La semaine dernière, le Groupe d’experts de haut niveau de l’ONU sur le Programme du développement post 2015 s’est réuni à Bali, en Indonésie. L’engagement politique de la conférence Rio + 20 de l’année dernière concernant un accord sur un ensemble d’objectifs pour l’après 2015 reste fort. Ces Objectifs du Développement Durable (ODD) portent sur les grands défis de l’éradication de la pauvreté, la protection de l’environnement et la consommation et la production durables.
Parallèlement, il y a une avalanche d’idées sur ce que devraient être les objectifs et comment doivent être mesurés les progrès. Souvent ces propositions proviennent d’organisations qui mettent en avant les sujets qu’elles sont chargées de traiter. Ceci peut rendre le maintien d’une vue d’ensemble sur ce que nous aimerions vraiment réaliser dans l’avenir difficile.
Malgré le risque d’ajouter à la confusion, j’apporte ici quelques réflexions sur une configuration possible des ODD, y compris un objectif sur les paysages. Bien que le domaine des paysages soit de toute évidence proche du mandat du CIFOR et du GCRAI, l’ambition de ce blog est de fournir quelques idées sur la façon d’élargir la perspective des ODD.
Il convient de rappeler que le processus de développement des ODD a déjà été beaucoup plus ambitieux qu’il ne l’a été pour les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qu’ils sont censés remplacer. Les OMD n’ont pas été précisés dans la Déclaration du Millénaire en 2000 – les objectifs, les cibles et les indicateurs ont été préparés par la suite, sur la base d’un accord général. Bien que le Sommet mondial de 2005 ait reconnu les OMD, c’était en tant qu’un ensemble d’une gamme plus large d’objectifs internationaux de développement. Ce n’est qu’en 2010 que l’Assemblée générale des Nations Unies a établi plus fermement l’engagement à réaliser les OMD. En revanche, les objectifs et les cibles des ODD sont conçus pour être définis au préalable, d’où l’attention actuelle qui a été portée sur le processus de négociation.
En outre, les ODD devraient être moins orientés vers l’Aide Publique au Développement (APD). En comparaison, l’un des OMD (numéro 8 – « Mettre en place un partenariat pour le développement ») a été consacré à l’APD. Avec une approche plus générale au développement, les ODD peuvent être plus inclusifs vis-à-vis du potentiel d’investissement beaucoup plus important du secteur privé, ainsi que du secteur public au-delà de l’APD.
Finalement, les OMD ont été construits d’une manière qui ne favorise pas toujours les contributions transversales. Les forêts et la foresterie ont, par exemple, été placées sous l’objectif de l’environnement, dans le cadre de l’objectif visant à inverser la perte des ressources environnementales et avec le seul indicateur « Proportion de la superficie couverte par la forêt ». Évidemment, cela ne reflète pas les contributions plus larges des forêts et de la foresterie au développement, y compris la pauvreté, la sécurité alimentaire, les paysages résilients et la croissance verte. Au lieu de ceci, cela peut avoir renforcé l’idée que les forêts se limiteraient à la protection de l’environnement.
Avec ce contexte à l’esprit, je voudrais maintenant proposer quelques réflexions sur la configuration des ODD et la façon dont un objectif sur les paysages pourrait être défini.
Cinq est un bon chiffre pour les ODD
– Définir les ODD et les buts globaux connexes dans un contexte de priorités nationales et locales est difficile, car de nombreux intérêts particuliers promeuvent leurs propres agendas. Les institutions / politiques des pays développés prônent, par exemple, souvent la dimension environnementale du développement durable.
– Des buts / objectifs / paramètres simplifiés, compréhensibles, intégrés et mesurables sont nécessaires.
- Le cadre des OMD ne fournit pas un point de départ convaincant.
- Il ne devrait pas y avoir plus de quatre à six ODD.
– Un leadership politique est nécessaire pour couper à travers des secteurs / intérêts particuliers et pour aller au-delà des OMD.
- Il faut considérer surtout les situations des pays en voie de développement / émergents où le lien entre le développement social, économique et environnemental est évident et crucial.
– Les économies rurales, comprenant l’agriculture, la sylviculture et la pêche, ont souvent été sous-représentées dans les cadres de développement tels que les OMD. Pourtant, elles représentent certains des plus grands enjeux et potentialités pour toutes les dimensions du développement durable dans toutes les régions.
– En gardant cela à l’esprit, les ODD pourraient être composés comme suit :
- Les paysages durables (agriculture, foresterie, pêche, nourriture, biodiversité, eau, climat)
- La protection sociale (services de santé, état de droit, soulagement de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté extrême)
- La croissance verte et équitable (tous les secteurs économiques, y compris les finances, les émissions de gaz à effet de serre)
- L’infrastructure pour tous (énergie, routes, Internet, marchés, eau salubre et assainissement)
- L’égalité des chances (genre, éducation, emploi, droits de l’homme).
– Chaque objectif pourrait avoir son propre modèle de développement, tout en permettant certains chevauchements entre les objectifs.
– Chaque objectif pourrait avoir un ensemble de trois à cinq cibles, avec une mesure par cible.
– La mise en œuvre des objectifs par le biais des cibles, des indicateurs, de la planification et des investissements devrait être adaptable du niveau mondial aux niveaux locaux et devrait être mesurable à tous les niveaux et échelles.
Un objectif sur les paysages durables
– Nous avons besoin d’un nouveau modèle pour le développement et pour l’environnement qui contrecarre les blocages actuels entre l’agriculture, la foresterie, la pêche et la conservation.
– Bien que la notion de paysage ne soit pas nouvelle, elle peut être redéfinie pour :
- S’intégrer en tant qu’un des objectifs des ODD.
- Se relier à des objectifs de développement plus larges tels que la pauvreté, la sécurité alimentaire, le changement climatique, la croissance verte, les droits, la gouvernance et le genre.
- Permettre des mesures claires et compréhensibles du progrès :
- Des objectifs génériques liés aux paysages, applicables partout.
- Peu de mesures évolutives par rapport aux objectifs.
- Trouver des meilleures solutions au-delà des méthodes économiques -néoclassiques.
- Faciliter les arrangements et planifications en donnant la priorité aux objectifs et aux parties prenantes multiples.
– Avec un tel modèle, nous pourrions également :
- Attirer les investissements privés à grande échelle (avec une certaine gestion du risque financée par les fonds publics).
- Avancer les processus de droits d’utilisation des terres et des ressources.
- Stimuler les marchés de la bio-économie.
– Certaines des conditions requises sont :
- L’application du leadership politique pour couper court aux blocages à tous les niveaux
- Connecter, par exemple, la foresterie et l’agriculture dans les négociations annuelles de la CCNUCC (ne manquez pas le Forum mondial sur les paysages, Global Landscapes Forum, à la COP19 à Varsovie).
L’investissement dans la recherche transversale à long terme, afin de soutenir les politiques fondées sur les preuves.
– Quatre objectifs paysagers proposés avec des mesures de performance sont présentés dans la figure ci-dessus.
- Les mesures de performance sont applicables partout et à toutes les échelles, y compris l’échelle mondiale.
- Si tous les quatre sont stables ou en amélioration, nous pouvons dire que nous avons un paysage durable qui contribue aux objectifs de développement.
- Ces quatre objectifs et mesures de performance peuvent également être utilisés pour définir des cibles, telles que :
Cible 1: Sources de revenus : Doublement des revenus des agriculteurs d’ici [année].
Cible 2 : Services écosystémiques : Augmentation de la biomasse dans le paysage de [nombre] pentagrammes (Pg) de carbone d’ici [année].
Cible 3 : Produits : Augmentation de l’offre en produits et marchandises de base de [nombre] % d´ici [année].
Cible 4 : Efficacité des ressources : Réduction des GES issus des activités paysagères de [nombre] Pg/year d’ici [année].
Il s’agit bien sûr seulement d’une contribution à la discussion, il y a de nombreux points qui ont besoin d’être consolidés. Le CIFOR et ses partenaires travaillent actuellement sur des approches paysagères comme moyen de trouver de meilleures solutions pour les secteurs terrestres, en travaillant au-delà des frontières de l’agriculture et de la foresterie. Penser aux paysages dans le contexte des ODD nous parait donc naturel.
Je me réjouis d’avance de la poursuite du dialogue !
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