REDD+ puisse être mise en œuvre au Brésil d’une manière efficace et équitable.

« En dépit des défis persistants, les progrès du Brésil à relier les réformes de tenure forestière, le respect de l’environnement et les mesures incitatives pourraient être de bon augure pour le succès de la REDD+ », dit-elle.

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Amy Duchelle sur a.duchelle@cgiar.org

Cette recherche a été réalisée dans le cadre de l’Étude Comparative Mondiale sur la REDD+ et le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie et a été soutenue par AusAID, l’Agence Norvégienne de Coopération pour le Développement (NORAD), le Ministère Britannique du Développement International (DFID) et le Programme sur les Forêts (PROFOR).

* Liens non traduits en français

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