BOGOR, Indonésie — Viande. Bois de feu. Épices. Les forêts fournissent tout cela et bien plus encore. Pourtant l’importance de ces produits pour les moyens de subsistance en milieu rural est encore méconnue.
Une étude comparative sur le rôle relatif de ces produits forestiers non-ligneux (PFNL) comme moyens de subsistance dans trois pays d’Afrique de l’Ouest réaffirme les avantages à considérer les forêts dans un contexte plus large.
L’étude se penche sur l’importance relative des revenus issus de la forêt d’environ 1000 ménages qui ont des accès divers aux marchés et forêts en milieu rural au Cameroun, au Nigeria et au Ghana. Elle examine également les tendances régionales dans des contextes écologique, social et politique plus vastes. Ainsi, les chercheurs ont mis en évidence les différents rôles que jouent, ou pourraient jouer, les PFNL dans un contexte paysager.
Les PFNL apportent une contribution importante aux moyens de subsistance en milieu rural, mais ils demeurent principalement le domaine des pauvres vivant dans des régions reculées.
Les forêts, ainsi que les arbres situés dans les exploitations agricoles, fournissent une multitude de services écosystémiques: des aliments sauvages et des épices, des matériaux pour l’artisanat, du bois de feu et des médicaments, ainsi que de l’ombre, des abris et la rétention des sols. L’étude mondiale, intitulée Réseau Pauvreté et Environnement (RPE), a récemment rapporté que les revenus liés aux forêts et à l’environnement génèrent jusqu’à 20% des revenus des ménages.
«Les PFNL apportent une contribution importante aux moyens de subsistance en milieu rural, mais ils demeurent principalement le domaine des pauvres vivant dans des régions reculées», déclare Terry Sunderland, scientifique au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et co-auteur de l’étude, publiée dans un récent numéro de la revue International Forestry Review.
Les activités autour des PFNL sont tout à fait adaptées pour les ménages pauvres puisqu’elles impliquent généralement peu de risques et nécessitent peu d’investissements financiers ou de compétences particulières. De ce fait, pour les récoltants pauvres de PFNL qui ne peuvent souvent pas accéder à des crédits, les forêts peuvent contribuer d’une part à la diversification des moyens de subsistance, et d’autre part au renforcement de la résilience des ménages. L’auteur principal de l’étude, Ruth Malleson, chercheur honoraire au département d’anthropologie de l’University College London et consultant à Triple Ligne Consulting, avait fait valoir auparavant que les PFNL fournissent aux femmes vivant dans des communautés isolées du Nigeria et du Cameroun les rares moyens d’accumuler de l’argent pour faire face aux imprévus. De même, les enfants plus âgés et les femmes récoltent des PFNL comme la mangue sauvage pendant des vacances scolaires de la saison des pluies pour gagner de l’argent afin de payer les frais de scolarité.
«Les PFNL sont très utiles pendant la saison des pluies ou les périodes de pénurie agricole avant et après la récolte», déclare M. Sunderland. «Les forêts constituent un filet de sécurité en assurant la nutrition et l’alimentation, et en protégeant les personnes contre les impacts causés par des événements économiques, environnementaux et climatiques.»
Dans les trois pays, les chercheurs ont constaté que les ménages de migrants sont souvent les plus pauvres. Dans les zones frontalières du Ghana, ainsi que les zones frontalières et routières plus accessibles du Cameroun et du Nigeria, les ménages plus aisés plantent des cultures commerciales pérennes telles que le cacao, le palmier à huile, la banane plantain et la banane. Les agriculteurs plus pauvres, principalement migrants, tirent la plupart de leurs revenus de cultures à rotation courte et annuelles, telles que le manioc.
Les migrants vivant au Cameroun et au Nigeria ne sont généralement pas autorisés à planter des cultures pérennes de rente sur leur terre louée. Au Ghana, les migrants tendent à avoir des contrats de location relativement stables à long terme. Les chercheurs notent que les ménages de migrants relativement pauvres, vivant dans des hameaux isolés au Ghana, dépendent des revenus générés par des PFNL, en attendant que les plantations de cacao nouvellement établies deviennent plus productives.
Les ménages plus pauvres, en particulier ceux dirigés par des femmes, doivent faire bon usage de leur temps, car ils disposent de moins de main d’œuvre. Le manioc est particulièrement attrayant parce qu’il nécessite relativement peu de travail, il peut être planté pendant toute la saison des pluies et récolté sur une période de deux ans. Cependant, les cultures annuelles ont un impact plus important sur l’environnement.
«Les agriculteurs migrants, qui ne peuvent que louer des terres, ont tendance à planter du manioc ou des cultures annuelles générant un retour rapide. Ceci favorise toutefois la déforestation, puisque la plupart de ces cultures sont exigeantes en lumière et nécessitent des espaces sans arbres pour croître», déclare M. Sunderland.
Les chercheurs soutiennent que les revenus générés par les PFNL pourraient jouer, dans les années à venir, un rôle encore plus important pour les ménages ruraux isolés de l’Afrique de l’Ouest et Centrale.
«Le rôle des PFNL en tant que filet de sécurité sera encore plus important», déclare M. Sunderland. «Ceci n’est pas seulement dû au changement climatique, mais également aux chocs économiques. Les agriculteurs qui dépensent tout leur argent dans des cultures de rente, telles que le cacao, sont extrêmement vulnérables face aux variations du marché, qui sont en dehors de leur contrôle.»
En citant l’étude récente du CIFOR portant sur le lien entre la qualité alimentaire et le couvert arboré en Afrique, M. Sunderland suggère également que les aliments forestiers contribuent de manière significative à la diversité alimentaire et nutritionnelle des ménages pauvres.
«Il est intéressant d’observer que les familles relativement pauvres ont des régimes alimentaires assez bons, en raison de la disponibilité de produits divers à proximité des forêts et des arbres», dit-il. Les familles plus riches, vivant loin de la forêt, peuvent avoir des régimes alimentaires moins riches, elles disposent néanmoins de moyens pour acheter d’autres produits.
«Les PFNL doivent être considérés dans un contexte plus large», déclare M. Sunderland. Selon lui, les approches paysagères intégrées au niveau régional vont bien au-delà de la gestion des conflits concernant les ressources et du soutien à la durabilité écologique.
Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Terry Sunderland sur t.sunderland@cgiar.org.
Le travail de terrain pour cette étude a été financé par l’ancien Programme de Recherche Forestière du Ministère Britannique du Développement International (DFID). Cette recherche fait également partie du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.
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