BOGOR, Indonésie (28 Janvier 2013) _ Une nouvelle étude renforce le soutien pour la physique derrière une théorie controversée qui dit que les forêts jouent un rôle important dans la détermination des pluies, en créant des vents atmosphériques qui pompent de l’humidité à travers des continents.
Le modèle pourrait révolutionner la façon dont nous comprenons les climats locaux et leur vulnérabilité, avec un grand nombre d’implications majeures. Il suggère, par exemple, qu’en reboisant stratégiquement des forêts nous pourrions attirer la pluie dans des régions désertiques et arides tel que le Sahel africain, où la sécheresse a ravagé les cultures pendant des années et provoqué la famine.
De même, la perte significative de forêts pourrait transformer des régions tropicales luxuriantes dans des paysages arides.
« Cette théorie nous fournit encore une autre raison pour protéger et conserver le couvert forestier », a déclaré Douglas Sheil, co-auteur de l’article publié dans Atmospheric Chemistry and Physics et associé chevronné au Centre de la Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
« Traditionnellement, les gens ont dit que les zones tels que le Congo et l’Amazone ont de fortes précipitations, car elles sont situées dans des régions du monde qui subissent de fortes précipitations », a t-il dit.
« Mais nous proposons le contraire : les forêts provoquent les précipitations et si elles n’étaient pas là, l’intérieur de ces zones continentales serait couvert de déserts. »
Les scientifiques Anastassia Makarieva et Victor Gorshkov ont publié en premier un document en 2006 décrivant le modèle disant que les forêts, en créant une pression atmosphérique faible, déplacent l’air humide à l´intérieur des terres et aident à générer des précipitations.
M. Sheil et son co-auteur Daniel Murdiyarso ont examiné l’importance du concept dans un article (en anglais) paru en 2009 dans la revue Bioscience. Le nouveau document, dans lequel Mme Makarieva, M. Gorshkov, M. Sheil et d’autres collaborent pour démontrer la physique détaillée derrière l’hypothèse de la « pompe biotique », va plus loin en mettant l’accent sur la physique qui explique la façon dont l’évaporation et la condensation génèrent des différences de pression atmosphérique.
Le modèle explique pourquoi l’air se lève sur les zones où l’évaporation est plus intense, telles que les forêts. La basse pression qui en résulte aspire de l’air humide supplémentaire, ce qui conduit à un transfert de vapeur d’eau qui tombe en suite sous forme de pluie dans les zones ayant la plus haute évaporation.
Le modèle de « pompe biotique » :
(a) Sous plein soleil, les forêts maintiennent une évaporation plus élevée que les océans et aspirent donc l’air océanique humide. (b) Dans les déserts, l’évaporation est faible et l’air est aspiré vers les océans. (c) Sous les climats saisonniers, l’énergie solaire peut être insuffisante pour maintenir l’évaporation des forêts à des taux plus élevés que ceux des océans au cours d’une saison sèche d’hiver, et les océans aspirent l’air de la terre. Cependant, en été des taux élevés d’évaporation des forêts sont rétablis (comme dans l’illustration a). (d) Avec la disparition des forêts, l’évaporation nette sur les terres baisse et peut être insuffisante pour contrebalancer celle sur l’océan : l’air s’écoule vers la mer, la terre devient aride et incapable de maintenir les forêts. (e) Sur les continents humides, le couvert forestier continu maintient une forte évaporation et permet à de grandes quantités d’air humide d’être aspirées de la côte.
Parce que le modèle est contraire aux modèles climatiques existants, les auteurs ont été confrontés à des obstacles pour obtenir le soutien de collègues sur le terrain ou à trouver un éditeur.
« Il est difficile de convaincre les gens qu’une idée radicale qui repose sur des principes physiques simples comme celle-ci aurait pu échapper si longtemps », a dit M. Sheil.
« Les gens sont certains qu’elle est inexacte et ne veulent pas perdre de temps à y réfléchir. »
« Le défi est de survivre à cette période initiale d’hostilité – quand vous êtes un extraterrestre et la communauté tout entière est contre vous, parce que vous voulez qu’ils renoncent tous à un concept important auquel ils croient », ont dit Mme Makarieva et M. Gorshkov.
« Mais grâce à nos amis et co-auteurs nous sentons que nous ne sommes plus seuls dans ce combat. »
« Cet article essaye vraiment d´apporter à la physique l’attention officielle des scientifiques spécialistes du climat », a expliqué M. Sheil.
« Nous leur demandons de prouver que cette théorie n´est pas vraie et à ce jour personne n’a été en mesure de le faire. »
Les éditeurs de Atmospheric Chemistry and Physics ont décidé de publier l’article avec un commentaire explicatif inhabituel sur son aspect « controversé ». Un vigoureux débat a eu lieu entre les références, les auteurs et autres, tous ceci est disponible en ligne (en anglais).
Cette théorie nous fournit encore une autre raison pour protéger et conserver le couvert forestier
En expliquant leur décision de publier, les éditeurs de la revue et le comité exécutif ont dit qu’ils n’étaient pas convaincus que l´article était faux.
« Après une délibération très longue … l’éditeur a conclu que le manuscrit devrait toujours être publié … afin de promouvoir la poursuite du dialogue scientifique sur la théorie controversée », a déclaré la note de l’éditeur.
Si la théorie gagne plus de traction et de soutien scientifique, elle pourrait avoir des implications politiques importantes, a ajouté M. Sheil.
« Une fois que vous acceptiez cette idée que le couvert forestier détermine la pluviosité, il y aurait une énorme quantité de politiques qui doivent être créées afin de reconnaître cette valeur », a t-il dit.
« Cela ouvre également la voie à beaucoup de possibilités pour améliorer les précipitations dans des zones arides à travers du reboisement. Mais nous aurions besoin d’investir beaucoup plus d’efforts dans la recherche pour voir l’ampleur potentielle de cet impact. »
Pour Mme Makarieva et M. Gorshkov, la leçon de leur recherche pour la politique forestière est claire.
« Un décideur politique doit réagir rapidement à cette nouvelle connaissance… Vous gérez l’un des cœurs de la planète qui fait circuler quelque chose qui est impérativement nécessaire : de l’eau. »
« Si nous considérons un décideur idéal de politique forestière, un soignant clairvoyant pour le bien-être, le message est assez clair : passez votre vie à travailler pour arrêter complètement la déforestation. Commencer à rétablir ce qui peut encore être rétabli. »
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