On sait bien que partout dans le monde, les droits de propriété, qui régissent la façon dont les individus peuvent contrôler et transférer des biens en en bénéficiant, influencent l’état des ressources naturelles et de l’environnement.
Pourtant, il reste beaucoup à apprendre sur la nature de cette relation.
Une récente revue systématique de la littérature sur le sujet – présentée à la Conférence annuelle de la Banque mondiale sur les terres et la pauvreté – montre que, bien que le sujet soit complexe, il est évident que différents régimes de droits de propriété peuvent façonner et façonnent les impacts environnementaux.
Comme les droits de propriété sur les ressources naturelles représentent un outil politique majeur, cette étude est particulièrement importante pour tous ceux qui cherchent à faire progresser les objectifs d’utilisation durable des ressources, de conservation et de réduction de la pauvreté.
L’étude qui tient compte de 30 000 documents s’est focalisée sur 108 articles pertinents. Au total, 342 études de cas ont été analysés car certains articles comprennent plus d’une étude de cas. Trois systèmes d’exploitation de ressources ont été étudiés dans les pays en voie de développement, à savoir les forêts, la pêche et les pâturages.
Non seulement ces systèmes d’exploitation de ressources soutiennent la plupart de la biodiversité de la planète et fournissent la plupart des services écosystémiques mondiaux, mais ils sont également cruciaux pour les moyens de subsistance de millions de personnes.
Dans notre analyse, nous avons adopté une approche « ensemble de droits » pour étudier comment trois types de régimes de propriété affectent ces systèmes d’exploitation de ressources. Il s’agit notamment des droits de propriété « communs » qui appartiennent à un groupe défini de personnes ou à une communauté, les droits « étatiques » provenant de tous les niveaux du gouvernement, la propriété « privée » qui est liée à une personne ou une société, ainsi que les régimes « mixtes » impliquant une combinaison de deux ou plusieurs de ces régimes. Nous avons également comparé les impacts environnementaux dans des situations de « libre accès », définies comme des situations d’absence de régime de droits de propriété dans lesquelles tout le monde et personne n’a le contrôle des ressources dans un système particulier.
Après avoir examiné les données au sein et entre les différents systèmes d’exploitation de ressources ainsi qu’entre les différentes régions du monde, nous sommes en mesure de tirer des conclusions solides sur les impacts des différents régimes de propriété et la façon dont ils sont façonnés par le contexte socio-écologique.
Les résultats concernant les systèmes d’exploitation de ressources piscicoles et forestières suggèrent qu’en évitant des situations de libre accès et le transfert / l’octroi des droits d’usage aux communautés, on aboutit en général à des impacts environnementaux positifs.
Les comparaisons entre les différents régimes de droits de propriété démontrent que les régimes communautaires ont de meilleurs impacts environnementaux que les régimes de libre accès. Toutefois, les impacts des régimes communautaires dans les trois systèmes d’exploitation de ressources sont généralement pires que ceux des régimes privés et publics. Les régimes étatiques ont le plus souvent des résultats meilleurs ou similaires que les régimes de libre accès, privés et mixtes, comme c’est le cas des régimes privés et mixtes en comparaison avec les régimes de libre accès. Dans tous les cas, les régimes mixtes désignent des arrangements de cogestion de l’Etat et des communautés.
DIFFÉRENCES ENTRE LES CONTINENTS
En Amérique latine et en Afrique, la littérature indique que la propriété des communautés tend à favoriser des impacts environnementaux pires que les régimes de propriété étatiques, tandis que c’est l’inverse en Asie. Une analyse de la littérature englobant 14 cas en Amérique latine montre que les communautés agissent moins bien que l’Etat. Dans seulement cinq cas, la propriété communautaire abouti à une meilleure gestion des ressources que celle de l’Etat. Tous les 10 cas en Afrique, les communautés établissent un régime de propriété pire que celui géré par l’Etat. Un examen de 16 cas en Asie montre que les droits de propriété communautaires sont plus performants que ceux de l’Etat, seulement sept cas indiquent que l’Etat gère mieux l’environnement et les ressources naturelles que les régimes de propriété communautaires.
Il manque des données pour comparer les régimes de propriété communautaires et privés en Afrique et en Asie. Toutefois, lorsque les données sont disponibles en Amérique latine, les résultats sont ambigus ; il est difficile de conclure que la propriété communautaire fonctionne mieux ou moins bien que les arrangements de propriété privée.
Comme on pouvait s’y attendre, tous les régimes de droits de propriété sont plus bénéfiques en terme d’impacts environnementaux et de gestion des ressources naturelles que dans les situations de libre accès.
TENDANCES PRINCIPALES
Plusieurs résultats intéressants ont émergé et méritent d’être soulignés. Dans les trois systèmes d’exploitation de ressources, les effets du régime communautaire sont mieux que ceux du régime d’accès ouvert. Lorsque l’on compare les régimes étatiques et les régimes de propriété communautaire, il n’y a aucune conclusion claire, puisque les éléments de preuve vont dans les deux sens. Les régimes mixtes (avec certains droits de propriété étatiques et certains communautaires) génèrent des impacts environnementaux soit similaires soit meilleurs que les régimes de libre accès, mais les différences sont moins claires avec les régimes étatiques.
PORTÉE DES RECHERCHES
L’examen de la littérature existante est affiné de trois façons. Premièrement, il couvre différents régimes de droits de propriété. Deuxièmement, il couvre différents systèmes d’exploitation de ressources. Troisièmement, il considère chaque régime de droits de propriété par rapport à l’ensemble des droits afin de faire une comparaison plus significative dans différents contextes. La littérature disponible a mis l’accent sur les forêts, la pêche ou les pâturages, mais n’a pas examiné les liens entre les régimes de droits de propriété et les impacts environnementaux à travers de ces systèmes d’exploitation de ressources. En outre, peu d’études comparent les effets dans différentes régions géographiques. La base de données existante est par conséquent très fragmentée.
Mais ce n’est pas tout. Notre revue a également révélé des lacunes importantes quant aux recherches. Nous avons constaté qu’il existe peu d’études utilisant des comparaisons temporelles, ce qui affaiblit les relations de causalité entre les droits de propriété et l’état des ressources naturelles. Par exemple, nous avons seulement trouvé une étude portant sur les pâturages qui a utilisé la conception d’avant et d’après. Des désaccords persistent également dans la littérature sur les indicateurs et les mesures les plus appropriés des impacts environnementaux des différents systèmes d’exploitation de ressources.
Malgré les lacunes de la littérature énumérées ci-dessus, nos résultats préliminaires identifient des questions clés pour des recherches futures. Pourquoi, par exemple, en Afrique les pâturages communaux ont-ils toujours des effets pires que les pâturages contrôlés par l’Etat ? De même, pourquoi, contrairement aux attentes, le contrôle étatique de la pêche entraîne-t-il des conséquences environnementales similaires aux situations de libre accès en Amérique latine ? Et pourquoi les arrangements de foresterie communaux ont-ils de moins bons résultats en Afrique et en Amérique latine que les régimes de propriété étatiques, alors qu’en Asie ces arrangements sont mieux que ceux de l’Etat ?
Toutes ces questions nécessitent une analyse plus approfondie des facteurs contextuels en terme de régimes de propriété, de ressources naturelles et d’impacts environnementaux.
Baruani Mshale est titulaire d’une bourse de recherche postdoctorale au CIFOR. Il peut être contacté à l’adresse b.mshale@cgiar.org.
Les recherches du CIFOR sur les régimes fonciers s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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