OSLO, Norvège (15 novembre 2013) – Des efforts pour renforcer le régime foncier dans les pays forestiers tropicaux, qui s’annonçaient prometteurs et qui devaient être soutenus, pourraient avoir besoin de nouvelles ressources et volonté politique, comme le démontrent des cas observés en Tanzanie, au Brésil et en Indonésie.
La sécurité foncière est de plus en plus reconnue comme une condition essentielle pour la REDD+ (Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts), un programme qui consiste à effectuer des paiements afin de récompenser les réductions de la déforestation et ses émissions associées.
La Tanzanie, par exemple, qui a commencé les préparatifs pour la REDD+ en 2008, a mis l’accent sur la Gestion Forestière Participative (GFP) comme base pour la REDD+.
«La Tanzanie a de très bonnes politiques pour la planification participative de l’utilisation des terres», a déclaré Rahima Njaidi de la Fédération des réseaux de conservation des forêts communautaires en Tanzanie (MJUMITA) lors d’un Échange sur la REDD+ à Oslo à l’automne 2013.
«Les règlements au niveau des villages indiquent exactement comment une ressource particulière va être utilisée par une communauté.»
Mme Njaidi a ajouté que les règles locales peuvent être appliquées par les tribunaux de la même manière que le droit national et que les discussions sur la REDD+ ont attiré l’attention sur ces règles.
«La stratégie et les garanties de REDD+ nationales de la Tanzanie essayent d’intégrer l’importance de la planification de l’utilisation des terres», dit-elle.
Le régime foncier est un enjeu crucial pour la REDD+, puisque, si et quand les bailleurs de fonds internationaux sont prêts à payer pour les efforts visant à stocker le carbone dans les forêts, ils doivent être en mesure d’identifier à qui elles appartiennent.
Cette condition a suscité un regain de l’intérêt pour les questions foncières de longue date dans de nombreux pays tropicaux, dont la Tanzanie. Pourtant, le cas de ce pays d’Afrique de l’Est montre qu’une nouvelle impulsion est nécessaire, au-delà du stade de la reconnaissance et des mesures initiales.
«[La Tanzanie] est un pays immense avec plus de 10 000 villages», dit Mme Njaidi. «La planification de l’utilisation des terres est un processus long et coûteux, et de nombreux villages ne l’ont pas encore accomplie.»
Elle ajoute que l’empiètement demeure un problème commun dans le cas des grands projets, avides de terres, tels que les mines.
Des réalisations fragiles
Au cours des dernières décennies, le Brésil est devenu leader mondial dans l’amélioration de la sécurité et de la clarté foncière et profite des bénéfices environnementaux associés.
«La mise en place de territoires autochtones a été essentielle pour la réduction de la déforestation», déclare Adriana Ramos, la secrétaire exécutive adjointe du groupe brésilien de défense des droits locaux Instituto Socioambiental.
«La Constitution indique que la terre est détenue par l’Etat, mais toutes les ressources naturelles sont à l’usage exclusif des populations autochtones.» 40% des forêts du Brésil sont maintenant reconnues en tant que territoire indigène, note Mme Ramos. Mais elle avertit que ces droits fonciers ne concernent pas les ressources souterraines. Sans un plan détaillé du régime foncier pour une utilisation concernant la REDD+, les réalisations récentes demeurent fragiles.
«Le congrès envisage que la législation permette l’exploitation minière dans les territoires indigènes. Néanmoins, nous ne disposons pas encore d’une stratégie de REDD+», dit-elle.
«Nous croyons que si nous permettons à l’exploitation minière d’avoir lieu sans qu’il y ait des règlements en vigueur pour toutes les autres activités, une énorme pression va être mise sur ces paysages.»
D’autres revendications concurrentes, telles que les plans du gouvernement d’attribuer des terres aux descendants d’esclaves, pourraient également compromettre les droits fonciers nouvellement créés – un risque qui commence à décourager certains villageois de prendre les mesures nécessaires pour faire valoir leurs droits, selon Mme Ramos.
«Les droits que nous avons obtenus sont le résultat de la mobilisation. Maintenant nous devons nous regrouper de nouveau afin d’assurer qu’ils soient maintenus», dit-elle.
Mme Ramos a souligné que les autorités nationales doivent rester fermement engagées pour que la réforme foncière obtienne le second souffle nécessaire – d’autant plus que des doutes et des retards se multiplient autour de la REDD+.
William Sunderlin, un scientifique qui étudie plus de 70 villages dans des zones de projets pilote de REDD+ dans le monde entier pour le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), est du même avis.
Le Brésil fait parti des pays où M. Sunderlin a constaté que la prise de conscience et l’engagement des organisations locales sur les problèmes de régime foncier, via la promotion des projets REDD+, ne sont tout simplement pas suffisants.
«De grandes entreprises émettent des revendications sur les forêts locales et les promoteurs qui travaillent au niveau du projet ne disposent pas des moyens et du pouvoir pour diminuer la pression sur les forêts, dont l’origine et la portée vont bien au-delà des limites du projet», dit-il.
Un changement constitutionnel
La recherche de M. Sunderlin montre des situations similaires dans d’autres pays. Néanmoins, parfois un changement s’opère.
«En Indonésie, par exemple, les préparations à la REDD+ ont abouti à une reconnaissance des forêts coutumières des peuples autochtones par la décision de la Cour constitutionnelle en mai 2013», déclare M. Sunderlin.
La Cour a statué que les terres traditionnellement utilisées par les peuples des forêts ne peuvent pas être considérées comme appartenant à l’État.
«Il s’agit d’une décision historique. Toutefois, dans le contexte de la REDD+, elle aura seulement du sens si elle est actualisée – si il ne s’agit pas simplement d’une décision sur le papier, mais si ceci mène effectivement à une situation où ces droits sont en vigueur pour les personnes qui les revendiquent», dit M. Sunderlin.
Sa collègue Anne Larson nomme un autre exemple positif: une initiative, dirigée par la Banque mondiale et soutenant les préparations à la REDD+, vient d’allouer des fonds à un groupe d’organisations autochtones au Pérou pour qui les droits fonciers sont une priorité.
Pourtant, à moins que de tels mouvements forts se généralisent, les chercheurs pensent que les droits fonciers resteront un problème non résolu – bien que clairement identifié par les experts et les groupes communautaires qui préparent des projets REDD+.
Comme l’écrivent Mme Larson et M. Sunderlin dans un article sur le régime foncier et la REDD+: «Les résultats suggèrent que, dans la plupart des cas, la REDD+ a clairement fourni de nouvelles possibilités pour sécuriser les droits fonciers locaux. Toutefois, les interventions au coup par coup des promoteurs de projets au niveau local sont insuffisantes en l’absence de programmes nationaux plus vastes en faveur d’une réforme foncière».
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter William Sunderlin sur w.sunderlin@cgiar.org
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
William Sunderlin a discuté de sa recherche lors de l’événement organisé parallèlement par le CIFOR «Getting REDD+ off the ground: Challenges and opportunities» (Faire démarrer la REDD+ : Défis et opportunités) à l’Université de Varsovie le vendredi 15 novembre.
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