Notre organisme international ayant des bureaux et des projets en cours en Afrique centrale et Afrique de l’Ouest, nous surveillons de près l’épidémie d’Ébola. Nous avons limité les déplacements et les travaux de terrain dans les pays affectés conformément aux conseils des autorités sanitaires. Concernant l’ensemble du CGIAR, qui compte le CIFOR parmi ses 15 centres de recherche, plusieurs réunions internationales qui devaient avoir lieu dans cette région ont été repoussées ou déplacées vers d’autres lieux. Les épidémies d’Ébola sont d’immenses catastrophes humanitaires. Nous devons tous être attentifs et responsables dans nos actions, et contribuer à trouver des solutions à chaque fois que nous le pouvons.
Dans ces conditions, la recherche sur les liens entre Ébola et les activités forestières s’impose et notre organisme de recherche forestière s’y intéresse de près. Les premières questions sont :
- Nos connaissances sur la propagation de l’épidémie d’Ébola sont-elles suffisantes ?
- Pouvons-nous dégager des données scientifiques qui éclairent suffisamment les politiques publiques en vue de prévenir de futures tragédies ?
- Sommes-nous en mesure de faire correspondre les vagues d’information et les « suggestions d’expert » qui nous parviennent en ce moment avec des conclusions scientifiques ?
Malheureusement, la réponse à chacune de ces questions est « non ».
Il est bien établi que le virus Ébola est lié aux forêts en Afrique centrale et de l’Ouest. De plus, nous avons d’assez bonnes connaissances scientifiques sur les problèmes médicaux et cliniques qui se posent, même si elles ne nous permettent pas actuellement d’empêcher la propagation rapide de la maladie, qui touche un vaste territoire et provoque de terribles souffrances.
Du point de vue de la gestion des forêts et des paysages, cela peut sembler étonnant, mais nous disposons de peu de données sur les conditions et zones d’apparition du virus, de même que sur les risques relatifs aux pratiques agricoles ou à la chaîne de production de la viande de brousse. Le CIFOR est en train de faire le point des connaissances actuelles et de les résumer.
L’épidémie d’Ébola appelle-t-elle de nouvelles recherches dans le domaine des forêts et des paysages ?
À court terme, des examens systématiques transparents (voir l’initiative Foresterie fondée sur des preuves du CIFOR) devraient avoir lieu pour clarifier la position de la science par rapport aux politiques concernées en matière de gestion forestière et d’agriculture dans la région affectée. Le CIFOR et ses partenaires y réfléchissent actuellement. Comme les résultats définitifs arriveront bien après la retombée de l’attention des médias, il est essentiel que les scientifiques donnent aussi leur point de vue.
À plus long terme, la recherche devrait permettre de considérer la situation avec recul et d’en prendre la mesure en replaçant l’épidémie d’Ébola dans le contexte plus large de la gestion des risques. Ébola existe depuis plus de 1 000 ans. Il est inutile de se précipiter pour exiger des transformations radicales des politiques d’utilisation des terres à cause de l’Ébola, car ces changements pourraient avoir des conséquences graves et beaucoup plus étendues sur d’autres facteurs sociaux, environnementaux ou économiques. Par exemple, il ne faudrait pas que, en voulant être expéditifs, on stoppe net l’apport nutritif et financier que représente la viande de brousse pour des dizaines de millions de personnes. Au lieu de cela, des investissements politiques et financiers seraient sans doute plus efficaces dans des actions de base en santé, éducation et sensibilisation comme dans des réglementations en matière de sécurité alimentaire.
En d’autres termes, la gestion des risques et des opportunités sanitaires doit être envisagée comme l’un des multiples objectifs du secteur forestier et des paysages. Nous ne devons pas isoler le secteur forestier des objectifs de développement – point que j’ai soulevé dans un billet précédent en montrant comment ce secteur est lié à chacun des sujets relevant des Objectifs de développement durable.
L’exemple que j’avais pris pour illustrer le lien entre l’exploitation forestière et la santé était positif : les bénéfices de Prunus africana dans le traitement des affections de la prostate. Nous pouvons maintenant rajouter à l’équation les risques d’Ébola, tout en constatant qu’il existe un lien fort entre les forêts et la santé, comme l’a signalé le CIFOR en 2006 (voir l’InfoBrief du CIFOR Forests and Human Health)
La programmation de la recherche à long terme n’aide pas les victimes de l’épidémie actuelle d’Ébola, ni sans doute non plus à calmer le débat agité sur ce virus et le secteur des forêts. Cependant, nous devons nous atteler sérieusement à long terme à la gestion complexe des forêts et des paysages dont les objectifs sont divers. Dans ce défi, Ébola est un nouveau paramètre à prendre en compte, et pas le moindre.
Quelques articles récents à lire (en anglais) avec discernement :
- Mother Jones : We Are Making Ebola Outbreaks Worse by Cutting Down Forests
- The New York Times : How Environmentalism Can Help Stop Ebola
- The Guardian : Ebola: research team says migrating fruit bats responsible for outbreak
- NPR : Ebola In The Skies? How The Virus Made It To West Africa
- Newsweek : Smuggled Bushmeat Is Ebola’s Back Door to America
- Al-Jazeera : Deforestation, development may be driving Ebola outbreaks, experts say
- The Washington Post : How deforestation shares the blame for the Ebola epidemic
Pour les questions des médias à propos d’Ebola, les forêts et la viande de brousse, merci de contacter Joan Baxter, Coordinatrice des communications régionales pour l’Afrique, j.baxter@cgiar.org ou +254 72 640 7140
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