Chronique du DG

La gestion durable des forêts à la suédoise

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Le « modèle suédois » de gestion durable des forêts pourrait-il être une partie de la solution dans d’autres régions du monde ? C’est la question finale qui est posée dans le film ci-dessus, qui a été présenté pour la première fois par la Suède au Sommet de Rio+20, en juin dernier.

L’histoire des forêts suédoises couvre un siècle d’élaboration de politiques, d’objectifs de gestion forestière multiples et changeants et de points de vue des parties prenantes. C’est certainement une histoire qu’il vaut la peine de raconter. Je reconnais aussi mes propres racines (les forestiers suédois grandissent avec certaines idées sur la manière dont les forêts devraient être gérées). À ce stade, toutefois, je souhaite partager certaines réflexions concernant les messages contenus dans cette vidéo, car je m’occupe des questions forestières internationales depuis bien plus longtemps que des questions propres à la Suède.

Tout d’abord, j’apprécie l’idée-force et le message clé concernant les objectifs multiples en sylviculture. Les quatre premières minutes sont en effet entièrement consacrées à l’augmentation de la production de bois grâce à la restauration des paysages forestiers dégradés et au renforcement de la gestion des forêts. Mais ces 20 dernières années, suite à une poussée du mouvement écologiste, une nouvelle politique et législation forestière a été élaborée (la loi forestière de 1993) afin que l’environnement et la production forestière deviennent des objectifs égaux. La seconde partie du film présente d’autres objectifs (des loisirs aux produits non ligneux, en passant par les possibilités offertes par la sylviculture en matière de bioéconomie).

Pour un public international, j’insisterais probablement encore plus sur les objectifs multiples. On a l’impression que la sylviculture en Suède consiste en deux choses précisément : maximiser la production de bois durable et commercial, et maximiser la biodiversité forestière. Le débat public est devenu quelque peu polarisé et d’autres objectifs (en particulier socioéconomiques) sont devenus moins visibles. Un rapport rédigé par une grande ONG suédoise affirme que le modèle suédois a provoqué une perte considérable de la biodiversité, en s’appuyant sur de nombreux graphiques. Mais ce rapport est également une illustration de ce débat polarisé car il ne fait aucune référence aux objectifs forestiers autres que la production de bois et la conservation de la biodiversité.

Ma seconde réflexion concerne le contexte plus large du développement et des populations qui dépendent des forêts et des terres. Il y a cent ans, le tableau était non seulement celui d’un paysage forestier dégradé, mais aussi celui de fermiers pauvres et de travailleurs forestiers cherchant à vivre de la terre. L’histoire réussie de l’augmentation des ressources forestières est également l’histoire d’une population rurale devant migrer pour trouver de meilleures conditions en ville ou à l’étranger.

C’est ainsi que la plupart des 300 000 petits exploitants forestiers suédois vivent loin de leur forêt et n’en dépendent pas beaucoup d’un point de vue économique. Ces transitions semblent être courantes dans certaines économies émergentes, et peuvent jouer un rôle important dans la compréhension moderne de la sylviculture et du développement agricole.

Comme je l’ai déjà dit, le film passe un certain temps à illustrer le conflit entre la sylviculture commerciale et la conservation de la nature. La question est de savoir dans quelle mesure ce conflit est comparable, par exemple, à l’expansion des forêts plantées que nous observons dans de nombreuses régions tropicales aujourd’hui ? Il existe assurément des similitudes. Entre les années 1960 et 1980 en particulier, de grands pans de forêts ont été abattus en Suède, le sol retourné et des peuplements d’arbres à croissance rapide, de variété parfois exotique, ont été plantés en monoculture.

Mais il existe aussi des différences. La situation écologique des forêts suédoises est moins diversifiée que, par exemple, une forêt pluviale tropicale. Les forêts plantées d’essences indigènes peuvent, en conditions boréales et si elles sont gérées correctement et conformément aux politiques actuelles, être relativement proches de conditions « naturelles ». Tandis qu’il conviendrait donc d’être vigilant lorsque l’on compare les situations d’un point de vue écologique, il peut être justifié de comparer des notes relatives au contexte politique, en particulier sur la manière dont les politiques qui favorisent les objectifs multiples peuvent être élaborées et appliquées.

Le « modèle suédois » peut-il donc être une solution pour les forêts d’ailleurs ? Il peut certainement contribuer au débat. La prise en compte du long terme dans l’élaboration des politiques et l’inclusion progressive d’objectifs multiples sont certes très pertinentes, mais je pense que le « modèle suédois » pourrait bénéficier d’expériences provenant d’ailleurs. Il offre un important point de vue historique, mais se concentre trop sur les arbres et pas assez sur les populations. Comme le disait Jack Westoby, auteur disparu de The purpose of forests, « La foresterie n’est pas une affaire d’arbres mais d’êtres humains. Et elle n’est une affaire d’arbres que si les arbres peuvent servir les besoins des êtres humains. »

Ça aussi, c’est un modèle !

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