BOGOR, Indonésie — Les routes forestières peuvent constituer un moyen simple et précis pour estimer la quantité de végétation extraite par les exploitants forestiers, selon les résultats d’une étude effectuée au Cameroun.
La méthode permet aux chercheurs «de voir de manière indirecte» les effets écologiques de l’exploitation forestière dite sélective, dit Denis Sonwa, scientifique chevronné au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et co-auteur de l’étude. Ce type d’exploitation forestière tend à éliminer les plus grands arbres et peut créer des trous dans la canopée.
Cela signifie que nous pourrions nous appuyer sur des données scientifiquement prouvées lorsque nous parlons aux personnes qui se livrent à l’exploitation forestière, ainsi que celles qui élaborent des politiques et des plans en vertu desquels cette exploitation a lieu
Selon M. Sonwa, cette méthode peut fournir des données utiles, à peu de frais, puisque le réseau routier associé à l’exploitation forestière peut être mesuré soit sur le terrain, soit par des images satellites qui sont déjà largement disponibles pour les chercheurs. Le fait que des images satellites peuvent être utilisées pour constituer des données fiables, dans le but d’estimer la quantité d’arbres récoltés, signifie que cette source de données est très importante pour soutenir la planification d’une gestion forestière durable, dit-il.
La région étudiée au sud-est du Cameroun a été choisie en raison de son exploitation forestière durable. Toutefois, les chercheurs ont exprimé des inquiétudes concernant deux espèces arboricoles – Triplochyton scleroxylon localement appelé «ayous» et Entandrophragma cylindricum ou «sapelli» – qui sont davantage extraites par les bûcherons. Les politiques devraient être conçues, selon les chercheurs, de manière à assurer la survie de ces espèces et assurer que d’autres espèces soient exploitées de manière plus équitable.
Néanmoins, si les scientifiques disposaient de données concrètes sur la perte de biomasse et sur les stocks de carbone forestier, données dérivées d’une estimation scientifiquement valide, ils pourraient faire valoir de manière plus efficace leurs préoccupations au sujet des politiques forestières, stipule M. Sonwa.
Les routes d’exploitation forestière et autres paramètres capturés par des images satellites pourraient combler cette lacune. Les décideurs politiques seraient alors en mesure de négocier, en position de force, avec les organismes gouvernementaux et les entreprises d’exploitation forestière en vue de l’initiative REDD+, programme destiné à réduire les émissions de carbone issues de la destruction des forêts.
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«Il s’agit de l’un des objectifs», déclare M. Sonwa. « La science pourrait apporter son soutien. Cela signifie que nous pourrions nous baser sur des données scientifiquement prouvées lorsque nous parlons aux personnes qui se livrent à l’exploitation forestière, ainsi que celles qui élaborent des politiques et des plans en vertu desquels cette exploitation a lieu. Les arguments seraient alors plus difficiles à réfuter.»
Les chercheurs suggèrent également qu’en déplaçant simplement les chantiers forestiers plus près des routes principales, les bûcherons pourraient réduire considérablement la quantité de végétation perdue. Actuellement, les chantiers ont tendance à être plus à l’intérieur des concessions forestières, ce qui nécessite davantage de constructions de routes.
LA TÊTE DANS LE CIEL, LES BOTTES SUR TERRE
L’étude a été menée en 2013 dans une concession, choisie pour sa pratique de coupe sélective, au sud-est du Cameroun. Plutôt que d’extraire tous les arbres, la coupe sélective vise des espèces arboricoles spécifiques qui ont une haute valeur commerciale.
Toutefois, ces espèces sont souvent des arbres de grande taille. Des trous sont ainsi créés dans la canopée, ce qui nuit aux écosystèmes. Autres conséquences: les microclimats sont alternés, les sols sont perturbés, et la composition des espèces est modifiée.
En appliquant des méthodes statistiques aux observations faites sur le terrain, les chercheurs ont constaté que la densité des routes forestières explique la perte de biomasse, telle que observée sur le terrain, avec une précision de 66%. En combinant ce résultat avec les données de l’Indice de Végétation par Différence Normalisé (NDVI en anglais), recueillies auprès du Radiomètre Spectral pour Imagerie de Résolution Moyenne ou MODIS (de l’anglais Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer) de la NASA, la précision de l’estimation s’améliore et atteint 73%.
L’IMPORTANCE DE LA TAILLE DES ROUTES
Le système des routes forestières a été divisé en routes primaires, secondaires et tertiaires, explique M. Sonwa. La dernière catégorie représente les plus petites routes. Toutefois, puisque celles-ci sont dans l’ensemble beaucoup plus nombreuses, elles touchent une plus grande surface de terres forestières. Elles engendrent ainsi une plus grande perte de biomasse forestière.
Les conclusions de l’étude suggèrent qu’en rapprochant simplement les parcs à bois des grandes routes principales, les bûcherons pourraient réduire considérablement la superficie détruite par les routes tertiaires et, par conséquent, la quantité de végétation perdue.
L’exploitation forestière est très importante pour l’économie du Cameroun. Des bûcherons du monde entier exploitent ses forêts, certains viennent d’aussi loin que la Chine ou la Malaisie. M. Sonwa dit ne pas se faire d’illusions quant à leurs motivations. «Ils sont là pour faire de l’argent», affirme-t-il.
Selon lui, les données scientifiques pourraient aider les décideurs politiques dans leurs efforts pour concevoir des politiques d’exploitation forestière durables.
Surtout, cette méthode peut être reproduite là où la coupe sélective est pratiquée, déclare M. Sonwa.
Pour plus d’informations sur les sujets de cette recherche, veuillez contacter Denis Sonwa sur d.sonwa@cgiar.org.
Cette recherche a été financée par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), l’Agence Française de Développement (AFD) et « Helsingin yliopiston alumni ry:n rahaston hoitokunta association ». Elle s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.
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