Entreprises chinoises de bois en Zambie: peu d’emplois, plus de débouchés pour les bûcherons locaux

Les méthodes classiques de recherche, telles que les enquêtes sur l'emploi, ne parviennent pas à analyser les conséquences sociales complexes de l’engagement croissant de la Chine dans le secteur du bois en Afrique, selon un article récent sur les compagnies forestières chinoises en Zambie.
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Du bois, produit par des petits exploitants forestiers dans le district de Sesheke à l’ouest de la Zambie, est prêt à être vendu aux marchands de Lusaka, la capitale zambienne. Photo reproduite avec la permission de Benjamin Schmidt

BOGOR, Indonésie — Les méthodes classiques de recherche, telles que les enquêtes sur l’emploi, ne parviennent pas à analyser les conséquences sociales complexes de l’engagement croissant de la Chine dans le secteur du bois en Afrique, selon un article récent sur les compagnies forestières chinoises en Zambie.

«Lorsque l’on étudie les avantages de l’exploitation forestière pour les populations, il faut examiner les diverses dimensions qui les touchent à l’échelle du pays, de l’entreprise et du ménage», déclare Louis Putzel, scientifique chevronné du CIFOR qui participe à un projet pluriannuel de recherche sur le commerce et l’investissement chinois en Afrique.

Une meilleure surveillance du trafic de bois… est nécessaire afin d’assurer que la Zambie reçoit sa juste part du chiffre d’affaires.

«L’emploi est souvent étudié: nombre de postes, niveau de salaire… Mais les opportunités économiques offertes par le marché chinois aux petites entreprises et commerçants de bois d’origine illégale sont un autre aspect important». De telles opportunités doivent bien sûr être considérées par rapport aux coûts écologiques et sociaux de l’exploitation forestière dans des environnements fragiles et des régions où la gouvernance des ressources est faible.

Philippe Asanzi, un doctorant de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud et auteur principal de l’article, a dirigé une équipe qui a mené des recherches sur le terrain sur l’impact du commerce chinois du bois dans la province occidentale de la Zambie. Il a interrogé des autorités locales, des gestionnaires d’entreprises d’exploitation forestière, des travailleurs retraités et des chefs de villages dans 25 communautés à proximité des concessions de quatre entreprises d’exploitation forestière. Il s’agit de deux entreprises chinoises, une zambienne et une sud-africaine.

«Les entreprises non-chinoises ont tendance à employer plus de travailleurs, mais elles ne semblent pas avoir de relations avec des petites entreprises locales de bois», remarque M. Asanzi. En revanche, selon l’avis des observateurs locaux, les entreprises appartenant à des Chinois créeraient moins d’emplois et offriraient des conditions de travail moins intéressantes — en ce qui concerne les mesures de santé et de sécurité, ainsi que la rémunération.

ATTENTION À L’ÉCART

L’article propose des explications pour cet écart, allant de «la culture des entreprises chinoises» qui a été jugée moins favorable au travail par des études précédentes, à la faible rentabilité en Zambie – un pays enclavé produisant moins de bois que ses voisins.

«Ces entreprises ont été créées par des migrants chinois avec leurs économies personnelles: elles disposent de moins de moyens que les grandes [entreprises] soutenues par le gouvernement chinois. En outre, elles ont des difficultés à faire du profit en raison du coût de transport de la Zambie vers la Chine», déclare M. Asanzi.

Pourtant, elles n’exportent pas seulement le bois extrait de leurs propres concessions et «offrent des marchés relativement importants pour les producteurs locaux de bois opérant à proximité de [leurs] concessions forestières», écrivent les scientifiques. Il s’est avéré que les «bûcherons» locaux ont plus de possibilités pour vendre leurs produits grâce à la demande croissante des entreprises chinoises dans la région. En fait, même la grande entreprise zambienne, figurant parmi les quatre entreprises ciblées par l’étude, vend une partie de sa production à des commerçants chinois.

Bien que l’échantillon de l’étude soit petit, M. Putzel et M. Asanzi affirment que leurs observations correspondent avec d’autres recherches sur le commerce chinois du bois en Afrique. «Dans d’autres pays africains, tels que le Cameroun et le Mozambique, les entreprises chinoises achètent également du bois provenant de producteurs locaux», déclare M. Asanzi.

  • Pour en savoir plus sur le commerce et l’investissement chinois en plein essor en Afrique et ce qu’il implique pour les ressources forestières du continent, rendez-vous sur cifor.org/china-africa

Cette meilleure compréhension de l’impact des compagnies forestières chinoises et non chinoises sur les moyens de subsistance locaux est importante, puisque leurs autres contributions aux communautés locales ont été jugées insignifiantes. «Aucune des sociétés d’exploitation forestière de notre échantillon ne fournit de services ou d’infrastructures importants aux communautés rurales», écrivent les scientifiques. Les chercheurs ont constaté que les écoles ou églises promises par certaines entreprises sont souvent difficiles à trouver et la corruption locale est un problème sérieux, indépendamment de l’origine nationale des entreprises opérant dans le domaine.

En outre, la propriété des entreprises ne semble pas affecter la concurrence et les conflits pour l’accès aux ressources forestières. Seuls les habitants vivant dans des zones où une forte densité de population exerce une pression sur l’espace et les ressources se sont plaints de l’empiètement des concessions sur les terres et de l’accès restreint aux produits forestiers, tels que le miel et les champignons, indépendamment du fait que le titulaire de la concession soit chinois ou pas.

HAUSSE DE LA DEMANDE’

Bien que la présence chinoise sur le marché du bois de la Zambie soit relativement faible, elle représente une majorité écrasante des exportations vers les pays voisins tels que le Mozambique. La Zambie dispose de stocks important de bois de rose, qui est en forte demande chez les fabricants de meubles chinois.

«L’expansion mondiale du marché de bois de rose, dont la Chine est un acteur central, a entraîné une hausse de la demande sur le marché du bois au sud du continent africain», déclare M. Putzel. «Une meilleure surveillance du trafic de bois à travers de la frontière Zambie-Mozambique et vers la côte est nécessaire afin d’assurer que la Zambie reçoit sa juste part du chiffre d’affaires.»

Il espère que la recherche, qu’il a coordonnée, aidera à mieux comprendre ces problématiques. «Nous essayons d’approfondir ces études. La presse et les ONG environnementales ont beaucoup écrit sur la demande chinoise de bois. Toutefois, la recherche scientifique sur les effets sociaux et écologiques de l’exploitation forestière, ainsi que son commerce, n’est pas encore suffisante pour informer les politiques», dit-il.

Les résultats du projet de recherche Chine-Afrique du CIFOR sont destinés aux décideurs africains, tels que les ministères en charge de la gestion des terres et de la protection sociale – mais pas exclusivement.

«La Chine a, elle aussi, tenté de gérer sa gouvernance des ressources internationales», déclare M. Putzel. Il souligne toutefois que la plupart des mesures ont, jusqu’à présent, surtout ciblé les grandes entreprises contrôlées par le gouvernement.

«Nous aimerions attirer l’attention de la Chine sur la multitude de moyens [par lesquels] les entreprises chinoises accèdent aux ressources. Nous avons été invités à nous exprimer lors de nombreux événements en Chine. Les personnes avec lesquelles nous avons interagi se sont montrées intéressées par la façon dont nous avons analysé en détail ce marché complexe dans nos études.»

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés par cette étude, veuillez contacter Louis Putzel sur l.putzel@cgiar.org.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.

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