Le nouveau président de l’Indonésie, Joko Widodo, a récemment surpris certains observateurs en annonçant à son cabinet la fusion des ministères de l’Environnement et des Forêts en un seul ministère. Il sera dirigé par Mme Siti Nurbaya, un responsable politique qui a une grande expérience des gouvernements régionaux et centraux.
La décision a suscité de vives réactions dans les milieux indonésiens de l’environnement et de la politique. Elle pourrait signifier que l’agenda environnemental vaste et intersectoriel serait affaibli et simplifié. En même temps, consolidée par un seul ministère, cette décision pourrait renforcer la juridiction concernant les terres boisées. Alors que le président a rappelé aux Indonésiens à plusieurs reprises que le domaine maritime a été négligé, on ne peut qu’espérer qu’il se souvienne des nombreux conflits non résolus se rapportant à la terre et à la propriété foncière du pays.
Quoi qu’il en soit, c’est une initiative audacieuse: les ramifications politiques résultant d’une fusion des ministères peuvent s’avérer complexes. La fusion de deux bureaucraties distinctes – qui ont leurs propres forces, des faiblesses et des capacités différentes – est un défi dans n’importe quel pays, dans n’importe quel contexte. Pour que le nouveau ministère fonctionne pleinement, il faudra un certain temps. A l’évidence, l’opinion publique va veiller à la déclaration du président d’établir un équilibre entre les professionnels et les politiciens au sein de son cabinet.
Cependant, au-delà de la bureaucratie et de la politique, qu’est-ce que cela signifie pour l’environnement et les forêts en Indonésie? Les taux élevés de déforestation et de dégradation des forêts dans ce pays sont à l’origine de graves problèmes environnementaux aux niveaux local, national et mondial, ce qui renforce l’importance des enjeux résultant de cette fusion.
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De nombreuses possibilités découlent de la création de ce nouveau ministère.
Premièrement, ceci pourrait aider à consolider la gestion d’enjeux qui étaient auparavant sous la juridiction partielle des deux ministères. Les terres et les feux de forêt à Sumatra et Kalimantan, par exemple, ne devraient plus être une responsabilité qu’on se rejette à l’échelle nationale. En effet, un seul ministère pourrait entreprendre des actions collectives et concrètes pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des incendies, de sorte que leur prévention serait plus efficace que la lutte contre les feux.
Deuxièmement, les forces et faiblesses des deux anciens ministères pourraient se compléter mutuellement, notamment en termes de ressources financières et humaines. Des lois environnementales fortes sont affaiblies lorsque les ressources sont insuffisantes pour les réaliser. La fusion de deux ministères pourrait aider à combler les lacunes en matière d’expertise ou de ressources nécessaires pour accomplir les tâches d’envergure à venir.
Troisièmement, un seul ministère pourrait être plus puissant sur le plan politique que deux ministères plus petits – à condition que les ressources disponibles soient optimisées et/ou mobilisées pour répondre aux nouveaux objectifs communs. Une fois les devoirs et responsabilités mis en ordre au sein du nouveau ministère, l’amélioration continue de la capacité du personnel sera cruciale.
POUR LES MINISTÈRES, 1+1 ≠ 2
Cependant, des défis émergent également de cette initiative.
D’une part, sans un ministère unique axé seulement sur les forêts, les forêts indonésiennes risquent-elles d’être éclipsées face à d’autres priorités? Par exemple, l’utilisation des terres forestières sera-t-elle gérée par le ministère, lui aussi nouvellement créé, de la Planification de l’Agriculture et de l’Aménagement ?
D’autre part, le nouveau ministère sera-t-il en mesure de surmonter les «guerres territoriales» pour parvenir à l’unification? Cela dépendra beaucoup de la structure finale du nouveau ministère. Par exemple, il sera difficile de fusionner les six grandes directions générales de l’ancien ministère des Forêts dans un seul grand système fonctionnel, avec les six autres grandes unités de six députés au sein du ministère de l’Environnement. Il s’agit là d’un grand défi qui risque de faire perdre leurs emplois à certains hauts fonctionnaires.
Orchestrer de nombreux outils juridiques, tels que la loi n° 41/1999 sur la foresterie et la loi n° 32/2009 sur la protection et la gestion de l’environnement, n’est pas une tâche facile. Il faudra un leadership fort de la part d’un chef raisonnable afin de synchroniser les aspects anciennement abordés sur différentes scènes devant des publics différents. Gagner la confiance des acteurs du nouveau ministère exigera de prouver le fonctionnement du concept dans un temps opportun. De même, les acteurs ne devraient pas laisser le «petit nouveau» trébucher contre des obstacles ou s’égarer sans guide. Il est de la responsabilité de la société indonésienne de les aider à rester focalisé.
Cette fusion pourrait être cruciale pour l’avenir des forêts indonésiennes. On peut espérer que le nouveau ministère garde non seulement à l’ordre du jour les paysages forestiers de l’Indonésie, mais qu’il fournira également l’impulsion et les ressources nécessaires pour soutenir la valeur élevée des biens économiques issus des forêts, tout en préservant ces terres et les services inestimables qu’elles fournissent.
Ce nouveau ministère pourrait avoir de profondes répercussions non seulement pour le pays, mais pour le monde entier.
Note de la rédaction : cet article a paru dans l’édition du 7 novembre du Jakarta Post.
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