L’application du programme de l’ONU visant à réduire la perte de forêts en République Démocratique du Congo sera difficile, selon une nouvelle étude, à moins que le gouvernement ne s’occupe de la corruption, du manque d’autorité de l’état dans certaines régions et des combats sporadiques entre les rebelles et les forces du gouvernement à l’Est du pays.
Malgré ces défis, les auteurs estiment que le programme pourrait en réalité améliorer la gouvernance dans le pays.
Le rapport, Le contexte de la REDD+ en RDC: causes, agents et institutions, qui sera lancé lors de la conférence sur la foresterie à Yaoundé, au Cameroun cette semaine, inclus un examen approfondis des conditions de gouvernance, socio-économiques et environnementales dans les pays d’Afrique Centrale.
La recherche du CIFOR – menée avec l’organisation non-gouvernementale locale Conseil pour la défense environnementale par la légalité et la traçabilité (CODELT) – comporte également des études comparatives menées dans d’autres pays tropicaux, les recherches existantes sur la foresterie* et l’industrie extractive en RDC, des interviews et des observations collectées dans le pays en 2011 et 2012.
Vingt ans après que le pays ait connu une succession de guerres, la RDC a franchi un pas important vers la reconstruction des institutions et le maintien de la stabilité. Les organisations demeurent cependant prudentes: l’année dernière, le haut représentant de l’Union Européenne a qualifié le pays de “fragile”*.
Derrière ce contexte de prudence, on peut espérer que la protection des forêts du Congo attire des aides financières du programme de Réduction des émissions liées au déboisement et à la dégradation des forêts (REDD+), qui prévoit le transfert de fonds des pays développés vers les pays en développement pour maintenir leurs arbres debout.
Les auteurs pensent que la REDD+ à elle seule a le potentiel de déclencher des changements politiques et des réformes en RDC.
“REDD+ devrait amorcer un remodelage cohérent des principes, normes et stratégies d’utilisation de la terre, des forêts, des mines, de l’agriculture et des infrastructures de développement en RDC. Cela devrait la voie vers des pratiques qui pourraient devenir de plus en plus compatibles avec le besoin de lutter contre le changement climatique”, selon Samuel Assembe, chercheur post-doctorant du CIFOR et co-auteur du rapport.
De plus, il semble que la REDD+ ait permis à de nombreux nouveaux acteurs de la société civile de s’impliquer*, et ait vu l’émergence de nouvelles coalitions politiques*, selon les auteurs.
Mais l’étude annonce franchement les défis. “Avec la situation actuelle en RDC, il semble difficile voire quasi-impossible d’appliquer la REDD+ sur le terrain”, d’après Assembe.
Le rapport souligne les défauts de l’administration congolaise, menant à “l’absence virtuelle d’autorité de l’état dans certaines régions” et le manque de ressources et de moyens de gérer les programmes REDD+. Le conflit chronique qui a surgi dans la partie Est du pays il y a un an n’est qu’une des difficultés.
“Le mécontentement populaire contre le régime politique établi et ses actions crée un risque d’accélération de l’exclusion sociale, qui ne manquera pas d’affecter la REDD+”, dit Assembe.
Bien que la RDC possède la seconde plus grande zone de forêt tropicale au monde* après le Brésil, le manque de développement des infrastructures, d’investissement et de croissance démographique au lors des guerres successives* depuis le milieu des années 1990 a réduit la pression sur l’environnement. Pourtant une exploitation informelle – parfois criminelle – des ressources forestières s’est développée dans le même temps. De plus, les chercheurs ont découvert que jusqu’à présent la plupart des progrès ont été confinés à la capitale Kinshasa, avec quelques liens vers les communautés locales.
Les progrès doivent commencer quelque part, et pour cela les ONG et les ministères de Kinshasa ont pu servir de tremplin pour développer le processus REDD+, explique Assembe, même si cela requiert une expertise technique importante.
“La surveillance des forêts et de leur évolution est un domaine dans lequel la RDC a besoin d’accroître ses capacités. De la génération de données satellites à la formation de scientifiques pour les analyses, on pourrait faire beaucoup plus pour aider à garder une trace de la déforestation”, selon Assembe.
Des signes montrent qu’une telle expertise n’est peut-être pas loin. Un projet mis en place par le CIFOR et de nombreux partenaires institutionnels en RD est en train de former la prochaine génération de chercheurs forestiers congolais. Le projet REFORCO (Recherche forestière au Congo), fondé par l’Union européenne, finance la formation locale d’étudiants en Master et Doctorat de foresterie. Plusieurs douzaines d’étudiants ont récemment été diplômés.
Même avec l’arrivée de nouvelles idées et expertises, il faut une volonté politique. Selon Augustin Mpoyi, le directeur exécutif de CODELT et co-auteur de l’étude, les problèmes de la RDC sont surmontables, mais cela pourrait prendre des années avant que le pays soit capable de mettre en place des programmes REDD+ efficaces et transparents.
“Les mentalités doivent changer”, dit Mpoyi, “et nos leaders politiques doivent comprendre qu’une meilleure gouvernance bénéficierait à tout le monde”.
Pour plus d’informations sur les questions discutées dans cet article, veuillez contacter Samuel Assembe, chercheur post-doctorant du programme du CIFOR Global Comparative Study on REDD+ sur a.assembe@cgiar.org.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie avec le soutien du Ministère international du développent (DFID), AusAid, l’Agence norvégienne pour le développement de la coopération (NORAD) et l’Union Européenne.
*Liens non traduits en français
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