LIMA, Pérou – Un programme brésilien qui compense des familles pour conserver les forêts s’avère prometteur pour réduire la déforestation et aider les petits agriculteurs à améliorer leurs moyens de subsistance, selon une nouvelle étude co-parrainée par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Lancé en 2007 dans l’Etat brésilien de l’Amazonas, le programme Bolsa Floresta – «allocation forestière» – prévoit des paiements directs aux familles en échange de conservation, développement communautaire, services publics et soutien aux associations locales.
Le programme s’adresse aux familles vivant dans les Réserves de Développement Durable du Brésil pour permettre aux résidents de combiner l’utilisation durable des terres et de la forêt par le biais d’un plan de gestion. En 2012, Bolsa Floresta a bénéficié à plus de 30 000 personnes dans et aux abords de 15 réserves forestières couvrant plus de 10 millions d’hectares.
L’étude, qui a analysé l’influence du programme dans deux réserves, Juma et Uatumã, a constaté que la plupart des participants -principalement des petits agriculteurs dépendant fortement des ressources forestières- ont déclaré qu’ils se portaient mieux qu’avant le lancement de Bolsa Floresta. Les taux de déboisement, bien que faibles dès le départ dans les forêts reculées où le programme est mis en œuvre, ont également été légèrement inférieurs dans ces régions que dans les régions environnantes.
«Le transfert de fonds a aidé de nombreuses familles à couvrir les dépenses de base pour la nourriture et les vêtements», déclare Jan Börner du CIFOR, co-auteur de l’étude. «Beaucoup d’habitants ont également signalé que les réserves sont mieux protégées contre les personnes de l’extérieur qui venaient pêcher ou exploiter le bois illégalement dans les réserves.»
Ces résultats indiquent des possibilités de mesures d’incitation à la conservation dans d’autres parties de l’Amazonie, qui font également face à une pression de déforestation due à l’exploitation forestière et l’élevage, selon les chercheurs. Ils avertissent, cependant, que les programmes et mesures d’incitation fournies doivent être adaptés à la situation particulière de chaque endroit.
Les réserves Juma et Uatumã ont été choisies pour l’étude d’impact car elles étaient parmi les premières à mettre en œuvre Bolsa Floresta et ont eu des taux de déforestation plus élevés que les autres réserves au début du programme.
La réserve Juma a été établie en 2006 le long de la partie inférieure du fleuve Aripuanã, dans le sud-est de l’Amazonas, un an avant le début du programme Bolsa Floresta. Près de 380 familles vivent dans cette réserve de 5 900 kilomètres carrés, dont environ 70% sont couverts de forêt tropicale. La réserve est également le site de l’un des premiers projets REDD+ (Réduction des Emissions issues de la Déforestation et Dégradation des forêts) certifié dans l’Amazonie brésilienne. La réserve Uatumã, installée en 2004 dans le nord-est de l’Amazonas, s’étend sur 4 200 kilomètres carrés et abrite plus de 360 familles.
Dans chaque réserve, des règlements de zonage précisent quelles terres peuvent être utilisées pour l’agriculture, ils limitent le défrichage des forêts matures et contrôlent strictement l’utilisation du feu.
Le programme Bolsa Floresta renforce la conservation grâce à une combinaison de développement communautaire, paiement pour services environnementaux, prestation de services publics et soutien aux organismes communautaires, explique Sven Wunder, économiste principal au bureau brésilien du CIFOR et co-auteur de l’étude. Les familles s’engagent à respecter le plan de gestion de la réserve et à limiter la quantité de terres forestières converties pour l’agriculture. Elles doivent également participer à une association locale et envoyer leurs enfants à l’école, s’il y en a une à proximité.
«Le programme exige que les personnes respectent les règles et fassent un peu plus, et il les compense pour cet effort supplémentaire», déclare M. Wunder.
Chaque famille reçoit un versement d’environ 33$ par mois. Le non-respect des réglementations pourrait entraîner un avertissement ou une suspension des paiements. L’association locale reçoit un montant égal à 10% des allocations familiales pour les activités en faveur des membres. Chaque communauté bénéficie également d’investissements dans des activités génératrices de revenus, conformes au plan de gestion de la réserve, telles que la transformation de produits agricoles, les produits forestiers non ligneux, la pisciculture ou l’écotourisme.
Le gouvernement fournit un montant légèrement inférieur par famille pour les services publics, tels que les soins de santé, l’éducation, le transport et la communication.
Dans l’Etat de l’Amazonas le programme est géré par la Fondation Amazonas Durable (Fundação Amazonas Sustentável, FAS), qui a co-parrainé l’étude avec le CIFOR et le Centre de Recherches pour le Développement à l’Université de Bonn en Allemagne.
Les niveaux de revenus monétaires des familles dans les réserves sont si bas que même la petite allocation mensuelle devient un apport d’argent important, explique M. Wunder. Cela pourrait ne pas être le cas dans un endroit qui serait mieux connecté aux marchés, ou où la production de bois ou l’élevage de bétail sont plus importants. Dans ces endroits, la taille et la combinaison des mesures incitatives devraient être adaptées aux situations particulières, dit-il.
L’étude a révélé que la déforestation avait diminué d’environ 12% à l’intérieur des réserves que dans le reste de l’Etat de l’Amazonas depuis le début du programme Bolsa Floresta, entraînant probablement une différence modeste d’environ 1500 hectares supplémentaires de forêts préservées de la déforestation.
Les données de télédétection fournies par le système national de surveillance PRODES du Brésil n’ont pas été suffisamment détaillées pour surveiller la déforestation à petite échelle ou la dégradation au sein des réserves, indique l’étude. Les chercheurs ont utilisé CLASlite, un système développé par l’Institut Carnegie des Sciences, pour des informations plus précises.
«Pour le type de déforestation à petite échelle qui domine dans les zones de Bolsa Floresta, il serait probablement toujours utile d’utiliser des systèmes de surveillance à plus haute résolution», déclare M. Börner.
Un avantage clé de Bolsa Floresta est le soutien des efforts locaux de conservation qui aident à protéger les réserves contre l’invasion par des personnes venant de l’extérieur, selon M. Wunder. Bien que beaucoup de personnes blâment les petits agriculteurs de défricher la forêt, «dans des régions éloignées et peu peuplées, dominées par des petits exploitants ou des populations autochtones, la plupart du déboisement se fait généralement par des personnes venant de l’extérieur pour couper du bois ou défricher les terres afin d’élever du bétail», dit-il.
Une réserve avec des hommes à l’intérieur offre une protection contre ce type de déboisement et Bolsa Floresta peut renforcer ceci en offrant une plus grande incitation à la conservation.
«Le programme est censé protéger les forêts des populations locales, mais il protège les forêts au moins autant pour les populations locales.», explique M. Wunder. «Ces personnes peuvent devenir les meilleurs alliés de la préservation de l’environnement; et l’un des conseils apporté par rapport aux exécutants était de lier davantage les récompenses à la surveillance active des forces externes dégradantes par les populations locales.»
Pour plus d’informations sur cette étude, veuillez contacter Sven Wunder sur s.wunder@cgiar.org.
Cette étude fait partie de l’Étude Comparative Mondiale du CIFOR sur la REDD+.
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