JAKARTA, Indonésie (30 décembre 2013) – Alors que davantage de pays en voie de développement envisagent de faire la transition vers une économie verte – définie comme «à faible émission de carbone, économe en ressources et socialement inclusive» – l’attention se tourne vers la «vraie» valeur des forêts.
Et il est évident qu’elles valent beaucoup plus que le prix du bois.
«L’économie verte consiste à utiliser plus efficacement les ressources», explique Grâce Wong, chercheuse au Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), également membre d’un groupe de travail du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) sur la REDD+ dans une économie verte.
«Il s’agit de comprendre les valeurs réelles des ressources naturelles, de façon ce que la manière dont vous les utilisez et que les décisions politiques que vous faites reflètent toutes ses valeurs», explique Mme Wong, en marge d’un Symposium mondial de l’ONU-REDD qui s’est tenu à Jakarta en juin 2013.
«Refléter la vraie valeur des forêts par une économie verte signifie qu’un décideur compare davantage d’options et pense de façon plus holistique sur les forêts, de sorte que les forêts ne soient pas seulement considérées pour leur bois.»
Pour les services rendus
On estime que les forêts contribuent à hauteur de plus de 400 milliards de dollars à l’économie mondiale, selon les statistiques des Nations Unies. Pourtant, ce chiffre inclut seulement la production et la transformation de bois et de produits ligneux.
«Les forêts sont toujours sous-évaluées car la somme totale de tous les services qu’elles fournissent n’est pas prise en considération», dit Mme Wong.
La liste des services écosystémiques rendus par les forêts est longue et de grande ampleur, telle que documentée dans d’innombrables études. Les forêts fournissent des habitats et de l’eau propre, régulent le climat local et global, absorbent les phénomènes météorologiques, protègent les bassins hydrographiques, les débits d’eau et les sols, stockent le carbone, produisent de l’oxygène et soutiennent la pollinisation et le cycle des nutriments. Elles fournissent également des ressources génétiques pour les cultures et ont des valeurs spirituelles, récréatives et touristiques.
Cependant, malgré l’importance cruciale des services forestiers pour la survie humaine, leur caractère omniprésent et invisible signifie qu’elles ont tendance à être prises pour acquises et perçues comme étant «gratuites», mais plusieurs systèmes comptables donnent une évaluation différente.
Par exemple, lorsque on additionne les coûts économiques des gaz à effet de serre, de la perte en ressources naturelles, de la perte de services basés sur la nature tels que le stockage du carbone, du changement climatique et de la santé liée à la pollution, les 100 externalités environnementales les plus hauts classées globalement coûtent à l’économie mondiale autour de 4,7 trillions de dollars par an, selon un rapport récent de l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB).
Un exemple particulièrement pertinent pour les forêts est l’élevage de bétail en Amérique du Sud, moteur principale de déforestation dans cette région, a dit Pavan Sukhdev, directeur général de GIST Advisory et chef de l’étude TEEB, aux délégués dans son discours lors du Symposium mondial de l’ONU-REDD: l’industrie réalise un chiffre d’affaire annuel d’environ 16,6 milliards de dollars, mais son coût en capital naturel est estimé à 353,8 milliards de dollars.
Compter sur les arbres
En l’absence de marchés formels, les atouts naturels ont tendance à ne pas être intégrés dans la prise de décision. La REDD+ de l’ONU fait figure d’exception: ce mécanisme mondial vise à offrir des récompenses financières aux pays qui réduisent les émissions de carbone causées par la déforestation et la dégradation des forêts. En donnant une valeur commerciale au carbone, la REDD+ crée une valeur pour ce service forestier important qu’est l’atténuation du changement climatique par la séquestration du carbone.
«La REDD+ est un moyen de compenser une partie de la valeur des forêts et pour corriger les défaillances des marchés qui ont conduit à la déforestation», déclare Mme Wong.
«À cet égard, la REDD+ pourrait être un catalyseur pour des décisions plus durables en ce qui concerne les forêts, ce qui s’intègre bien dans l’objectif d’une économie verte.»
Le Kenya est l’un des pays qui évaluent la valeur économique des forêts au-delà du bois, comme en témoigne son «Compte-rendu des ressources forestières du Kenya», rapporté par Samuel Muriithi, chef de la division économie du Service forestier du Kenya, lors du symposium de l’ONU-REDD.
M. Muriithi a donné l’exemple d’une évaluation des services rendus par des zones de bassins versants ayant un couvert forestier dense. Lorsque les services concernant la purification de l’eau et la régulation du climat local, l’approvisionnement en eau, l’érosion, les catastrophes naturelles et les maladies ont été pris en compte, les pertes liées à l’exploitation forestière étaient 2,8 fois plus importantes que les bénéfices.
Le Kenya fait partie du nombre croissant de pays en voie de développement à la fois engagés dans la REDD+ et dans la planification d’une économie verte, comme en témoigne sa stratégie nationale «Vision 2030». Au Vietnam – qui entreprend également des activités REDD+ – la comptabilisation du capital naturel est incorporée dans la planification et à partir de 2014, un PIB vert sera utilisé comme indicateur clé du développement.
Le prix du bien-être
Les avantages sociaux et pour le bien-être des services forestiers pourraient également se voir attribués une valeur économique, a souligné Chris Webb de PricewaterhouseCoopers, une société de services professionnels, lors du symposium de l’ONU-REDD.
M. Webb cite l’agriculture durable – qui évite la déforestation à grande échelle – et suggère que les bénéfices sociaux qui découlent de l’augmentation des rendements ou d’une utilisation plus efficace de l’eau soient quantifiés.
«L’augmentation des rendements pourrait améliorer l’alimentation des communautés locales et des travailleurs, et ainsi améliorer la santé des personnes. Il en résulterait moins de jours d’arrêt maladie, une espérance de vie plus longue, plus de productivité, ce qui représenterait des bénéfices pour l’économie», dit-il.
«Je pense qu’il existe davantage de bénéfices sociaux, économiques et environnementaux que [nous] devons comprendre ensemble, afin que nous puissions vraiment comprendre la valeur d’entreprendre des activités [durables]», affirme-il.
Tout ne peut pas être évalué, ajoute Mme Wong, mais une approche plus holistique révélera ce qui peut l’être.
«Je n’essaierai pas de mettre une valeur en dollar sur les valeurs culturelles, par exemple, mais il existe des efforts visant à intégrer d’autres valeurs sociales, telles que l’équité et l’intégration», dit-elle.
«Par exemple, si vous adoptez une approche inclusive de la manière dont vous envisagez votre utilisation des forêts ou l’extraction de leurs ressources, vous pourrez réduire les conflits potentiels à l’avenir, et donc éviter des coûts élevés d’exploitation et des risques lors de la mise en œuvre. Il s’agit de penser plus largement aux effets d’une décision.»
Pour plus d’informations sur les enjeux abordés dans cet article, veuillez contacter Grâce Wong sur g.wong@cgiar.org.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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