LIMA, Pérou — Madre de Dios, une région du Pérou connue pour sa fièvre de l’or, n’est pas le seul endroit du pays où une parcelle de terre peut être classée simultanément en tant que concession minière et champ agricole.
Des millions d’hectares de terres au Pérou font l’objet de revendications concurrentes. Ceci donne une idée de la complexité de la classification des terres et de la délivrance de titres fonciers dans le pays. La décentralisation en est une des raisons : les pouvoirs et les responsabilités liés à l’utilisation des terres ont commencé à être répartis parmi les agences et administrations gouvernementales, qui se font souvent concurrence dans leurs mandats et leurs pouvoirs relatifs à l’utilisation des terres.
Selon des chercheurs et des experts juridiques, un exemple en est le Ministère péruvien de l’Environnement. Bien qu’il soit chargé de faire progresser la REDD+ et d’autres programmes de conservation de l’environnement, il ne dispose ni de suffisamment de pouvoirs ni des responsabilités nécessaires pour remplir ce mandat (voir notre infographie interactive pour plus de détails).
«La plupart des principaux pouvoirs relatifs à la classification, la planification, le titrage et l’autorisation liés à l’utilisation des terres sont attribués à d’autres ministères. Pour le ministère de l’Environnement, il devient alors difficile de modifier par lui-même le statu quo et de faire évoluer le pays vers un développement réduisant les émissions», déclare Ashwin Ravikumar du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), auteur d’un rapport à venir sur la décentralisation et les politiques d’utilisation des terres au Pérou.
Alors que le Pérou a fait preuve d’enthousiasme et d’une volonté politique accrue pour aborder les questions environnementales et forestières au cours des dernières années, le pays est également confronté à des défis quant à l’équilibre entre les priorités de croissance économique, de réduction de la pauvreté et d’utilisation durable des terres.
Certaines institutions ont été mises en place avec un enthousiasme initial qui s’est peu à peu éteint. Elles existent encore, mais n’ont pas eu de succès au fil des années
Durant ces derniers mois, les priorités du gouvernement national se sont clarifiées. Le Ministère des Finances a approuvé un programme de relance économique ou paquetazo (soutenu par le président péruvien Ollanta Humala) visant à mettre clairement le pays sur la voie d’une croissance économique de 5% par an, en prévision d’un ralentissement économique associé à une baisse des prix des minéraux. Le programme affaibli également la capacité du ministère de l’Environnement à appuyer des activités liées à l’aménagement, globale et économiquement optimal, du territoire.
Des institutions ont été mises en place dans le but d’améliorer la coordination et de résoudre les conflits de pouvoir entre les gouvernements national, régionaux et locaux, ainsi qu’entre les différents secteurs. Toutefois, elles ont eu un succès limité, selon Pablo Peña de la Société péruvienne du droit environnemental (SPDA).
«Certaines institutions ont été mises en place avec un enthousiasme initial qui s’est peu à peu éteint. Elles existent encore formellement mais n’ont pas eu de succès au fil des années», dit-il.
Les négociations politiques se résument en définitive au pouvoir
Le Pérou accueillera les négociations de l’ONU sur le changement climatique en décembre, lors desquelles le premier projet d’un accord sur le climat post-2020 sera susceptible d’émerger. Suite aux discussions intenses lors d’une réunion de l’ONU d’experts du climat en juin, qui a concerné la manière dont la question des émissions de gaz à effet de serre issues des secteurs terrestres peut être abordée, il est probable que ces enjeux occuperont le premier plan de la réunion au Pérou.
Pourquoi l’utilisation des terres importe-t-elle ?
La demande croissante en ressources, au Pérou et à l’échelle mondiale, a poussé le gouvernement à mette en place une série de politiques visant à encourager la production agricole (huile de palme, soja) pour fournir les marchés nationaux et internationaux. Cette production est la principale cause de déforestation dans le pays et a ainsi mené à une augmentation des émissions de carbone ; 61% des émissions du Pérou proviennent de la foresterie, de l’agriculture et du changement de l’utilisation des terres.
Le développement et la durabilité ont longtemps été considérés comme ayant des objectifs mutuellement exclusifs, de sorte à ce qu’il y aura toujours une concurrence quant à la croissance des différents secteurs tels que la foresterie, l’agriculture, l’exploitation minière, la pêche et l’infrastructure.
Nous constatons que ce ne sont pas tous les acteurs concernés qui participent aux prises de décisions qui finiront par affecter leurs moyens de subsistance
Ceci n’est cependant pas nécessairement vrai dans toutes les circonstances. Les cultures dépendent d’un approvisionnement suffisant en eau et, au Pérou, celui-ci est régulé par les forêts de l’Amazonie. Donc, si les politiques se concentrent uniquement sur l’augmentation de la productivité, cela aura des répercussions sur l’approvisionnement en eau, un fait qui devrait être considéré et géré.
La recherche de Laura Kowler montre que les conflits entre les objectifs de développement et ceux de durabilité se résument à savoir qui a le pouvoir de faire quel type de décisions, quelles en sont les conséquences sur les résultats de l’utilisation des terres et qui est affecté par ces résultats.
«Nous constatons que pas tous les acteurs concernés (tels que les communautés locales, gouvernements régionaux, etc.) participent aux prises de décisions concernant l’utilisation des terres ; décisions qui finiront par affecter leurs moyens de subsistance et la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins», déclare Mme Kowler, consultante au CIFOR.
Peu importe le type de structures juridiques, la prise de décision concernant l’utilisation des terres est, somme toute, une négociation politique. «Les négociations politiques se résument en définitive au pouvoir», affirme M. Ravikumar.
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