Les communautés ne sont pas des entreprises: nouvelle approche pour les forêts communautaires

Les modèles de gestion des forêts par les petits exploitants et les communautés doivent être repensés, pour le bien de la certification, un outil essentiel pour assurer une gestion durable des forêts .
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Con frecuencia los pequeños agricultores y las comunidades no cosechan los beneficios económicos de los bosques maderables debido a obstáculos normativos. Fotografía de Richard Vignola

Cueilleur de noix du Brésil. Photo de Richard Vignola

Les modèles de gestion des forêts par les petits exploitants et les communautés doivent être repensés si l’on souhaite le succès de la certification – outil essentiel pour assurer une gestion durable des forêts -, d’après des scientifiques du Centre pour la Recherche Forestière Internationale* (CIFOR).

La chercheuse du CIFOR Amy Duchelle a déclaré, durant sa présentation en marge de la Conférence Rio +20 au Brésil lors d’un événement organisé par le Forest Stewardship Council*, que les cadres et les modèles de gestion forestière actuels ne reflétaient souvent pas la réalité sur le terrain.

Le Forest Stewardship Council (FSC) est un organisme qui supervise la certification de produits forestiers afin que les consommateurs puissent être sûrs qu’ils soient gérés de manière responsable. La demande croissante en produits certifiés crée une incitation pour les propriétaires et les gestionnaires de forêts à appliquer les meilleures pratiques sociales et environnementales.

Le FSC dispose de systèmes bien développés mis en place pour les forêts gérées commercialement – mais la formalisation des manières par lesquelles les communautés ont géré des forêts depuis des centaines d’années s’est avérée plus complexe.

« Le FSC a fait des efforts importants pour essayer d’engager les petits exploitants – il y a eu de nombreuses initiatives pilotes et quelques leçons utiles ont été apprises », a dit Mme Duchelle.

« Ces accomplissements ne peuvent pas être négligés en raison de certains cas frustrants – mais il est nécessaire de reconnaître que les systèmes formels, y compris les politiques forestières, sont souvent totalement en décalage avec les réalités locales. »

« Nous ne pouvons pas forcer les communautés à agir comme des entreprises. »

La noix du Brésil bolivienne gênante

Un cas frustrant étudié par le CIFOR* – une forêt de noix du Brésil gérée par une communauté dans le nord de l’Amazonie bolivienne – démontre pourquoi la formalisation de la tenure coutumière, sans parler de la certification complète, peut s’avérer une tâche difficile.

Cette forêt n’est pas certifiée FSC – mais elle éclaire quelques-unes des raisons pour lesquelles la certification est encore lointaine pour beaucoup de forêts communautaires.

Traditionnellement chaque famille dans la communauté récolte un groupe particulier d’arbres de noix du Brésil – mais lorsque le contrôle sur la forêt a été officiellement délégué par le gouvernement bolivien à la communauté, la carte officielle a privé de nombreuses familles de leurs arbres.

Le calcul du gouvernement pour le titre de propriété communautaire se basait sur 500 hectares de forêt pour chaque famille, ce qui a créé l’attente erronée que des parcelles individuelles seraient délimitées et la crainte que des familles pourraient perdre l’accès à leurs zones coutumières.

Ce sujet sera l’un des thèmes discutés lors de la conférence de deux joursLa gestion durable des forêts d’Afrique centrale: hier, aujourd’hui et demain à Yaoundé au Cameroun les 22 et 23 mai 2013. .

Retrouvez les reportages du CIFOR sur les forêts d’Afrique Centrale sur forestsnews.cifor.org/fr/yaounde

« Les vols signalés de noix du Brésil entre membres d’une même communauté dans cette région étaient très élevés, ce que nous avons attribué – au moins en partie – à l’insécurité associée à la formalisation des droits traditionnels de propriété foncière », a expliqué Mme Duchelle.

En outre, si les noix du Brésil dans cette forêt devaient être certifiées FSC, en vertu de la loi bolivienne, la communauté aurait besoin d’un plan de gestion forestière qui impose des zones de rotations interdites à la cueillette ou alors de laisser 6 % de la superficie totale intouchés à des fins de conservation.

La recherche du CIFOR* a toutefois démontré que ceci ne concordait pas avec l’écologie de la noix du Brésil ou avec les pratiques de gestion locales, et cela causerait davantage de conflits étant donné qu’une famille y perdrait nécessairement si ses arbres étaient déclarés comme faisant partie de la zone de non-prélèvement.

« Cela ne fonctionne tout simplement pas – la loi et la réalité locale ne fonctionnent pas vraiment ensemble et la certification FSC pour les noix du Brésil n’a pas pris son envol en Bolivie », a dit Mme Duchelle.

Un nouveau paradigme

Mme Duchelle dit que des exemples comme celui-ci renforcent la nécessité à changer notre approche.

« Nous avons besoin de construire quelque chose de plus avéré, basé sur ce qui se passe réellement sur le terrain », a-t-elle dit.

« Nous sommes juste désabusés de voir le modèle existant pour la gestion communautaire des forêts échouer à maintes reprises – les familles abandonnent des programmes, des dizaines de millions de dollars sont dépensés pour de petites surfaces, et quel est l’impact réel de tout cet argent et tout ce travail ? »

« Bien que ces nombreuses initiatives aient été d’une importance fondamentale pour l’apprentissage, nous aimerions tous voir quelque chose de mieux », a-t-elle dit.

Ce nouveau paradigme est un travail en cours ; dirigé par le chercheur chevronné Peter Cronkleton, le CIFOR s’est engagé à un effort pour commencer à repenser le modèle de la gestion des forêts par les petits exploitants et par les communautés.

« Il est vraiment important de revoir plusieurs décennies de travail sur la gestion communautaire des forêts et il est temps de consolider les leçons apprises à travers le monde de ces différents exemples », a déclaré Mme Duchelle.

« Nous sommes en train de réunir un groupe créatif de penseurs pour essayer d’avancer et de mettre en place de nouvelles façons de penser sur ces problèmes. »

Un élément clé est la reconnaissance de la diversité des groupes locaux qui gèrent des forêts et des ressources forestières.

« Ces gens sont des exploitants forestiers, ce sont des collectionneurs de produits forestiers non ligneux, des producteurs de charbon, des agriculteurs, des pêcheurs, des agro-forestiers et beaucoup d’entre eux sont toutes ces choses en même temps, parce que la plupart de ces activités sont saisonnières », a expliqué Mme Duchelle.

« Il s’agit de millions de personnes et il est très difficile de réellement catégoriser ce groupe. »

Selon Mme Duchelle, ceci signifie que nos hypothèses doivent être remises en cause.

« Les types de produits forestiers utilisés par les petits exploitants, leur engagement local aux marchés et les types de prises de décisions que ces personnes appliquent, peuvent ne pas rentrer dans les boîtes que nous avons essayé de créer – les gens peuvent, par exemple, ne peuvent pas réellement prendre les décisions collectivement, même si nous voudrions qu’ils le fassent », a-t-elle dit.

« Nous essayons de repenser certains de ces paradigmes et hypothèses et nous essayons d’avancer à partir de là, afin de pouvoir réellement engager les populations locales dans le secteur forestier de manière efficace. » 

Le cas des vols de noix du Brésil est discuté dans un article publié par Amy Duchelle et ses collègues dans la revue Ecology and Society en 2011*.

* Liens non traduits en français

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