Des incendies à Sumatra* et ailleurs se déclarent chaque année*, causant souvent des problèmes de fumée dans les pays d’Asie du Sud. Tout le monde semble d’accord sur ce point, et beaucoup se sont demandés au cours des derniers mois et dans différents médias: pourquoi, si ceci est un problème récurrent, n’a-t-il pas été traité de façon plus décisive?
Ou plutôt, il semble que beaucoup aient posé cette question pendant que la fumée était encore en l’air, mais cet intérêt est lourdement retombé avec la fumée. Pour illustrer l’attention des médias grand public sur les incendies récents à Sumatra, nous avons comparé dans le temps le nombre de points chauds avec le nombre d’éléments d’information correspondants. Les points chauds détectés par satellites* au-dessus de Sumatra semblent fournir une représentation précise des incendies sur le terrain*. Nous avons effectué une recherche sur Google pour trouver, à l’échelle mondiale, des articles de presse sur le feu et la fumée à Sumatra et vérifié chaque résultat de recherche manuellement sur sa pertinence. Nous avons ensuite indiqué le nombre de points chauds et des 601 articles de presse entre le 1er juin et le 31 août 2013 (figure 1).
Il existe une correspondance remarquable. Partant d’un niveau très bas, les reportages médiatiques se sont multipliés juste après les incendies, et puis ils ont persisté pendant environ une semaine après que le pic de feux en juin se soit calmé. Ensuite, fin août, les feux sont revenus, tout comme les reportages médiatiques – brièvement.
L’arrivée et la disparition de l’intérêt des médias grand public peuvent être un problème d’au moins deux façons. Tout d’abord, dans un monde de plus en plus connecté en temps réel, les décideurs sont pleinement conscients des crises-de-la-journée qui influencent l’opinion publique, mais leurs engagements peuvent ne pas persister lorsque la situation immédiate est terminée et quand il devient possible de déployer des solutions à long terme. D’ici là, d’autres crises peuvent également être apparues (dans les médias), nécessitant leur pleine, quoique brève, attention.
Deuxièmement, parmi les catastrophes, il existe des tendances claires concernant lesquelles se propagent dans les médias grand public et deviennent par conséquent des préoccupations prioritaires dans le débat publique et mondial. Les priorités semblent être déterminées par les intérêts des médias eux-mêmes et s’appuient sur un sentiment de «valeur de la nouvelle». Cette valeur est au maximum pour les catastrophes humaines et les désastres environnementaux – du moment qu’ils sont tangibles, actuels et fournissent des images pour la vente – comme des images d’enfants étouffant de la fumée. Ajoutez à cela une célébrité telle que Harrison Ford* et l’intérêt augmente encore plus. Parfois, comme lors de la lecture de cet article du New York Times à propos du prochain rapport du GIEC*, on se demande si l’objectif principal est d’assurer une querelle politique continue ou de se concentrer sur les questions qui préoccupent véritablement le monde.
Les enjeux sur le long terme, qui changent lentement, avec des images moins spectaculaires, attirent moins l’intérêt des médias et par conséquent du grand public. Dans une perspective à long terme, la fumée n’est probablement pas le problème le plus important concernant les feux actuels, au-delà de la préoccupation des citadins à Singapour (dont le souci est bien réel en termes de pertes financières et d’impacts sur la santé) et ailleurs. Les contributions au changement climatique et à la perte des écosystèmes que représentent ces feux, pourraient finalement avoir des répercussions bien plus importantes sur le bien-être humain. Mais le CO2 n’est pas visible, contrairement à la fumée, et ne nous étouffent pas. La destruction des écosystèmes n’est pas encore devenue un facteur important lorsque nous achetons de la nourriture dans les supermarchés.
Équilibrer les objectifs à long terme avec les priorités immédiates n’est certainement pas un sujet nouveau. Par exemple, notre économie dans son ensemble cherche constamment à trouver cet équilibre – exprimé en taux d’intérêt. Le nouveau monde connecté nous apport constamment de nouvelles d’information consultables du bout des doigts, ce qui signifie que le présent apparaît plus digne d’intérêt que l’avenir. Une façon d’exprimer ceci est que le taux d’intérêt est à la hausse, de sorte qu’il faut de plus en plus d’efforts pour s’engager avec succès dans notre avenir commun.
Le CIFOR est l’une des nombreuses organisations qui s’engagent à trouver des pistes pour cet avenir commun. Un de nos défis est de communiquer nos résultats et de générer un impact sur le long terme. D’une part, les médias grand public ne fournissent pas une plate-forme cohérente pour cela. D’autre part, les publications scientifiques ne sont certainement pas les émissaires du changement en soi.
Les organismes de recherche, qui ont l’ambition d’avoir un impact, doivent donc compléter leur travail avec leurs propres efforts persistants de communication, en alliant rigueur scientifique et vigilance en temps réel et en ligne.
*Liens non traduits en français
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