Chronique du DG

Feu et fumée à Riau: au-delà des points chauds

La semaine du 28 au 30 août, une équipe du CIFOR s'est rendue à Riau dans le cadre d'une mission de recherche sur les faits, afin de mieux comprendre les enjeux d'un point de vue local et approfondi.
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Figura 1: Análisis con sensores remotos de la Reserva de Biosfera Giam Siak Kecil-Bukit Batu. Los incendios de junio de 2013, mostrados  en color rojo intenso, están localizados dentro de las reservas forestales, plantaciones forestales y zonas de transición. Ver aquí para más detalles.hutan cagar, hutan tanaman dan dalam zona transisi.  Lihat di sini untuk lebih rinci.

Figure 1 : Analyses de télédétection de la réserve de biosphère de Giam Siak Kecil-Bukit Batu, indiquant les feux de juin 2013 en rouge vif, situés à l’intérieur des réserves forestières, des forêts plantées et des zones de transition. Cliquez ici pour plus de détails.

En lisant cet article de blog, vous êtes probablement déjà au courant des incendies de la province de Riau à Sumatra qui ont causé des problèmes de fumée aussi loin que Singapour et Kuala Lumpur. Vous êtes sans doute conscient du fait que ces feux indiquent des taux élevés de déforestation et des émissions élevées de CO2 provenant des tourbières. Mais vous partagez probablement aussi mon inquiétude au sujet du manque d’information et vous aimeriez en savoir plus.

La semaine du 28 au 30 août, une équipe du CIFOR s’est rendue à Riau dans le cadre d’une mission de recherche sur les faits, afin de mieux comprendre les enjeux d’un point de vue local et approfondi. Nous voulions également identifier des thèmes de recherche prioritaires relatifs à la gouvernance, aux moyens de subsistance, à l’environnement et à l’économie du paysage de Riau.

Nous avons décidé que la réserve de biosphère de Giam Siak Kecil-Bukit Batu* serait un paysage à examiner de plus près. La zone a été reconnue en réserve de biosphère par l’UNESCO* en 2009 et s’étend sur 700 000 ha – près de 10% de la province de Riau – dans une zone dominée par des tourbières.

En outre, elle contient toute la gamme des utilisations des terres qui nous intéresse: des réserves de forêts vierges, des forêts plantées par des entreprises, des grandes étendues de plantations de palmiers à huile, ainsi que des terres gérées par des communautés et acteurs locaux. La figure 1 montre également que la plupart des feux de 2013 sont survenus au sein de cette réserve.

Ce paysage a été soumis à de nombreux changements importants d’utilisation des terres, tels que décrit dans cette évaluation de 2003*. Il ne reste qu’une fraction de la forêt naturelle, autrefois dominante. Les conversions que nous observons aujourd’hui ne sont pas un phénomène nouveau – le développement de l’agriculture et de la foresterie commerciales a fait partie de la politique et de la pratique depuis des décennies, ce qui est un contexte important à savoir.

Alors, que pouvons-nous dire sur les événements récents dans ce paysage ?

Avant notre visite sur le terrain, le CIFOR a analysé les événements de l’incendie en détail* à l’aide de la télédétection et des données cartographiques. Grâce à l’imagerie de haute résolution, avec une indication des points chauds (hotspots), nous avons pu confirmer les cicatrices provoquées par le feu dans le paysage. Notre conclusion préliminaire était que les incendies avaient principalement eu lieu dans des zones montrant des caractéristiques de gestion de plantations. Nous avons également conclu que la plupart des incendies s’étaient produits en dehors des concessions d’entreprises, avec environ un quart à l’intérieur de celles-ci. Nous avons identifié 140 000 ha de surface brûlée au sein des 3,5 millions ha étudiés, ce qui correspond à 40% de la province de Riau. Une grande partie (3%) de la réserve de biosphère de Giam Siak Kecil-Bukit Batu a montré des cicatrices suite aux feux.

La télédétection ne nous renseigne évidemment pas sur les raisons et les objectifs sous-jacents de ces feux, et ne fournit pas non plus d’informations détaillées sur les moyens de subsistance, la gouvernance, les conflits ou l’impact environnemental.

Cependant, notre visite sur le terrain nous a aidés à mieux comprendre ces enjeux et à trouver des sujets pour de futures recherches.

En survolant le paysage de Riau (figure 2), nous avons pu constater que les indications des feux par la télédétection étaient exactes. Nous avons également observé que les incendies semblaient être exclusivement causés par des pratiques agricoles, principalement la conversion des forêts en plantations de palmiers à huile. Nous avons vu quelques cas où des plantations existantes et des forêts plantées avaient été endommagées par les incendies, mais cela semblait être des exceptions, probablement non-intentionnelles. Nous avons observé des incendies dans les concessions et à l’intérieur des réserves forestières, ainsi qu’à l’extérieur des terres désignées par le gouvernement fédéral. Les informations provenant des acteurs locaux et des professionnels ont confirmé ces tendances générales.

Une de nos conclusions préliminaires est que l’on ne peut pas présumer que les terres à l’intérieur des limites d’une concession soient entièrement contrôlées par l’entreprise en question. Au sein de ces grandes zones, jusqu’à un quart est géré par les acteurs locaux selon les témoignages. Il existe des tensions entre d’une part les allocations à grande échelle établies de manière descendante (top-down) et la gestion des plantations sur ces terres, et d’autre part les revendications sur ces mêmes terres par rapport aux pratiques agricoles et coutumes locales. La situation juridique n’est donc pas tout à fait claire, et les incendies ou les conversions de terres à l’intérieur des concessions peuvent être liés à ces questions de gouvernance. Par conséquent, il faut être prudent avant de conclure que les sociétés seraient à l’origine des feux sur leurs terres, en se basant uniquement sur une télédétection superposée sur des cartes générales des concessions. Cela dit, il faut également éviter de tirer des conclusions au sujet des responsables de ces feux, étant donné qu’il existe une législation claire définissant les obligations des concessionnaires.

Figura 2: Incendios en bosques (imágenes superiores), cicatrices de incendios que se extienden hasta las plantaciones forestales (imagen inferior izquierda), plantaciones de palma aceitera recientemente establecidas (imagen inferior izquierda). Reserva de Biosfera Giam Siak Kecil-Bukit Batu, 29 de agosto de 2013.

Figure 2 : Le feu dans les forêts (images du haut), une cicatrice causée par le feu qui s’étend dans une forêt plantée (en bas à gauche), des palmiers à huile nouvellement plantés (en bas à droite). Réserve de biosphère Giam Siak Kecil-Bukit Batu, le 29 août 2013.

Autre observation : les investissements dans la plantation de palmiers à huile sont suffisamment rentables pour attirer les capitaux en grandes quantités, provoquant les nombreuses conversions de terres que nous avons pu observer. En fait, nous n’avons pas observé ou entendu parler d’autres motifs de conversion des terres que celle de production d’huile de palme. Les principales sources de capitaux et le schéma des investissements semblent avoir changé en faveur des entrepreneurs, qui ne sont ni des grandes entreprises ni des «petits exploitants» locaux, comme cela a également été observé par le Centre mondial de l’agroforesterie*. De toute évidence, nous n’avons pas une image complète de ces tendances d’investissement – qui sont derrière elles, dans quelle mesure les investissements sont-ils légitimes, comment impactent-ils les acteurs locaux et l’environnement – ou de la façon dont les chaînes de valeur de l’huile de palme fonctionnent par rapport aux lois sur des questions telles que l’utilisation des terres et la corruption.

Que faire de ces informations? Le CIFOR s’engage avec des partenaires à faire davantage de recherches approfondies sur le paysage de Riau, y compris au sujet des enjeux de gouvernance et des moyens de subsistance. Le défi qui nous est posé est que la durée d’attention portée aux enjeux de la gestion des terres est très courte au niveau politique. Nous espérons que notre contribution permettra à la fois d’enrichir la compréhension et d’aider à maintenir l’intérêt d’un dialogue politique, intégrant les enjeux de l’ensemble du paysage et de tous ses secteurs.

Ceci est précisément en lien avec les ambitions du Forum mondial des paysages*, pour lequel l’exemple de la foresterie et de l’agriculture à Riau est particulièrement pertinent. Ce débat sera certainement un élément central à Varsovie du 16 au 17 novembre.

*Liens non traduits en français

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