SAN JOSE, Costa Rica (août 2013) – La migration des populations rurales vers les villes de l’Amazonie brésilienne n’aboutit souvent pas à la réduction espérée de la pauvreté ou à la conservation de la biodiversité, selon un professeur du Centre pour l’environnement de l’Université de Lancaster*.
Les habitants des zones rurales quittent souvent la forêt et migrent vers les villes dans l’espoir d’obtenir une amélioration des revenus, a expliqué Luke Parry lors de la réunion de l’Association de la Biologie et Conservation Tropicale* (ATBC) de cette année à San José, Costa Rica.
L’exode rural pourrait être considéré comme bénéfique pour la biodiversité, vu que les zones forestières défrichées pour l’agriculture pourraient diminuer et il existerait moins de pression sur la faune sauvage. Toutefois, selon M. Parry, les liens positifs avec la migration ne sont pas si simples. Des scénarios gagnant-gagnant ne seront pas atteints facilement, du moins dans l’Amazonie brésilienne.
«Les ménages ruraux ayant migré vers les villes ne sont pas mieux lotis. La plupart des migrants sont toujours pauvres et sans éducation – et ils consomment toujours, même beaucoup, la faune sauvage», dit M. Parry.
En se basant sur des recherches menées pour évaluer l’impact de la migration rurale vers les zones urbaines dans deux petites villes proche de la rivière Madeira* en Amazonie brésilienne, M. Parry a pu déterminer que les migrants ayant quitté leurs maisons rurales à la recherche de meilleures opportunités de travail n’avaient toujours pas accès à de bons emplois urbains et ont largement échoué à échapper à la pauvreté.
L’amélioration de l’accès à l’éducation a été identifiée par M. Parry comme l’un des principaux moteurs de la migration vers les zones urbaines.
«Ils partent à la recherche d’opportunités d’éducation», dit M. Parry. «Les migrants estiment qu’une meilleure éducation ouvrira des portes vers des opportunités économiques et un meilleur bien-être. Au lieu de cela, même si l’accès aux services d’éducation est possible, les revenus sont restés bas pour les migrants ruraux en milieu urbain.»
L’exode des populations rurales n’a pas non plus conduit à des améliorations en termes de biodiversité: pratiquement tous les ménages urbains de l’enquête de M. Parry ont consommé de la faune sauvage, telle que du poisson, de la viande de brousse, des tortues et des caïmans.
Cette consommation comprenait des espèces menacées. En conséquence, le prélèvement d’espèces sauvages n’a pas diminué comme il s’y attendait. Bien au contraire, les migrants ne perdent pas leur goût pour les viandes sauvages quand ils commencent leur nouvelle vie dans les zones urbaines et la demande urbaine en viande de brousse augmente la pression sur la faune sauvage dans les zones rurales.
«Le sauvage s’est fait urbaniser. Cela met en évidence une crise potentielle de la viande sauvage ou peut alors renforcer la conservation et l’exploitation durable de la viande de brousse en Amazonie.»
Néanmoins, les conclusions de M. Parry ne sont pas définitives. Les recherches menées par Nathalie Van Vliet, qui était également présente lors de la réunion, ont aboutit à des résultats contraires dans l’Amazonie colombienne et brésilienne: quand les personnes déménagent dans les villes, malgré leur préférence pour la viande de brousse, elles abandonnent la consommation de viande de brousse et la remplacent par du poulet, des œufs et d’autres viandes transformées pas chères.
Les résultats de M. Parry montrent que, même si toutes les populations urbaines amazoniennes ne se détournent pas des aliments traditionnels, elles font l’expérience de la même transition nutritionnelle identifiée par Mme Van Vliet. La forme de protéines animales la plus fréquemment consommée est le poulet et le poisson, dit-il.
L’étude de M. Parry, qui portait sur la consommation (oui ou non) des différentes espèces durant les 12 derniers mois, a identifié la pauvreté comme facteur très important de la chasse et de la pêche. Cependant, alors que les migrants pauvres ont récolté des primates menacés d’extinction, des oiseaux et des espèces de poissons vulnérables, voire tabous, les non-migrants plus riches ont acheté des poissons et des tortues menacés.
Les impacts négatifs de l’exode rural des agriculteurs ont également été documentés par des cas au Pérou et au Mexique.
Une étude* du CIFOR a lié l’abandon des zones rurales à des incendies plus fréquents et plus intenses dans l’Amazonie péruvienne (Uriarte et al. 2012). En outre, des recherches* menées au Mexique par James Robson et Fikret Berkes ont indiqué que la migration a contribué à la disparition des pratiques traditionnelles de gestion, qui à son tour a conduit à un déclin de la biodiversité.
Selon M. Parry, tout pointe vers « une tempête totale: les niveaux de pauvreté sont élevés, de grandes étendues de forêts qui ont été abandonnées sont maintenant ouvertes à la poursuite de la déforestation et il existe une demande croissante pour la viande sauvage afin d’alimenter les populations urbaines en augmentation».
Pour plus d’informations sur les sujets abordés dans cet article, veuillez contacter Nathalie Van Vliet à vanvlietnathalie@yahoo.com ou Miguel Pinedo-Vasquez à m.pinedo-vasquez@cgiar.org
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
*Liens non traduits en français
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