Interview (en anglais) de Louis Verchot
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié son cinquième rapport d’évaluation du climat, qui confirme l’hypothèse selon laquelle les activités humaines sont la principale cause du changement climatique depuis le milieu du 20ème siècle. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les forêts du monde? Le résumé apporte des preuves accablantes pour la poursuite du réchauffement de la planète. Les températures sont susceptibles d’augmenter de 0,3 à 4,8 degrés Celsius (0,5 à 8,6 degrés Fahrenheit) d’ici la fin du 21ème siècle. Le GIEC a utilisé une approche de budget du carbone – qui calcule la quantité de carbone qui peut être émise avant que la limite des 2 degrés Celsius ne soit dépassée – telle que requise par le cadre pour évaluer le niveau d’atténuation. Afin d’atteindre l’objectif des 2 degrés Celsius, les émissions post-industrielles totales de carbone provenant de toutes les sources devraient être limitées à 1000 milliards de tonnes. Environ la moitié du budget a déjà été consommée.
Bien que le rapport affirme clairement que nous ne faisons pas assez pour résoudre le problème du changement climatique, il contient plusieurs leçons pour les intervenants du secteur forestier (dont beaucoup deviendront plus claires quand des sections du rapport seront publiées fin 2013 et début 2014).
Les émissions provenant de l’agriculture et des forêts doivent être réduites
Dans leur ensemble, la foresterie et l’agriculture (principaux moteurs de la déforestation) représentent actuellement environ 30% des émissions mondiales, selon l’Agence américaine pour la protection de l’environnement. Lors des réunions précédentes de l’ONU, il y a eu un effort important pour mettre en place un mécanisme international afin de réduire les émissions issues de la déforestation (REDD+). Néanmoins, bien que ceci soit discuté depuis 2005, les problèmes de vérification des émissions et le manque de financements font que le mécanisme n’est toujours pas entièrement fonctionnel.
Les émissions du secteur agricole n’ont malheureusement pas fait l’objet de ces discussions de hauts niveaux à l’échelle internationale. Le point crucial de ce problème est que de nombreux pays sont réticents à charger le secteur agricole avec de responsabilités environnementales supplémentaires.
Pourtant, il existe un besoin croissant de réduire les émissions issues de ce secteur, alors que le monde se prépare à accueillir et à nourrir 3 milliards de personnes supplémentaires dans les 50 prochaines années.
En novembre, lorsque les représentants des gouvernements se réuniront à Varsovie pour la prochaine réunion de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, deux actions immédiates devront être entreprises par les pays.
Premièrement, ils doivent faire progresser la réduction des émissions issues de la déforestation en surmontant les points finaux de désaccords concernant la vérification et les finances. Deuxièmement, il faut commencer des discussions sur la façon d’intégrer l’agriculture et le changement d’utilisation des terres dans les conventions internationales sur le climat.
Jusqu’à présent, les progrès pour faire avancer le sujet de l’agriculture dans les discussions de la CCNUCC ont été lents, mais nous espérons que le Forum mondial sur les paysages de cette année donnera un nouvel élan pour relever les défis d’atténuation et d’adaptation dans ce secteur.
Qu’en est-il de la récente accalmie de la température de surface?
Tout rapport sur le changement climatique ne peut être exempt de controverse. Certains sceptiques et négationnistes du changement climatique ont suggéré que la science n’a pas réussi à expliquer une récente accalmie dans l’augmentation de la température de surface.
En raison de la variabilité naturelle, les tendances basées sur des données à court terme sont très sensibles aux dates de début et de fin et ne reflètent généralement pas les tendances climatiques à long terme. Par exemple, le taux de réchauffement au cours des 15 dernières années (1998-2012), ayant commencé par un El Niño de forte intensité, est inférieur au taux calculé depuis 1951, selon le rapport du GIEC. Des travaux très récents de Yu Kosaka et Shang Ping Xie du Scripps Institution of Oceanography, qui n’ont pas été inclus dans le rapport du GIEC, ont montré que la tendance plus faible du réchauffement au cours des dernières années est due à un refroidissement dans l’océan Pacifique équatorial, associé à des cycles décennaux de La Niña. Puisque cet élément du système climatique est cyclique, il est raisonnable de s’attendre à ce que la tendance du réchauffement à long terme se poursuivra sans relâche.
Ce nouveau rapport du GIEC montre que c’est une décennie cruciale pour l’action climatique. Au minimum, il devrait donner un nouvel élan à la coopération internationale afin de résoudre les problèmes du changement climatique qui sont déjà sur la table depuis de nombreuses années.
Le CIFOR analysera les sections du rapport du GIEC et leurs implications pour les forêts quand ils seront à la disposition du public vers la fin 2013/le début 2014. Louis Verchot dirige les recherches du CIFOR sur les forêts et l’environnement. Vous pouvez le contacter sur l.verchot@cgiar.org.
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