DOHA, QATAR (2 décembre 2012)_Les experts en science forestière plaident en faveur d’une approche nouvelle de la gestion des terres et de la lutte contre le changement climatique, allant à l’encontre du discours actuel selon lequel les forêts doivent être sacrifiées au nom du développement rural et de la sécurité alimentaire.
Les États, les décideurs et les scientifiques du monde entier expérimentent depuis des années diverses méthodes de gestion des paysages ruraux, des bassins versants à la restauration de l’habitat, mais ces efforts sont rarement faits en concertation avec les mesures visant à s’attaquer aux enjeux du changement climatique.
« Il est temps de chercher de nouvelles solutions pour résoudre les vieux problèmes », a affirmé Peter Holmgren, Directeur général du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) lors de son discours d’ouverture de la sixième journée de la forêt qui se tenait à Doha en marge des négociations des Nations unies sur le climat.
« Pour faire face au changement climatique, il faut une réponse globale de l’ensemble des secteurs. Les forêts et l’exploitation forestière doivent être envisagées du point de vue de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et du développement durable au sens large. Il est temps que le secteur forestier sorte de la forêt pour contribuer au débat à un niveau plus global.
Andreas Tveteraas, Conseiller principal de l’Initiative internationale pour le climat et les forêts mise en place par la Norvège, va aussi dans ce sens : « Le défi est de réaliser à la fois la conservation des forêts et l’accroissement de la production alimentaire, et non d’augmenter la production alimentaire aux dépens des forêts. Il ne fait aucun doute que, si un gouvernement doit choisir entre les deux, alors les forêts seront toujours les perdantes. Le défi est donc de promouvoir la gestion forestière de manière à ce qu’elle soit en phase avec les objectifs d’alimentation de la population. »
Une approche au niveau des paysages, envisageant les synergies et les compromis à consentir si l’on gère un vaste ensemble de ressources, a été saluée comme voie novatrice pour réunir les secteurs agricole, forestier, énergétique et de la pêche en vue de mieux gérer les ressources mondiales tout en proposant des possibilités d’action pour l’adaptation au changement climatique et pour l’atténuation de ses effets.
« La fenêtre du maintien de l’augmentation de la température à deux degrés est en train de se refermer très vite », a déclaré Mary Barton-Dock, Directrice de la politique et du financement en faveur du climat à la Banque mondiale.
« Et dans le contexte de l’évolution du climat, a-t-elle ajouté, une approche à l’échelle des paysages va être essentielle pour répondre au besoin croissant de nourriture sans détruire les forêts. »
« La sécurité alimentaire n’est pas un enjeu dont il faudra s’occuper demain, » a indiqué Deborah Bossio, Directrice de la Recherche sur les sols au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT).
« Nous ne sommes plus à l’ère où il y avait des terres en abondance, nous sommes maintenant de plus en plus confrontés à la raréfaction des terres. La conservation des forêts peut contribuer à une agriculture soucieuse du climat et, donc, aller de pair avec elle.
Ce sont presque 4 milliards d’hectares de forêts qui couvrent la surface de la planète, soit environ 30 % de la superficie totale des terres. Cependant, le monde est en proie à de profondes transformations qui sont en train de redéfinir la pression que subissent les forêts, notamment l’urbanisation, la hausse de la consommation de viande, l’augmentation de la population et l’essor de la demande de bois et de produits agricoles.
« Tout ce que vous pensiez savoir sur la déforestation au XXe siècle n’est plus vrai », a déclaré Doug Boucher, Directeur de la Recherche et des Analyses sur le climat à l’Union of Concerned Scientists.
« Dans le monde entier, les régions rurales se vident de leur population et nous voyons des relations d’influence réciproque entre l’urbanisation massive et la croissance des industries urbanisées…nous devons donc être vigilants pour déceler l’émergence de nouveaux facteurs.
Wu Hongbo, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales des Nations Unies, a souligné les revenus invisibles que tirent des forêts les populations rurales.
« Si l’on chiffre la contribution des forêts aux économies en développement, on atteint 326 milliards d’USD. Ceci représente plus de deux fois le volume total de l’aide publique au développement (APD). »
Ephraim Kamuntu, Ministre ougandais de l’Eau et de l’Environnement, a insisté sur la prise en compte des moyens de subsistance des populations rurales dans les priorités de la lutte contre le changement climatique.
« Les enjeux dont nous parlons sont intimement liés à l’éradication de la pauvreté dans nos pays. »
« Les forêts jouent un rôle essentiel dans cette approche globale de la conservation, des conditions de vie des populations rurales, de la biodiversité et de la sécurité alimentaire, a poursuivi Mary Barton-Dock.
Les arbres sont toujours vraiment nos héros car ils répondent à bon nombre de nos besoins dans le domaine de l’eau et du carbone, sans parler des besoins des populations locales. En envisageant la problématique à l’échelle des paysages, nous progresserons vers un avenir durable.
C’est la première fois aujourd’hui que la Journée de la forêt ouvre son ordre du jour à l’agriculture, à la foresterie et à l’utilisation des sols ensemble et à leur impact sur la société. La Journée de la forêt se tient en parallèle de la Journée de l’agriculture, des paysages et des moyens de subsistance, sous le thème des « Paysages vivants », ces deux manifestations explorant les synergies et les complémentarités des paysages, comme les compromis à faire, pour proposer des solutions durables en vue de s’adapter au changement climatique et d’atténuer ses effets, tout en améliorant les conditions de vie des populations.
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