L’huile de palme peut être cultivée de manière plus respectueuse de la biodiversité – experts

Si les plantations de palmiers à huile – connus pour leur non diversité biologique - étaient établies uniquement sur des terres dégradées, elles causeraient moins de dommages à la biodiversité, avisent les chercheurs du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
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Utiliser des terres dégradées plutôt que de convertir des forêts naturelles en plantations de palmiers à huile aboutit à un impact moindre sur la biodiversité, selon le scientifique Douglas Sheil. Photo: CIFOR/Jenny Farmer

BOGOR, Indonésie (24 janvier 2014) – Si les plantations de palmiers à huile – connus pour leur absence de diversité biologique – étaient établies uniquement sur des terres dégradées, elles causeraient moins de dommages à la biodiversité, avisent les chercheurs du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR).

«Le plus grand problème est que l’huile de palme est souvent cultivée au détriment de forêts très riches en biodiversité», déclare Douglas Sheil, co-auteur de Les plantations de palmiers à huile dans le contexte de conservation de la biodiversité avec Erik Meijaard, associé du CIFOR.

«La question la plus importante que nous devons poser est: quel type de terrain devrions-nous utiliser et comment pouvons-nous amener les entreprises à faire pousser les plantations de palmiers à huile sur des terres non forestières?», dit M. Sheil.

«Si nous utilisons seulement des terres dégradées, les impacts sur la biodiversité seront beaucoup plus faibles. Nous pouvons protéger la biodiversité en arrêtant la conversion de forêts naturelles en palmiers à huile. Nous pouvons, par exemple, protéger les forêts naturelles restantes sur les pentes et près des cours d’eau, ou les régénérer là où cela est nécessaire.»

Éviter les zones forestières lors de la planification et du développement du palmier à huile n’est pas encore obligatoire en Indonésie, ajoute M. Sheil. Une nouvelle législation est nécessaire afin d’éviter davantage d’impacts sur les forêts et les services forestiers.

Les forêts ne sont pas seulement importantes pour la biodiversité, elles sont aussi essentielles pour le maintien de la chaîne alimentaire et l’approvisionnement en produits forestiers, comme pour le soutien aux services, tels que la formation des sols et le cycle des nutriments, la régulation du climat et la qualité de l’eau, pour ne nommer que quelques-unes des contributions décrites dans l’Évaluation des Écosystèmes pour le Millénaire.

Un arbre pour les gouverner tous

Les plantations d’essences forestières en monoculture, telles que le palmier à huile, manquent grandement de biodiversité. En terme de biodiversité, les plantations de palmiers à huile en Asie équatoriale ont une valeur inférieure à la plupart des autres utilisations des terres tropicales, y compris d’autres monocultures telles que l’Acacia, rapportent M. Sheil et M. Meijaard. Dans la province indonésienne de Jambi, les chercheurs ont enregistré une diversité végétale 75% moins élevée dans les plantations de palmiers à huile que dans les forêts naturelles. Puisque l’huile de palme a besoin de beaucoup de lumière naturelle, toute autre végétation doit généralement être éliminée. En outre, les plantations de palmiers à huile sont structurellement moins complexes que les forêts naturelles: la structure de l’âge des arbres est uniforme, la canopée est plus basse, le sous-bois clairsemé et le microclimat moins stable. Elles sont, bien sûr, soumises à une perturbation humaine considérable et la rotation de 25 à 30 ans pour le défrichage et la replantation diminue la diversité floristique et faunistique.

Une autre étude à Jambi a constaté que les monocultures d’huile de palme fournissent des habitats très insuffisants pour la plupart des espèces de mammifères terrestres. Seulement quatre des 40 espèces de mammifères détectées dans le paysage de 80 000 hectares (200 000 acres) ont été observées régulièrement dans les plantations, dont aucune n’a une haute valeur de conservation. En règle générale, les animaux préfèrent même les forêts fortement dégradées aux plantations de palmiers à huile. De même, en Malaisie, les chercheurs ont constaté que moins de 20 des 75 espèces de mammifères rencontrées dans la forêt primaire utilisent également les plantations de palmiers à huile.

Ceci est dû au fait que les espèces sauvages d’une valeur de conservation plus élevée ont généralement des exigences spécifiques en matière d’habitat et sont peu abondants, elles sont donc dépendantes des forêts, expliquent M. Sheil et M. Meijaard.

Des études sur des oiseaux ont abouti à des conclusions similaires: les palmiers à huile attirent peu d’espèces d’oiseaux, alors que les plantations d’Acacia et d’albizia ont une avifaune semblable à celle des forêts secondaires en régénération.

Rendre l’«or vert» plus vert

L’industrie de l’huile de palme est en plein essor et non sans raison. «L’or vert», comme a été surnommée l’huile de palme par le groupe environnemental Les Amis de la Terre, apporte une contribution précieuse au développement économique dans les pays tropicaux à faible niveau de bien-être.

Le palmier à huile a également une productivité plus élevée que les autres cultures productrices d’huile, telles que le canola et la noix de coco.

«Il existe diverses autres cultures oléagineuses, mais aucune n’est aussi efficace que l’huile de palme – en particulier sur les sols plus pauvres», déclare M. Sheil. «Avec l’huile de palme, nous pouvons produire plus d’huile sur moins de terres.»

Toutefois, il existe des façons de rendre l’industrie de l’huile de palme plus favorable à la biodiversité, notent M. Sheil et M. Meijaard. Ils se réfèrent à la stratégie «favorable à la faune», consistant à maintenir autant de végétation naturelle que possible dans les plantations de palmiers à huile.

«À Sabah en Malaisie, nous constatons par exemple que chaque arbre naturel dans une matrice de palmiers à huile est important. Les orangs-outans reviennent toujours, même dans les moindres parcelles de forêt dans les plantations de palmiers à huile matures», déclare M. Meijaard.

«Il est vraiment important de comprendre que de petits éléments, tels que des forêts protégées et des arbres, dans les plantations de palmiers à huile peuvent stimuler et soutenir la faune.»

Une autre option consiste à créer des corridors fauniques – des étendues d’arbres qui traversent les plantations afin de relier les zones forestières. Les forêts riveraines sont particulièrement importantes à cet égard, dit M. Meijaard.

«Souvent, celles-ci sont défrichées pour l’huile de palme, même si les inondations fréquentes de ces terres entraînent une réduction des rendements en huile de palme. Laisser ces forêts riveraines plutôt que de les convertir a une utilité économique et écologique.»

«Alors, oui, dans un premier temps il faut arrêter la conversion des forêts. Mais si elle a déjà eu lieu, il est vraiment important de développer des éléments naturels dans le paysage, tels que des corridors plantés et des collines protégées», ajoute-t-il.

«La prochaine étape importante consiste à assurer que les espèces protégées, telles que l’orang-outang, ne sont pas tuées. Dans de nombreuses régions de Bornéo, de nombreux pièges ont anéantit de vastes populations d’animaux sauvages. Ces pratiques doivent être réglementées et si possible arrêtées».

«Pour réduire de tels impacts, il est nécessaire de sensibiliser le public sur les impacts de la chasse sur les populations d’animaux sauvages et leur bien-être, tout en renforçant l’application de la loi», dit M. Meijaard.

Une question d’emplacement

Un problème connexe est que les propriétaires de concession désirent avoir de grandes zones homogènes où développer les plantations – une approche nuisible à la faune et aux services environnementaux, puisqu’elle ne tient pas compte des variations dans un paysage et des valeurs naturelles.

Toutefois, le problème est moindre si seules les terres déjà dégradées sont utilisées pour l’huile de palme, disent M. Sheil et M. Meijaard. Ils recommandent que les plantations de palmiers à huile soient exclusivement cultivées dans les régions les moins riches en biodiversité.

«Néanmoins, ces zones sont souvent utilisées par des populations locales. Une consultation et une compensation justes et éclairées sont nécessaires pour veiller à ce que les stratégies recommandées n’aggravent pas les conflits communautaires», déclare M. Meijaard.

«Il faut tout rééxaminer pour une concevoir des plantations optimales, et pour élaborer des politiques et des règlements nécessaires pour effectivement assurer leur mise en œuvre», dit M. Meijaard, qui recommande également de meilleures normes de gestion.

«Peu d’entreprises ont vraiment essayé de protéger leur environnement. Ce sont des agriculteurs dans l’âme et même si les cadres supérieurs veulent tenter une approche plus écologique, le personnel ne comprend que les objectifs annuels de plantation.»

La solution peut être de trouver des arguments pour convaincre les entreprises des avantages de la mise en œuvre de pratiques respectueuses de la biodiversité, tels que la réduction des conflits sociaux, la réduction des impacts négatifs sur l’environnement et l’amélioration de l’accès aux clients verts (ce qui est important si les entreprises visent les marchés en Australie, en Europe et aux Etats-Unis).

«Si nous pouvions montrer que cela a des avantages financiers nets pour les entreprises, cela attirerait beaucoup plus d’entreprises», déclare M. Meijaard.

Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Pablo Pacheco sur p.pacheco@cgiar.org et Erik Meijaard à emeijaard@gmail.com.

Cette recherche est menée dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie

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